Pour son premier sommet européen à Bruxelles les 22 et 23 juin, Emmanuel Macron s’est offert le luxe de déclarer sa « volonté de retrouver le fil de l’histoire et l’énergie du peuple européen ».
Or, cette référence à un « peuple européen » nous paraît à cette heure parfaitement illégitime. Surtout si, justement, l’on se réfère à l’Histoire, malheureusement si emplie des luttes européennes.
Nous ne nierions pas quant à nous que, face aux autres continents, existe bien, à un certain degré, une communauté des peuples européens. Même s’ils se sont férocement combattus pendant des siècles. Et même encore pendant ces temps de grands conflits. Les Européens se sont entretués pendant des siècles mais ils ont, à condition de n’être pas nié, un héritage commun.
En revanche, il nous paraît évident qu’un « peuple européen » en tant que tel n’existe pas.
Macron a bien dû s’en apercevoir, lors de ce sommet, dans l’affaire des travailleurs détachés : lui a bataillé pour protéger ses Français, tandis que ses collègues polonais, tchèques, hongrois, slovaques et slovènes défendaient chacun bec et ongles leurs nationaux. Et il n’a pas eu gain de cause. Sur ce sujet comme sur les autres, le sommet européen n’a pas été un succès pour le président de la République.
Macron est philosophe : il devrait comprendre ce que voulait dire Thibon lorsqu’il mettait en garde contre l’erreur consistant à « vouloir faire l’Un trop vite. »
Maurras – qui n’était pas anti-européen – dans le même ordre d’idées que Thibon, recommandait : « L’Europe, faites-la, mais ne faites pas comme si c’était fait ».
En parlant au singulier de « peuple européen », Macron fait comme si c’était fait et veut réaliser « l’Un trop vite ». C’est une faute.
Simplement, il se heurtera, comme toujours, au mur des réalités. Ce qui, d’ailleurs, vient de lui arriver assez rudement à Bruxelles. A l’inverse de ses prédécesseurs, il n’est pas dit qu’il s’obstinera. Sera-t-il en même temps pragmatique et idéologue ? Ou l’un des deux termes prévaudra-t-il ? Mais lequel ? •