Malgré la récurrence du terme dans le débat public, l’aménagement du territoire est un legs gaulliste qui gît abandonné dans les placards des ministères. Au commencement était le livre du géographe Jean-François Gravier (1915- 2005), Paris et le désert français, publié en 1947. Dans cette étude, ce spécialiste de la géographie industrielle, formé à l’école novatrice des penseurs non-conformistes des années 1930, proche de l’économiste François Perroux (1903- 1987), faisait déjà le constat d’une région parisienne hypertrophiée à l’échelle nationale.
Ce livre s’est incarné politiquement, aux lendemains de sa réédition en 1958, avec la fondation de la DATAR, institution confiée en 1963 par le général de Gaulle au baron Olivier Guichard qui passera ensuite le relais à Jérôme Monod devenu en 1975 le directeur de cabinet de Jacques Chirac à Matignon. En lecteur attentif de Jean-François Gravier, le fondateur de la Ve République pensait que le fondement de l’aménagement du territoire était le maintien et le développement d’un tissu industriel réparti sur l’ensemble de la superficie hexagonale.
Le déclin de la DATAR sonna à l’heure du giscardisme triomphant, pour qui l’innovation technologique primait trop souvent sur la dimension sociale propre à l’industrie française. L’aménagement du territoire ne s’en est jamais vraiment remis. Le président François Hollande lui porta le coup de grâce lors de son quinquennat en le fusionnant avec la politique de la ville, ce qui n’a évidemment rien à voir. En matière d’aménagement du territoire, il s’agit avant tout de créer ou de perpétuer des emplois privés, de favoriser la croissance des entreprises industrielles. En 2014, la DATAR – qui n’était déjà plus que l’ombre d’elle même fut donc purement et simplement supprimée.
Il devient urgent de revenir à l’essence de l’aménagement du territoire, c’est-à-dire à la réindustrialisation du pays. Le président Nicolas Sarkozy, en nommant en 2009 des Commissaires à la réindustrialisation par exemple, avait compris l’intérêt de la chose. Sa défaite électorale à l’élection présidentielle de 2012 a sonné le glas de cette ébauche de stratégie. Elle demeure depuis fantomatique faute d’une réelle ambition politique de nos dirigeants pour notre pays. L’« Axe Seine », qui court du Havre à Paris, ne bénéficie par exemple pas assez d’une attention de l’État. La Vendée, terre de création d’entreprises et d’emplois, reste mal desservie sur le plan autoroutier et ferroviaire. Les bassins industriels de l’Aveyron continuent de sombrer économiquement. On pourrait ainsi multiplier les exemples.
On ne peut se résoudre à laisser subsister des poches de misère humaine et sociale dans nos territoires périphériques, au cœur des provinces françaises. Renouer avec l’aménagement du territoire est essentiel pour beaucoup de régions métropolitaines ou ultramarines : transports structurants, implantations d’entreprises, interactions avec les ressources naturelles et les productions existantes. Cet aménagement doit être durable, adapté aux défis environnementaux et pour cela être pensé sur le temps long. Le temps long, au sens que lui donnait l’historien de l’économie du bassin méditerranéen et de l’identité de la France, Fernand Braudel, est la condition essentielle de la prospérité. Il se heurte bien souvent aux impératifs du calendrier électoral. Durant la campagne présidentielle qui s’ouvre, il faudra être attentif aux propositions des candidats dans ce domaine.
Jean, comte de Paris
Billet publié hier (9.03.2022) sur le blog de l’Action Française
David Nivière
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Merci Monseigneur !
Merci pour cette lecture de la situation
Merci pour la vision d’avenir
Merci de nous guider
Merci d’être notre espérance
Que Dieu Vous bénisse
Longue vie à la Famille de France
oi qui suis étatiste et interventionniste, je ne peux qu’applaudir à ce point de vue du Prince.
Qui n’aborde pourtant pas un aspect déterminant : la funeste Décentralisation de 1982 a conféré aux « Pouvoirs locaux » (qui ne sont « Pouvoirs » que parce que l’État veut bien leur conférer quelques ressources et beaucoup trop de domaines d’intervention), la décentralisation a créé des féodalités arrogantes qui se croient autorisés à agir sur un domaine qui seul doit appartenir à l’État.
C’est à l’État de décider où et comment sera installé telle usine ou tel laboratoire et cela en fonction des besoins nationaux et non plus de la gloriole des potentats.
Il nous faut de grands Commis de l’État, comme Paul Delouvrier jadis par exemple, ou Maurice Doublet. Des gens qui, appuyés par un Gouvernement fort savaient passer au dessus des récriminations locales…
Je crains qu’on n’ait pas encore mûri là-dessus… Surtout à l’AF…