Par Aristide Renou.
Cette analyse purgative d’Aristide Renou est parue sur sa page Facebook, le 6 mars dernier. Elle n’est pas une punition purgative du tout. On la lit d’un trait, avec plaisir, intérêt et profit.
Fidèle à mon principe selon lequel l’étude de la politique commence par l’étude des discours des hommes politiques, je me suis infligé la purge consistant à lire la lettre de candidature d’Emmanuel Macron aussi attentivement que me le permettait le puissant ennui que dégage celle-ci.
Que nous dit donc cette lettre ?
La première chose c’est qu’Emmanuel Macron ne se fait manifestement pas beaucoup de soucis pour sa réélection, pour ne pas dire qu’il la considère pratiquement comme acquise. Cette « lettre », manifestement torchée en un quart d’heure sur un coin de table par quelque communicant payé à prix d’or pour aligner les clichés et les « éléments de langage » validés par le président-candidat, est vraiment le minimum syndical de la candidature. On y trouve, précisément, en abondance des clichés et des expressions toutes faites, qui, pour l’immense majorité d’entre elles, pourraient convenir dans n’importe quelle situation, un peu comme ces prévisions astrologiques suffisamment vagues pour n’être jamais complètement fausses.
Dans Le Rouge et le Noir, Julien Sorel, pour conquérir Mathilde, fait semblant de courtiser l’épouse snob et bigote d’un vieux maréchal et, pour ce faire, lui envoie des lettres d’amour que lui procure un ami russe, lettres dont ce Russe s’est servi autrefois pour faire la cour à une dame anglaise. Julien envoie ces lettres quotidiennement en oubliant parfois d’y changer Londres en Paris et, de manière générale, sans y faire aucun des ajustements nécessaires pour les rendre appropriées à leur destinataire. Mutatis mutandis, la lettre de candidature d’Emmanuel Macron pourrait être une de ces lettres prétextes envoyées par Julien à une femme qui lui est indifférente. Macron aime le pouvoir et voudrait continuer à l’exercer, quel dommage et quel ennui que, pour cela, il faille obtenir l’assentiment des Français !
La seconde chose que nous apprend cette lettre, c’est qu’Emmanuel Macron considère qu’il gagnera sa réélection à la fois sur sa gauche et grâce à l’électorat âgé. Dans sa lettre, il est longuement question de « préserver et améliorer » le fameux « modèle social français », il est question de combattre les inégalités « à la racine », mais aussi de « permettre à chacun de vivre le grand âge à domicile tant qu’il le peut » et de « faire reculer les déserts médicaux ». Il est question d’écologie aussi, bien sûr, et le président-candidat nous met en garde contre « le repli », « la nostalgie » et le fait de « ressasser » le passé. La seule catégorie professionnelle à laquelle il s’adresse directement et explicitement est celle des enseignants, à qui il promet que grâce à lui, demain, ils seront « plus libres, plus respectés et mieux rémunérés. » Il prononce aussi la formule magique qui les fait craquer à chaque fois : « former non pas seulement des individus et des consommateurs, mais des citoyens. »
Le régalien est abordé du bout des lèvres et sous le seul angle des « moyens » – moyens qui, bien évidemment, seront plus abondants une fois que Macron sera réélu car, demain et grâce à lui, le lait et le miel couleront pour tous les Français et toutes les catégories professionnelles. Le président-candidat nous affirme que pour lui « le respect des lois n’est pas négociable » ce qui, sous une apparence de fermeté, est proprement ne rien dire étant donné que la caractéristique essentielle de la loi est précisément d’être obligatoire et de prévoir des sanctions en cas de désobéissance.
Par ailleurs, dans cet inventaire à la Prévert de toutes les choses qu’il considère comme importantes, un thème est absent de manière très voyante : celui de l’immigration. Pas un mot, pas même une allusion à ce sujet.
Bref, Emmanuel Macron se prépare à un duel avec « l’extrême-droite », duel qu’il prévoit de remporter largement grâce aux gros bataillons des profs, des boomers et des gagnants de la mondialisation. A ces derniers il ne prend d’ailleurs même pas la peine de s’adresser tant il les tient pour acquis. Sa lettre de candidature publiée dans la presse quotidienne régionale fait l’impasse sur tous ceux qui ne lisent pas cette presse, c’est-à-dire les habitants de métropoles. Eux, pourrait-on dire, sont macronistes par nature et n’ont pas besoin qu’il les courtise.
Si nous nous demandons maintenant quel est le fond du « projet » d’Emmanuel Macron, ce qu’il fera de ses pouvoirs une fois que nous l’aurons reconduit pour cinq ans dans ses fonctions, il apparait que son ambition fondamentale est d’adapter la France à la marche du monde. « Le chemin qui doit être suivi », explique-t-il, c’est celui de la « transformation ». S’il est candidat, c’est pour « inventer », pour inventer « une réponse française et européenne singulière » face aux « défis du siècle ». Le changement, le changement sans finalité définie autre que l’adaptation toujours recommencée à un monde toujours changeant est le but ultime de l’action politique.
C’est à ce point qu’apparait une difficulté. Une difficulté philosophique d’abord, car la transformation présuppose une permanence plus fondamentale, qui permet de reconnaitre que la chose transformée est bien la même que celle qui existait avant la transformation. Lorsque, par exemple, nous disons de quelqu’un qu’il a bien changé, nous impliquons qu’il est néanmoins toujours la même personne, et c’est ce qui nous permet de constater le changement entre hier et aujourd’hui. Une transformation dans laquelle l’identité du sujet n’est pas préservée n’est pas un changement mais une destruction.
Ainsi, si le siècle a pour nous « des défis », comme le dit Emmanuel Macron, c’est bien parce que certaines situations menacent certains biens que nous voudrions conserver. Le flux des événements n’est un défi pour nous que s’il nous empêche de persévérer dans notre être.
Cette difficulté philosophique débouche par conséquent sur une difficulté politique pour le président-candidat. D’un côté, il faut « transformer », « inventer », et ne pas regarder le passé, car « L’enjeu est de bâtir la France de nos enfants, pas de ressasser la France de notre enfance. » Mais, d’un autre côté, il faut « préserver notre modèle social » ainsi qu’un « art de vivre millénaire » et « enraciné dans chaque région, chaque canton, chaque ville et chaque village. » Or qu’est-ce donc que ce « modèle social » sacré et cet art de vivre millénaire qu’il faut transmettre, si ce n’est la France de notre enfance qu’il nous est interdit de ressasser ?
Le mouvement, le mouvement permanent et sans finalité, est ce que souhaite Emmanuel Macron, car c’est dans ce mouvement qu’il expérimente sa puissance d’agir en tant que gouvernant. Mais la conservation de ce qui lui semble bon est ce que souhaite le citoyen ordinaire, ou bien alors le changement de ce qui lui semble mauvais, mais le changement en quelque chose de bon qu’il voudra ensuite précieusement conserver. Bref, ce que veut Emmanuel Macron est essentiellement différent de ce que veulent les Français dont il doit pourtant solliciter les suffrages. Emmanuel Macron, pourrait-on dire, est dans la situation de ces rares personnes qui aiment la guerre pour la guerre, alors que les soldats dont ils ont besoin pour bâtir leur armée ne consentent en général à la guerre que parce que celle-ci est la condition d’une paix juste et honorable.
Cette difficulté se donne particulièrement à voir dans le « projet européen » d’Emmanuel Macron. D’un côté, sa déclaration de candidature insiste sur l’indépendance de la France : le mot est prononcé plusieurs fois. S’il est candidat c’est « pour nous permettre aujourd’hui comme demain de décider pour nous-mêmes. » Mais, d’un autre côté, il se félicite en ouverture de sa lettre de ce que l’excellence des « réformes » entreprises depuis cinq ans nous ait « permis d’être crédibles et de convaincre nos principaux voisins de commencer à bâtir une Europe-puissance, capable de se défendre et de peser sur le cours de l’Histoire. »
L’habileté rhétorique peut sans doute dissimuler mais elle ne peut pas faire disparaitre le fait que vouloir décider pour soi-même et vouloir être « crédible » aux yeux d’autrui sont deux objectifs strictement contradictoires. De la même manière, l’indépendance de la France est incompatible avec cette « Europe puissance » si chère au cœur d’Emmanuel Macron, car la capacité d’action du tout dépend de la parfaite coordination des parties qui le composent. L’Europe puissance suppose que chaque pays membre de l’Union européenne cède sa puissance d’agir aux institutions communes. Et, bien sûr, si Emmanuel Macron veut une « Europe puissance » capable de « se défendre et de peser sur le cours de l’histoire », c’est bien parce qu’il a jugé que la France n’est plus capable de l’un et de l’autre.
La France selon Emmanuel Macron est une pauvre chose impuissante ballottée par les flots de l’histoire, un fétu de paille emporté par le vent du changement, dont le destin est de disparaitre dans l’extase européenne ou de disparaitre tout court. L’Europe puissance est désirable car elle donnera à des gens comme notre président la capacité de « peser sur le cours de l’histoire », comme il le dit, et tant pis si cela signifie la disparition de cette nation qui l’a porté à sa tête pour la préserver et dont il sollicite à nouveau les suffrages.
Dans sa déclaration de candidature, Emmanuel Macron fait encore une fois et outrageusement du « en même temps ». Les Français ont pourtant eu cinq ans pour comprendre que « en même temps » était un autre nom pour le mensonge. Le fait qu’il persiste à leur mentir sans vergogne est la preuve de la piètre estime dans laquelle il les tient. Nous saurons bientôt si cette appréciation est justifiée. ■
Pourrait-on me dire quant est-ce que dans ma PQR le journal Le Progrès-les dépêches diffusera cette fameuse bafouille aux français? .
Sans doute que sa propagande élyséenne va me refaire le coup du « en même temps » avec son agenda européen chargé en tant qu’ancien signataire irresponsable dans les accords de Minks2 et nouveau président de l’Europe s’occupant de problème géopolitique qui ne l’a concerne pas.
Avant on disait « encore un coup des américains » aujourd’hui le français moyen va pouvoir se dire : « encore un coup macronien ».
Un petit banquier qui oeuvre depuis cinq ans contre son pays et son peuple, qui n’aime pas la France, ne perd jamais une occasion de le montrer, qui méprise les français traités de gaulois récalcitrants. Va-t-il encore nuire pendant cinq ans ? Ce serait un cauchemar pour notre pays, la seule ambition de Macron étant de le détricoter.
Merci pour cette analyse de la pensée de jupiter !
Mais par pitié, pas 5 ans de plus !!
Merci de cette analyse profonde. Maintenant comment résister, nous qui croyons à la vie de l’esprit, non à sa perte? Nous qui voulons vivre car nous aimons la vie, non être effacés de ‘l’histoire et de notre histoire, de notre culture! de notre destin et de notre liberté, et nous résigner avant l’heure à une immense ephad morale et physique. Si nous abdiquons notre conscience avec lui- et Dieu sait qu’il y a matière- notre vie n’a plus aucun sens. Merci encore de cette analyse pour nous réveiller. la ligne de démarcation est tracée. .