Dans cet ouvrage rédigé en 1920, Jacques Bainville dénonce le traité de Versailles de 1919 en ces termes célèbres : « Une paix trop douce pour ce qu’elle a de dur, et trop dure pour ce qu’elle a de doux ». Bainville estime en effet que le traité risque de n’être qu’un armistice de courte durée. Il n’est pas de lecture qui laisse l’impression plus vive d’une intelligence exceptionnelle, à la fois lucide, ferme, rapide, vigoureuse, appliquée au réel, s’élevant sans fatigue du détail géographique aux vues les plus vastes et se servant de l’expérience historique avec une sûreté qui éblouit et une aisance qui convainc.
Le traité mettant fin à la Première Guerre mondiale est signé dans la galerie des Glaces du château de Versailles, entre l’Allemagne et les Alliés.
Il a été préparé par les vainqueurs, le Français Clemenceau, le Britannique Lloyd George, l’Italien Orlando et l’Américain Wilson.
Dans Les conséquences politiques de la paix, Jacques Bainville analyse ce mauvais traité.
Prévoyant l’entente germano-russe aux dépends de la Pologne ou encore l’éclatement de la Yougoslavie, il remarquait surtout que l’Allemagne, bien que diminuée, voyait sa puissance relative accrue ! Seul grand État désormais en Europe centrale, entourée « d’un chapelet de Serbies », il annonçait qu’elle ne paierait pas les réparations et que d’ici une génération, elle chercherait à son tour à prendre sa revanche.
Extrait :
« Une Allemagne diminuée d’environ 100.000 kilomètres carrés, mais, sur ce territoire réduit, réunissant encore soixante millions d’habitants, un tiers de plus que la France, subsistait au centre de l’Europe. L’œuvre de Bismarck et des Hohenzollern était respectée dans ce qu’elle avait d’essentiel. L’unité allemande n’était pas seulement maintenue, mais renforcée. les Alliés avaient affirmé leur volonté de ne pas intervenir dans les affaires intérieures allemandes. Ils y étaient intervenus pourtant. Toutes les mesures qu’ils avaient prises avaient eu pour résultat de centraliser l’Etat fédéral allemand et de consolider les anciennes victoires de la Prusse. S’il y avait des aspirations à l’autonomie ou au fédéralisme parmi les populations allemandes, elles étaient étouffées. Le traité poussait, enfermait, parquait 60 millions d’hommes entre des frontières rétrécies. C’est une « Allemagne d’autre part » au nom de laquelle deux ministres sont venus signer à Versailles le 28 juin 1919.
Du fond de la Galerie des Glaces, Müller et Bell, de noir habillés, avaient comparu devant les représentants de vingt-sept peuples réunis. Dans le même lieu, sous les mêmes peintures, quarante-huit ans plus tôt, l’Empire allemand avait été proclamé. Il y revenait pour s’entendre déclarer à la fois coupable et légitime, intangible et criminel. A sa condamnation, il gagnait d’être reconnu. Müller et Bell, obscurs délégués d’une Allemagne vaincue, pensaient-ils à ce que la défaite laissait survivre d’essentiel ? Peut-être, pour beaucoup des assistants et des juges, était-ce une jouissance de voir le redoutable Empire de Guillaume II humilié dans la personne d’un intellectuel socialiste et d’un avoué de province. La voix brève de M. Clemenceau ajoutait à l’humiliation : « Il est bien entendu, Messieurs les délégués allemands, que tous les engagements que vous allez signer devront être tenus intégralement et loyalement. » Nous entendrons toujours ce verbe tranchant, et les deux Ja, indifférents et mous, qui sortirent de la bouche de Müller et de Bell, conduits comme des automates par le chef du protocole. Faible voix. Débile garantie. Qu’est-ce que Müller et Bell pouvaient engager ? Le traité de Versailles mettait en mouvement des forces qui échappaient déjà à la volonté de ses auteurs.
Une paix trop douce pour ce qu’elle a de dur : dès qu’elle avait été connue, nous en avions donné cette définition. On verra qu’elle reste juste et qu’elle a résisté à l’expérience. Le traité enlève tout à l’Allemagne, sauf le principal, sauf la puissance politique, génératrice de toutes les autres. Il croit supprimer les moyens de nuire que l’Allemagne possédait en 1914. Il lui accorde le premier de ces moyens, celui qui doit lui permettre de reconstituer les autres, l’État, un État central, qui dispose des ressources et des forces de 60 millions d’êtres humains et qui sera au service de leurs passions… »
L’AUTEUR
Jacques Bainville naît le 9 février 1879 à Vincennes et meurt le 9 février 1936 à Paris. Né dans une famille républicaine, il devient royaliste à 20 ans. En 1900, au Café de Flore, il rencontre Charles Maurras et la toute jeune Action française. Charles Maurras lui confie alors la rubrique de la Politique étrangère dans L’Action française. Bainville assure également la direction de La Revue universelle. Historien, il entre à l’Académie française en 1935 au siège de Raymond Poincaré.
LES CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX PAR JACQUES BAINVILLE
PRÉFACE DE PIERRE GAXOTTE
144 pages | 10€
Janvier 2022
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Éditions de Flore
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