PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ
Cette tribune [20.07] – d’une pertinence toujours égale – est l’une de celles que Mathieu Bock-Côté donne sur son blogue du Journal de Montréal. Il aura été depuis quelques temps déjà, non seulement un observateur lucide des évolutions politiques dans les pays dits encore occidentaux mais aussi de leur situation sociétale qui n’est pas de moindre importance. L’esprit de ces chroniques, comme de celles qu’il donne au Figaro, est, au sens de la littérature et de l’histoire des idées, celui d’un antimoderne, même s’il n’est pas sûr qu’il accepterait cette qualification. Il s’est imposé, selon nous, comme un esprit de première importance. LFAR
La scène se passe à Londres, mais elle pourrait se dérouler n’importe où ailleurs en Occident.
Le métro de Londres a décidé de changer sa manière de s’adresser à ses usagers. Il remplacera le traditionnel « Mesdames et Messieurs » par quelque chose comme « Bonjour tout le monde ». Adieu Ladies and Gentlemen !
Pourquoi ?
Transphobie
Parce qu’il a cédé à la frange radicale de la mouvance LGBT qui considérait que le vocabulaire d’usage dans le métro était trop genré.
La formule « Mesdames et Messieurs » consacrerait le règne du masculin et du féminin, ce qui exclurait ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne s’identifient à aucun des deux sexes. La rectitude politique triomphe.
Mais quelle est la signification de ce délire ?
On notera d’abord que ce changement témoigne du progrès de l’idéologie trans.
Comme je l’écrivais dans cette chronique récemment, l’idéologie trans consiste à prendre la condition des trans comme nouvelle norme et à l’imposer à l’ensemble de la société.
Notre société a décidé de s’ouvrir aux gens qui ont un trouble de l’identité sexuelle. C’est très bien. Elle les soutient et les accompagne dans leur quête.
Mais doit-on, au nom de cette ouverture, censurer la presque totalité des repères de l’immense majorité de la population ?
Père, mère, monsieur, madame, garçon, fille, ces mots sont-ils vraiment de trop ? Faut-il vraiment construire une société aseptisée ?
On nous demande avec raison de faire preuve de courtoisie envers l’infime partie de la société qui se sent étrangère à son sexe de naissance.
Mais il faudrait aussi faire preuve de courtoisie à l’endroit du commun des mortels et ne pas confondre la norme et la marge.
On notera aussi que le moindre caprice idéologique des minorités radicales s’impose rapidement à nos dirigeants.
Les différentes minorités autoproclamées, qui aiment se faire passer pour des victimes, sont de plus en plus tyranniques. Elles avancent leurs revendications et accusent d’intolérance ceux qui ne se soumettent pas immédiatement.
Par exemple, on peut être assurés que si le métro de Londres avait clairement dit non à ceux qui voulaient gommer la référence à Mesdames et Messieurs, ses dirigeants auraient été accusés de « transphobie ».
Officiellement, ce terme désigne ceux qui seraient intolérants envers les trans. Dans les faits, il sert très souvent à stigmatiser médiatiquement ceux qui ne se plient pas devant les injonctions de l’idéologie trans.
Majorité
Osons une question un peu sensible : qui croit que ces lobbies représentent vraiment ceux dont ils se réclament ?
Ce n’est pas parce qu’un groupuscule se déclare représentant d’une partie de la population qu’il la représente vraiment.
Dans le cas présent, on peut être à peu près certain que l’immense majorité de la population n’avait aucun problème avec le vocabulaire traditionnel du métro de Londres.
L’heure est peut-être venue de résister aux lobbies victimaires. Il y a des limites à toujours se coucher par peur d’avoir une mauvaise réputation.
N’est-ce pas Mesdames ? N’est-ce pas Messieurs ? •
MATHIEU BOCK-CÔTÉ
Votre article est intéressant, mais ces idées sont, dans leur principe, issues de la Révolution française avec l’idée des Lumières de » créer un homme nouveau « .
A Claude
Pourquoi mais ?
Ironie de l’histoire. Dans les temps anciens et même pas si anciens, on qualifiait de dictature le régime oppressif d’une minorité qui s’était emparée du pouvoir ou s’y maintenait par la force contre les vœux d’une supposée majorité qui se battait contre elle pour la liberté de la majorité. Dans les démocraties ultra-avancées d’Occident, post-modernes pour reprendre des expressions marquées au coin du modernisme intello-chic, les majorités se plient avec enthousiasme ou résignation fataliste, c’est selon, à toutes les revendications parfois les plus fantaisistes les unes que les autres, à conditions qu’elles s’appuient sur un substrat victimaire de personnes auto-déclarées en souffrance face à tout le reste d’une population donnée supposée vivre dans lr bien-être moral. S’énerver contre cet étrange état de fait ne sert à rien et même pire, vous fait entrer immédiatement dans le camp des méchants, des rigides, des réactionnaires rétrogrades voués à la non-fréquentabilité publique et médiatique par décret des hautes autorités post-morales auto-déclarées mais reconnues supérieures par la vaste communauté des intelligences les plus avancées. Libre à chacun de s’en reconnaître membre. Tout cela laisse songeurs les esprits de raison à la recherche de sens. Mais rechercher du sens a-t-il encore un sens ?
Beau commentaire, Gilbert Claret. Merci !