L’AVIS DE JEAN-CHRISTOPHE BUISSON*
Le nouveau film de Christopher Nolan, Dunkerque, bat des records de fréquentation aux Etats-Unis.
En France aussi, la victoire semble acquise : son démarrage en salles équivaut à celui d’un autre film de guerre narrant les exploits de troupes anglo-saxonnes en France durant la Seconde Guerre mondiale : Il faut sauver le soldat Ryan. Succès mérité ? Au regard de ses qualités cinématographiques (mise en scène, rythme, interprétation, thème musical somptueux de Hans Zimmer…), aucun doute. D’un point de vue historique, en revanche, il y a motif à agacement. Voire colère. Tout à son point de vue anglo-centré, le réalisateur omet purement et simplement de montrer ce que la réussite inespérée de cette évacuation de plus de 300 000 soldats alliés coincés entre la Wehrmacht et la mer du Nord en mai-juin 1940 doit aux Français. Pire : non seulement, on ne voit aucune image de l’héroïque couverture matérielle et humaine de l’opération Dynamo par l’armée du général Weygand (et ce au prix de pertes supérieures à celles de leurs homologues anglais), mais rien non plus des bombardements terribles de la ville par l’aviation allemande. Et aucune image, non plus, des 140 000 Français qui traversèrent aussi la Manche à cette occasion. Des Français à Dunkerque ? Et puis quoi encore ! •
* LE FIGARO MAGAZINE – 28 JUILLET 2017
Mon grand-père y était en qualité d’officier de réserve de l’artillerie. Rappelé pour la guerre, il commandait alors une batterie. A Dunkerque, il a embarqué sa batterie sur ordre de son chef. L’officier anglais qui régulait l’embarquement ne voulait pas les laisser embarquer : il voulait repartir à vide. Mon grand-père a dû menacer de son arme l’officier anglais pour mener à bien sa mission et évacuer ses canonniers. Ils ont fini par embarquer, l’officier anglais ayant cédé à la menace.
Il est généralement absurde de juger un film en fonction de ce qu’on aurait aimé qu’il soit. J’ai trouvé « Dunkerque » agréable et intéressant et l’ai écrit sur un des multiples forums de cinéma sur quoi je m’exprime ; mais surtout j’ai été profondément touché par sa fin, la citation du discours de Churchill qui dit haut et fort, le 4 juin, que la Grande-Bretagne se battrait partout, sur les plages et dans les rues. Et qu’elle ne se rendrait jamais.
La lâcheté de nos « élites » qui ont baissé culotte n’en apparaît que plus lamentable. Et le triste, c’est que beaucoup de nos maîtres ont approuvé cette déculottade…
Au fait qu’on ne me dise pas que l’Angleterre est une île et que les Boches n’y étaient pas : que nous le voulions ou non, la Grande-Bretagne, seule à lutter entre juin 40 et juin 41, a sauvé le monde…
La lâcheté de nos élites a surtout consisté à ne rien faire pour préparer la guerre ; à réunir les conditions d’une défaite sans analogue.
L’héroïsme du peuple britannique et de ses élites est indéniable. Sans oublier celui de la famille royale. Chez nous, Albert Lebrun a passé l’Occupation à Vizille …
Pourtant, dans son époustouflant Churchill, Boris Johnson raconte comment Churchill fut seul, dans le cabinet anglais à vouloir continuer la guerre, seuls, désormais, face à l’Allemagne. Le parti de « l’accommodement » avec l’Allemagne était nombreux et puissant. Churchill dut batailler ferme pour emporter la décision !