PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ
Cette tribune [2.08] – d’une pertinence toujours égale – est l’une de celles que Mathieu Bock-Côté donne sur son blogue du Journal de Montréal. Il aura été, depuis quelque temps déjà, un observateur lucide non seulement des évolutions politiques des pays dits encore occidentaux mais aussi de leur situation sociétale qui n’est pas de moindre importance. L’esprit de ces chroniques, comme de celles qu’il donne au Figaro, est, au sens de la littérature et de l’histoire des idées, celui d’un antimoderne, même s’il n’est pas sûr qu’il acquiescerait à cette classification. Il s’est en tout cas imposé, selon nous, comme un esprit de première importance. Mathieu Bock-Côté n’est pas tendre ici pour Donald Trump, bien que, comme nous, il ait sans-doute préféré son élection à celle d’Hillary Clinton. Sur ce personnage, chef du plus puissant pays du monde, il nous paraît toutefois lucide. Ce qui nous rappelle que, de par la nature de ce grand Etat, de ses intérêts, de son système politique et de sa classe dirigeante, les limites de l’alliance américaine doivent être toujours très présentes aux esprits français. LFAR
Il peut sembler facile, très facile, et même trop facile, de dire du mal de Donald Trump et de son administration. Hélas, il est difficile d’en dire autre chose !
Nous sommes manifestement devant un pouvoir grotesque. Il a toutefois cela de particulier qu’il s’exerce à la tête de l’empire qui domine notre temps à un moment de l’histoire qui exigerait de grands dirigeants, capables de faire face à une époque tragique.
Il y a quelque chose de saisissant à lire d’un côté les déboires d’un président fantasque et de l’autre, l’explosion d’une actualité internationale agitée qui laisse deviner des années difficiles.
Histoire
C’est le paradoxe de Trump : il prétend incarner un renouveau de la puissance américaine, mais il tourne son pays en ridicule sur la scène mondiale.
Évidemment, l’Amérique survira à Trump, mais il aura contribué à son affaiblissement. Il en viendra un jour à représenter un dérèglement possible de la démocratie qui, toujours, peut céder aux démagogues, même si ceux-ci jouent souvent sur des inquiétudes populaires légitimes pour se hisser au pouvoir.
Trump a conquis la Maison-Blanche en prenant au sérieux le sentiment de dépossession d’un grand nombre d’Américains. Il les trahit en se montrant incapable de se hisser à la hauteur de sa nouvelle fonction.
Il voulait transgresser le politiquement correct, mais il en est venu à piétiner les exigences élémentaires de la décence.
Revenons-y : l’époque est tragique et nous ne semblons toujours pas l’accepter.
Revenons au début des années 1990. Après la chute du communisme, le monde occidental se croyait engagé sur le chemin de la paix perpétuelle. Certes, on trouverait encore ici et là des poches de résistance à la modernité.
Mais le monde serait en voie de s’unir sous la pression du commerce et grâce au génie des droits de l’homme. La révolution technologique ferait de la planète un immense village.
Les vieux conflits entre les pays, les religions et les civilisations deviendraient tout simplement incompréhensibles.
Mondialisation
Tout cela nous semble aujourd’hui terriblement ridicule.
Qu’on pense seulement à la Russie de Poutine. Elle est dans une quête de puissance classique qui semble incompréhensible à ceux qui ne jurent que par la vie festive.
Qu’on pense aux migrations massives, surtout celles qui frappent l’Europe : elles annoncent un monde chaotique qui fragilisera comme jamais le vieux monde.
Qu’on pense aux fantasmes nucléaires de la Corée du Nord.
Pensons, de manière plus heureuse, cette fois, au Brexit : en votant en sa faveur, les Britanniques ont rappelé que l’indépendance nationale demeure une valeur cardinale. Dans un monde bouillant, les peuples redécouvrent l’importance vitale des frontières.
Retour à Trump. À certains égards, il représentait une révolte du peuple américain contre les excès de la mondialisation et un désir de réaffirmer une vision plus traditionnelle des États-Unis, plus adéquate pour affronter les temps nouveaux.
Jusqu’à présent, il a tout gâché en se contentant d’être la caricature de lui-même. Il n’a pas su quoi faire de sa victoire. On ne voit pas comment il pourrait changer de cap. •
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).
Cet article, portant la touche sûre et connue du nord-américain Bock-Côté,est excellent.
J’ oserais le compléter en ajoutant que contrairement au Canada (et à la France),les Etats-Unis sont marqués depuis l’origine par un calvinisme-souvent hypocrite-,un faux esprit des « Lumières » de conception londonienne et anti-papiste, duquel est sortie la franc-maçonnerie…et les droits-de-l’homme(lesquels, à mon sens, n’ont rien de génial-hormis de se couvrir en cas de nécessité-du manteau fort transparent de la démocratie,utile et malléable à souhait) .Les chiffres n’ont pas le don de la parole !
Notons de surcroît que le puissant et énergique mercantilisme américain,(anglais au départ), a la chance de pouvoir s’appuyer encore sur une abondance de matières premières. Trump-astucieux homme d’affaires,plus que roué ou maladroit politicien, en est conscient plus encore que ses prédécesseurs.
Il est aussi « servi » par une presse- servilement gauchiste- qui se vend bien, sans un pays où l’argent est « l’ami de coeur ».
Donald TRUMP, est aussi trahi par les siens, c’est le Sénat qui a obligé les stupides sanctions contre la Russie, et qui a détruit sa lutte contre l’immigration invasion et les média pourris qui le harcèlent, dernier exemple, la presse l’accuse de sympathie envers ce qu’ils nomment avec mépris: l’extrème droite
C’est trop facile d’accabler Trump !
vous devriez rappeler tout d’abord que le président américain n’a pas du tout les pouvoirs d’un président français : il en a beaucoup moins !
vous devriez rappeler que Donald Trump a contre lui, une partie de son administration, son propre parti, l’opposition démocrate, le monde des affaires et de la finance, les médias, le complexe militaro industriel, la CIA et une bonne partie des services de renseignement
ça fait beaucoup de monde et des plus puissants !
Alors dites nous comme le président Trump pourrait appliquer sa politique, celle qu’il a proposé au peuple américain, peuple américain qui l’a élu pour que celle ci soit mise en œuvre ?
Je nous propose ce lien qui devrait nous éclairer :
http://lesakerfrancophone.fr/que-peut-faire-trump
Il ne s’agit pas de charger Trump. Nous souhaitions son élection. Non pas pour des raisons de politique intérieure américaine – ce n’est pas notre affaire – mais dans l’intérêt de la France et de ce qu’il reste de l’Occident. Quelles qu’en soient les raisons, son action, du seul point de vue que je viens de dire – est décevante. Comme en général la politique des Etats-Unis depuis bien longtemps.
N’avez vous donc pas compris que Donald Trump est « empêché » de faire SA politique ?
Vous semblez ignorer le fonctionnement des institutions américaines………….
Non, cher petitjean, nous n’oublions pas, nous n’ignorons pas ce que vous signalez. Nous l’avons même écrit. Mais, pour nous qui sommes Français, seul le résultat compte. Le résultat pour la France.