Par Ilyes Zouari
Excellent article – et très instructif – que son auteur nous a fait l’amitié de nous transmettre. Le sujet est d’une extrême importance et, si besoin est, l’on pourra en débattre. LFAR
La France demeure un pays relativement sous-peuplé, qui n’est toujours pas parvenu à rattraper un retard de deux siècles qui lui a coûté cher. Encore imprégnée des idées malthusiennes, elle se doit aujourd’hui de contribuer davantage à limiter le déclin démographique du continent européen.
Selon les dernières données démographiques fournies par Eurostat en juillet dernier, la France demeure un pays relativement sous-peuplé par rapport à ces grands voisins européens, comme l’avait déjà déploré le célèbre ouvrage « Paris et le désert français » publié en 1947, et qui avait inspiré la classe politique de l’après-guerre. Se classant de nouveau au-delà de la dixième place (15e, hors Turquie) en matière de croissance démographique en Europe, qui souffre elle-même d’une quasi-stagnation de sa population, la situation n’est donc pas prête de s’inverser. Pourtant, la France devrait contribuer davantage à limiter le déclassement du continent.
Une France relativement sous-peuplée
Avec une densité de population de 118 hab./km2, début 2017, la comparaison entre la France métropolitaine et les autres grandes puissances européennes est sans appel. Le Royaume-Uni présente une densité de 271 hab./km2, ce qui lui permet d’être davantage peuplé pour un territoire pourtant 56% moins étendu (65,8 millions contre 64,9). De leur côté, l’Allemagne et l’Italie présentent, respectivement, une densité de 232 hab. /km2 et de 201 hab. /km2. En d’autres termes, l’Hexagone aurait dû compter, à la même date, 149,7 millions d’habitants pour être aussi populeux que le Royaume-Uni, 127,8 millions pour être au même niveau que l’Allemagne, et seulement 110,9 millions pour être comparable à l’Italie.
Ce genre de comparaison peut également être étendu à bien d’autres puissances à travers le monde, comme le Japon (126,7 millions d’habitants, soit 335 hab./km2), la Corée du Sud (50,9 millions, soit 508 hab./km2) ou encore l’Inde (1,34 milliard d’habitants, et 407 hab./km2). Afin d’être proportionnellement aussi peuplée que ces pays, la France métropolitaine aurait ainsi dû compter, respectivement, 184,9 millions, 280,3 millions et 224,7 millions d’habitants en début d’année.
Ce relatif sous-peuplement se révèle également à travers le taux d’artificialisation des sols. Selon l’enquête LUCAS, réalisée tous les trois ans par Eurostat, la part des espaces artificialisés (sols recouverts par des bâtiments, des routes, des voies ferrées, des parkings…) n’était que de 5,4% du territoire métropolitain en 2015.
Au passage, ce taux n’est que légèrement inférieur à celui du Royaume-Uni (6,5%), alors que ce dernier est proportionnellement plus de deux fois plus peuplé (+131%). Ce qui témoigne d’une maîtrise très insuffisante de l’étalement urbain, voire d’un certain gaspillage des espaces disponibles. Le très controversé projet de construction d’un grand aéroport de plus de 1 200 hectares à Notre-Dame-des-Landes est, d’ailleurs, une parfaite illustration de cet état de fait. En effet, l’aéroport actuel de Nantes (320 ha) est à peu près aussi étendu que l’aéroport international de Genève (340 ha), qui a pourtant enregistré une fréquentation 3,4 fois supérieure en 2016 (16,5 millions de passagers, contre 4,8 millions), et tout en étant situé à moins de 4 km du centre-ville. Et lorsque le trafic aura doublé à Nantes d’ici 2030, il aura également doublé pour l’aéroport de Genève…
1750 – 1945 : deux siècles perdus
La situation démographique actuelle puise ses origines dans la très lente progression démographique connue par l’Hexagone deux siècles durant, de 1750 à 1945, alors que le reste de l’Europe connaissait un véritable essor démographique (à la seule et tragique exception de l’Irlande). Au terme de cette période, la population de la France n’a ainsi été multipliée que par 1,6, passant d’environ 24,5 millions d’habitants à 40,1 millions début 1946. Dans le même temps, l’Italie et l’Allemagne multipliaient par trois leur population, passant respectivement, et dans leurs frontières actuelles, de 14 à 45,1 millions, et d’un peu moins de 20 millions à environ 68 millions d’habitants (ou 58 millions sans l’entrée d’à peu près dix millions d’Allemands, chassés de leurs anciens territoires et du reste de l’Europe orientale au lendemain de la seconde guerre mondiale). Même chose pour l’Espagne, qui passait de 9,4 à 26,9 millions d’habitants. De leur côté, les Pays-Bas faisaient plus que quadrupler leur population, passant de 1,9 à 9,3 millions, tandis que le Royaume-Uni, dans ses frontières actuelles, sextuplait la sienne en passant de 8,1 à 49 millions début 1946.
Cette forte croissance démographique de l’Europe se fit pourtant en dépit de lourdes pertes humaines, dues aux nombreux conflits ayant ensanglanté le continent et, surtout, à l’importante hémorragie migratoire en direction du Nouveau Monde qu’ont subie tous les pays, à l’exception de la France. Sur cette période de deux siècles, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont eu pour point commun d’avoir ainsi perdu, chacun, entre 20 et 25 millions de personnes, tandis que la France ne subissait qu’une « modeste » saignée d’environ 4 millions de personnes.
La France a donc longtemps été l’homme malade de l’Europe et du monde, elle qui était, en 1750, trois fois plus peuplée que le futur Royaume-Uni et 2,6 fois plus peuplée que l’Espagne, et qui était aussi peuplée que le Japon au début des années 1800. Le léger baby-boom ayant suivi la seconde guerre mondiale (avec un indicateur conjoncturel de fécondité – ICF – qui n’a jamais dépassé les 3,04 enfants par femme) ne permit de rattraper qu’une petite partie d’un terrible retard accumulé pendant deux siècles.
Ce déclin démographique ne fut naturellement pas sans conséquences sur l’influence de la France en Europe, et contribua dans une large mesure au déclenchement des deux grandes guerres mondiales, qui coûtèrent cher à l’Hexagone. Si les équilibres démographiques étaient restés inchangés, l’Allemagne, moins sûre d’elle, n’aurait probablement jamais été aussi belliqueuse. Et la France, non effrayée par une écrasante infériorité numérique, n’aurait sans doute jamais cherché à mettre à genoux l’Allemagne après 1918, favorisant ainsi l’émergence du nazisme.
Une France toujours imprégnée de l’idéologie malthusienne
Cet affaiblissement de la France a résulté d’une déchristianisation précoce ainsi que d’une propagation bien plus importante que partout ailleurs des biens trop simplistes idées malthusiennes. Idées qui ne cessent d’être infirmées à travers le monde, génération après génération. Il est d’ailleurs intéressant de constater que 12 des 14 pays européens à avoir connu une croissance démographique supérieure à celle de la France en 2016, ont à la fois terminé l’année avec une croissance économique supérieure (tous sauf la Norvège) et un taux de chômage inférieur (tous sauf Chypre). Ce qui n’a pourtant pas empêché bon nombre de nos responsables politiques d’insister sur l’existence d’un lien entre la persistance d’un chômage élevé en France et la croissance de la population du pays.
Au passage, et afin de prendre un peu de hauteur sur les questions démographiques, il est intéressant de savoir que la minuscule île de Groix, située à une dizaine de kilomètres de Lorient, pourrait à elle seule abriter l’ensemble de la population de la France, métropole et outre-mer confondus. À raison d’une moyenne « raisonnable » de 4,5 personnes au mètre carré, ce petit territoire de 14,82 km2, plus petit que l’aéroport d’Orly (15,4 km2), lui-même deux fois moins étendu que l’aéroport Charles-de-Gaulle (32,57 km2), pourrait ainsi accueillir nos 67,6 millions d’habitants, debout côte à côte. Quant à la petite Guadeloupe, ses 1628,4 km2 pourraient simplement abriter toute l’humanité, dans une planète qui pourrait donc très facilement nourrir plus du double de sa population actuelle (qui devrait pourtant se stabiliser autour de 10 ou de 11 milliards d’habitants).
Il est d’ailleurs à noter que ce genre de calcul revient fréquemment dans la presse anglo-saxonne. En 2015, le très sérieux quotidien américain « The Washington Post » avait publié un article intitulé « The entire world fits in New York City » (le monde entier peut être mis dans New York). Mais en se basant sur une hypothèse de dix personnes au mètre carré, valable uniquement pour des personnes « minces » et serrées les unes contre les autres. En 2012, la non moins sérieuse BBC publiait en ligne un article intitulé « The Great myth of urban Britain » (le grand mythe de la Grande-Bretagne urbaine), pointant du doigt le très faible taux d’artificialisation des sols au Royaume-Uni, pourtant censé être surpeuplé. Dans le même temps, force est de constater que l’on ne retrouve jamais ce genre d’article dans les grands médias français. Or le monde n’a jamais appartenu, et n’appartiendra jamais aux peuples craintifs et déconnectés du monde réel.
Limiter le déclin de l’Europe
La France a pourtant un rôle à jouer dans une Europe en déclin démographique, et qui ne parviendra à maintenir son niveau actuel de population que grâce aux apports migratoires. En dehors de la France, l’UE, à elle seule, a de nouveau affiché un solde naturel négatif en 2016, de 215 000 personnes. L’Allemagne (qui a connu une croissance démographique deux fois supérieure à celle de la France) et l’Italie perdent chaque année autour de 150 000 « autochtones », chacune, soit davantage que le nombre total des victimes de la bombe d’Hiroshima. Avec une importante et grandissante immigration, en réponse à un ICF constamment inférieur à 1,55 enfant par femme dans l’UE, hors France, il y aura donc toujours autant d’habitants en Europe, mais les Européens y seront progressivement minoritaires. Et ce qui est mathématique est incontestable.
Forte de sa taille, et toujours handicapée par un retard de deux siècles, la France doit donc mettre en place une politique familiale particulièrement volontariste. Ceci est d’autant plus nécessaire que le nombre de naissances en métropole a baissé pour la sixième année consécutive, pour s’établir à 747 000 en 2016, soit un ICF égal à 1,89. Ce niveau correspond ainsi à un déficit de 71 000 naissances par rapport au seuil de renouvellement des générations (2,07). D’ailleurs, il est à noter que le nombre idéal d’enfants souhaités est estimé en moyenne à 2,4 par famille, les femmes en désirant même légèrement davantage que les hommes. Or, un ICF de 2,4 enfants par femme correspondrait actuellement à un surcroît d’un peu plus de 200 000 naissances par année, ce qui permettrait à la France de rattraper progressivement son retard, et sans avoir recours à une immigration importante. Mais ceci contribuerait également à limiter le déclin démographique de l’Europe dans le monde, dont la multipolarité doit être préservée.
Enfin, cet accroissement démographique pourrait pousser la France à songer plus sérieusement à développer les énergies renouvelables, respectueuses de l’environnement. Et à rattraper, là aussi, son retard par rapport aux autres pays européens. •
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue « Population & Avenir » (La revue des populations et des territoires),
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec,
Auteur du « Petit dictionnaire du Monde francophone » (L’Harmattan, Avril 2015).
Faire la compétition pour en tirer gloire et fierté avec les autres pays européens (pour limiter le propos à la seule Europe) pour savoir quel pays aura le plus grand nombre d’habitants dans dix, vingt ou cinquante ans, me paraît absurde aujourd’hui car elle aurait pour seul effet, les choses étant ce qu’elles sont depuis que le politiquement correct a pris le pouvoir (chacun peut comprendre ce que cela signifie), de faire augmenter l’arrivée de nouveaux immigrés exogènes à la civilisation et à la culture française et refusant ces dernières ou d’accroître la natalité dans leur sein, au dépens des français dit de souche ou plus exactement se reconnaissant pleinement français quelle que soit leur origine. Plus de français dans une France authentique ? Oui. Plus de masses humaines dans un hexagone formés de groupes ethniques qui se détestent et se combattent ? Où serait le bénéfice pour la France ?
Les françaises aiment sans doute les enfants mais, elles sont cartésiennes ,se rendant bien compte du travail rajouté par les soins de la famille à leurs 35 heures de bureau ou d’ atelier ( la femme actuelle – toutes activités confondues- fait la semaine de 60 heures )
Quel homme politique ou faiseur d’opinons sera assez audacieux pour proposer de réserver les allocations familiales aux mères qui se consacrent à leurs enfants au lieu de les fourguer à la crèche , puis à la cantine voire en pension pour un débarras complet ?
Je partage l’avis de Gilbert Claret. La question se pose, évidente. L’arrêt des flux migratoires est un préalable à tout natalisme français.
Richard aussi a raison. Il faut juguler l’immigration et mettre en ple une politique résolument familile !
En quoi serions nous plus heureux en étant plus nombreux ?
La France gagne près de 300 000 habitants par an soit un nouveau département tous les deux ans. Tous ces gens doivent être logés, employés, vont consommer et polluer plus. Nous devrons retirer des terrains à la nature.
Pourquoi aller en ce sens ? Nous n’avons jamais été si nombreux. Quelle course ridicule. Le même raisonnement s’appliquerait si nous étions 200 millions, nous voudrions toujours être plus, c’est un problème sans fin ! L’humanité est 1000 fois (oui !) plus nombreuse qu’au début de l’agriculture, est il raisonnable de continuer dans cette voie ? Pour moi : non !
Votre observation est dérangeante, mais elle pose tout de même un grave dilemme. Deux constatations s’opposent en effet:
– Celle qu’une nation, comme toute collectivité humaine, a besoin de croître pour survivre. Bodin le disait: il n’y a de richesse que d’hommes, et une communauté en régression démographique devient une proie. C’est d’ailleurs ce que nous devenons aujourd’hui.
– Celle que l’espace est limité et que l’accaparement par l’homme de tout l’espace disponible entraîne la fin de la diversité biologique et de l’insertion de l’homme dans son environnement.
Comment résoudre cette contradiction? Il y a diverses réponses fournies par des auteurs de notre bord ou d’en face. Je vous en cite quelques unes:
1/ celle des providentialistes comme Maistre ou Georges de Nantes. Il ne faut pas se préoccuper de cette question car Dieu y pourvoira. Contentons nous d’appliquer le précepte biblique: »croissez et multipliez ». Maistre ajoute que la guerre qui fait couler des torrents de sang est voulue par Dieu car elle permet ainsi de réguler le flot humain en le ramenant toujours à son point d’équilibre.
2/ celle des malthusiens: il faut limiter les naissances drastiquement, en rejetant dans la famine et la mort les pauvres qui n’ont pas eu la vertu nécessaire pour s’interdire de procréer.
3/ celle des darwinistes sociaux, de nombreuses obédiences, en particulier hitlérienne, qui estiment qu’une fraction de l’humanité doit réduire en esclavage les autres fractions afin de décider l’autolimitation et la limitation arbitraire des autres.
4/ celle des écologistes, qui prônent un état mondial totalitaire qui fixera les comportements autorisés ou non, en fonction de la préservation de l’environnement.
5/ celle des décroissants, qui prônent la diminution concomitante des biens produits et des naissances. Le problème étant alors de savoir comment contraindre les récalcitrants, étant entendu que les moyens diminuent en même temps que la production.
6/ celle des futuristes, qui proposent de conquérir la galaxie en colonisant un nombre illimités de planètes, laissant à la terre-mère le statut de jardin d’éden.
En avez-vous trouvé une qui vous convient? Ou voulez-vous m’en proposer une autre?
Antiquus résume plutôt bien les alternatives.