Illustration Figaro magazine, 6 octobre 2017
Par Alain de Benoist
Dans cet entretien donné à Boulevard Voltaire [6.10] Alain de Benoist livre une exacte et intéressante analyse de la situation politique en France, notamment du côté des partis. Il se risque par surcroît à prendre un pari : celui selon lequel « l’impopularité de Macron ne peut que croître, et le réservoir protestataire devenir explosif ». Ce pronostic, au moins dans son premier terme, nous semble sans grand risque. LFAR
Il est évidemment un peu tôt pour juger l’action d’Emmanuel Macron. Il semble pourtant déployer un peu plus d’habileté politique que ses deux prédécesseurs. Mais est-ce vraiment un exploit ?
J’avais inventé, il y a quelques années, l’expression de « pensée unique », qui est aujourd’hui reprise partout. Ayant écrit, dès 1977, qu’il fallait penser simultanément ce qu’on avait pensé jusque-là contradictoirement, ce n’est pas moi qui pourrais être choqué par le « en même temps » cher à Macron. Mais encore faut-il savoir ce que recouvre cette expression.
Au lendemain de primaires qui se sont révélées désastreuses à droite comme à gauche, mais qui ont très bien fonctionné comme révélateur de la crise des partis, Macron a été le seul à faire primer la logique électorale sur la logique « identitaire » parce qu’il était le seul à n’être sûr ni de perdre (comme Hamon) ni de gagner (comme Fillon). C’est ce qui lui a permis de l’emporter avec, au premier tour, moins d’un quart des suffrages exprimés. Dans une démocratie devenue liquide, sinon gazeuse, il a su instrumentaliser à son profit l’épuisement du clivage droite-gauche et l’aspiration au « dégagisme » d’un électorat qui ne supportait plus la vieille classe politique. Il a également compris que l’alternance des deux grands partis ne mettait plus en scène que des différences cosmétiques, et que l’heure était venue de les réunir en un seul.
Macron est avant tout un contre-populiste. Il reprend à son compte le nouveau clivage « conservateurs » contre « progressistes », mais c’est pour choisir la seconde branche de l’alternative : réunir les partisans de l’« ouverture » (en clair : les bourgeoisies libérales de tous bords) contre les tenants de la « fermeture » (en clair : ceux qui s’opposent, instinctivement ou intellectuellement, à l’idéologie dominante).
Contrairement à l’hyper-Président Sarkozy et à l’hypo-Président François Hollande, Macron est un homme difficile à cerner. Il a un ego hypertrophié et un tempérament autoritaire, un mental d’adolescent cynique qui rêverait d’un bonapartisme moderniste et libéral. Mais il n’est pas Napoléon, et l’on ignore comment il se comporterait en situation d’urgence. Pour l’instant, il communique plus qu’il ne règne. Il fait des déclarations contradictoires (certaines ne sont pas mauvaises) dans l’espoir de séduire chacun, mais en prenant le risque de décevoir tout le monde. Il ne supporte pas qu’on lui résiste, il n’aime pas les corps intermédiaires, il est insensible aux aspirations populaires, il n’a rien à dire à la France qui va mal. Tout cela n’est pas de bon augure.
Pour quelles raisons, exactement ?
Parce que nous assistons à une autre révolution, sociologique celle-là : c’est la disparition progressive de ces classes moyennes qui n’avaient cessé de grossir à l’époque du compromis fordiste, quand la richesse accumulée en haut de la pyramide sociale finissait par redescendre vers le bas. Aujourd’hui, la pyramide a été remplacée par un sablier : les riches sont toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres, et les classes moyennes sont en voie de déclassement et de paupérisation. C’est ce qu’observe depuis longtemps Christophe Guilluy : « Le grand sujet caché depuis trente ans, c’est la disparition de la classe moyenne au sens large […] Ce qui explose, c’est la classe moyenne occidentale qui n’est plus intégrée au modèle économique mondialisé […] La loi Travail n’est que la suite d’une longue succession de mesures qui ne visent qu’à dépouiller une classe moyenne qui ne sert plus à rien. »
La nouvelle structuration de l’électorat est le reflet de cette dynamique économique et sociale. Le vote Macron en est l’illustration parfaite : il a obtenu ses meilleurs résultats dans les grandes villes mondialisées, à commencer par Paris, où il a aussi bien gagné les suffrages des bobos et des libéraux de gauche que de la bourgeoisie de droite (y compris celle de la Manif pour tous). De même, les électeurs parisiens de Mélenchon se sont en quasi-totalité rabattus sur Macron au second tour, alors qu’ailleurs beaucoup ont préféré s’abstenir (39 %) ou, plus rarement, voter pour Marine Le Pen (14 %). Les retraités, eux aussi, ont massivement voté pour lui – avant de découvrir qu’ils étaient les grands perdants de sa nouvelle politique fiscale…
Après les ouvriers, les employés et les commerçants, les professions intermédiaires et bientôt les retraités : les classes moyennes sont appelées à rejoindre les classes populaires face à un « monde d’en haut » qui se trouve de plus en plus dans une position de domination de classe, car il a définitivement renoncé à prendre en charge « ceux d’en bas ». C’est aussi pourquoi l’impopularité de Macron ne peut que croître, et le réservoir protestataire devenir explosif. D’autant qu’en période d’insécurité et d’attentats, tout le monde se radicalise.
L’avenir de La France insoumise ?
Avec 19,6 % des voix au premier tour, Jean-Luc Mélenchon a réalisé le meilleur score d’un candidat « de gauche » à la présidentielle depuis Georges Marchais en 1981. Par rapport au FN, La France insoumise est beaucoup plus interclassiste et moins populaire. Elle touche bien moins d’ouvriers et d’employés que le Front national (25 et 24 % des voix contre 39 et 30 %), mais beaucoup plus de diplômés des couches moyennes et supérieures (26 % contre 17 %). Elle est aujourd’hui passée en tête chez les jeunes, et réalise des scores deux fois supérieurs à sa moyenne nationale dans la population d’origine immigrée.
La France insoumise a certainement de l’avenir. Pour l’heure, elle tire un grand bénéfice d’être une force nouvelle. Elle a vampirisé le PS et traite par le mépris les derniers restes du PC. Elle profite de la crise du FN pour se poser comme la seule force d’opposition au macronisme. La grande question, à moyen terme, est de savoir si elle pourra à elle seule occuper l’espace ouvert à gauche par la formation du bloc macronien. Difficile d’en dire plus pour l’instant. •
Intellectuel, philosophe et politologue
C’est la même lucidité et l’ excellence d’analyse que je retrouve ici , bien dans la ligne de – Vu de droite – d’il -y- a quelques décennies .
Le point crucial du présent texte me parait l’intuition de la disparition progressive de la classe moyenne . Si je ne m’abuse , le marxisme compte sur cette situation : faire passer à la trappe quelques milliers de riches deviendra un jeu d’enfant face à des armées de prolétaires smicards , rmistes , immigrés , retraités vivotant , ex bourgeois n’arrivant plus à maintenir les apparences .
Le libéralisme économique débridé n’aura servi que d’antichambre au communisme .
Pour ce qui est du socialisme , ses moyens pour créer les conditions morales : corrompre la femme et prendre l’enfant sont déjà bien avancés .
Je trouve inquiétant le fait que l’opposition à Macron soit représentée d’abord par Mélenchon, admirateur de Lénine, des dictateurs Castro et Chavez, et qui commence à avoir de troubles accointances avec les milieux islamistes par l’intermédiaire de sa député indigéniste Obono. Encore quelque temps et on verra sans doute la France insoumise racoler l’électorat musulman en tant que musulman. Le fait que la député Obono, qui ne rate pas une occasion de dire sa détestation de la France, qui copine avec Bouteldja, la présidente raciste du parti des indigènes de la république qui appelle au » déclenchement d’une intifada » dans les banlieues islamisées, ne soit pas rappelée à l’ordre par Mélenchon en dit long sur les orientations idéologiques du lider maximo. Valeurs actuelles rapporte une altercation violente de Mélenchon avec Valls, le premier traitant le second de nazi.ce qui montre sa façon de traiter ses adversaires comme des ennemis. Non, décidément, Mélenchon ne me fait plus rire et je pense que nous avons de grandes raisons de nous inquiéter si cette mouvance gauchiste et indigéniste est la seule force à opposer à Macron.
Les braves gens pensaient qu’avec le départ de Hollande, le matraquage fiscal prendrait fin.. Celui-ci touchant prioritairement les classes moyennes.Quant à la classe la plus fortunée, elle possède une batterie de moyens pour échapper ou diminuer la charge de l’impôt par les techniques rodées de la comptabilité créative.Or, M. Macron est un adepte ardent de la politique fiscale en tant que féal de la direction du Trésor et de celle du budget. Il n’est pas question donc de désarmement fiscal.Au contraire il s’agit de déshabiller Paul pour habiller Pierre selon des critères politiques et surtout démagogiques. Dans ces conditions il n’est pas question de diminuer concrètement les dépenses publiques. Ses affirmations en ce domaine sont des écrans de fumée ou de la manipulation de chiffres.Par exemple qu’attend-il pour diminuer substantiellement les effectifs pléthoriques de l’Elysée ou le train de vie dispendieux de l’Etat, de ses hauts fonctionnaires, de ses institutions souvent » Potemkinesques » coûtant fort cher aux contribuables ? Silence radio sur ce thème qui provoque la panique dans les palais nationaux !.