par Louis-Joseph Delanglade
Cette fois, les bien-pensants de la presse, des o.n.g. et des « associations » n’ont pas obtenu gain de cause. Mis en demeure de « ne pas rester silencieux » face au maréchal Sissi sur la répression que le pouvoir égyptien exerce(rait) non seulement contre ses opposants démocrates ou islamistes mais aussi contre les homosexuels et surtout contre la sacro-sainte presse, M. Macron a déclaré : « Je n’accepte pas que d’autres dirigeants me donnent des leçons sur la manière de gouverner mon pays, je n’en donne pas aux autres ». Il avait pourtant un peu titillé, sur à peu près les mêmes sujets, la Russie de M. Poutine ou le Vénézuela de M. Maduro, mais, cette fois, les enjeux étaient trop forts. L’Egypte est pour la France tout à la fois un partenaire économique important (comme l’illustre la vente des avions Rafale) et un véritable allié politique (en cohérence avec la priorité accordée à la guerre contre le terrorisme islamiste dans le discours du 31 août devant les ambassadeurs français). On pourrait même voir dans ces propos la confirmation d’une politique étrangère enfin réaliste, façon gaullienne diront certains, dans la mesure où ils viennent après une déclaration sur la Syrie (reconnaissant que le départ de M. Assad ne constitue plus « une condition préalable »), les réceptions dignes et réussies de MM. Trump et Poutine (celui-ci à Versailles fin mai, celui-là pour le défilé militaire du 14 juillet) et l’annonce d’une très probable prochaine visite en Iran.
Cependant, la stratégie du chef de l’Etat reste ambiguë. On ne doit pas oublier les accents mondialistes du candidat Macron. Aujourd’hui, on croit comprendre que la mondialisation reste une bonne chose à ses yeux, qu’elle est de toute façon avérée et que l’on doit simplement se donner les moyens de la contrôler. Ainsi pourrait-il en être de l’Accord économique et commercial global, ce traité international de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada connu sous son acronyme anglais de Ceta. Voici donc le Ceta mis « sous surveillance » par le gouvernement français, ce qui suppose quand même qu’on s’en méfie un peu. Pourtant, pour paraphraser la chanson de Jean Ferrat, il faut savoir ce que l’on aime et donc accepter de manger de la viande aux hormones, du saumon transgénique et du poulet javellisé.
A une mondialisation sur mesure, et par là même utopique, M. Macron ajoute un européisme militant. Ses deux discours de septembre prononcés dans des lieux hautement symboliques (la Pnyx à Athènes, la Sorbonne à Paris) prônent « la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique ». Si le mot « fédéralisme » en est absent, dans les faits cela passerait pourtant par une véritable « mutualisation » des politiques européennes. Certes, des alliances et des accords intra-européens sont tout à fait souhaitables et envisageables « face aux grands défis – sécurité, terrorisme, migrations, développement, changement climatique, révolution numérique, régulation de la mondialisation ». Mais il paraît bien peu réaliste de ne pas prendre en compte les réalités européennes d’aujourd’hui : une Grande-Bretagne qui s’éloigne, une Allemagne surpuissante, une Europe centrale qui rejette de plus en plus les diktats incantatoires venus de l’Ouest.
Ce mélange de réalisme et d’irréalisme, s’il fait aux yeux de certains le charme du personnage, suscite deux interprétations. Ceux qui apprécient M. Macron affirment, dans une pirouette intellectuelle un peu facile, qu’il est possible de surmonter la contradiction, une France qui s’affirme pouvant susciter un nouvel élan européen. A l’inverse, des esprits moins bien intentionnés suggèrent déjà que M. Macron a pour lui-même des ambitions que la France seule ne saurait satisfaire mais à laquelle elle pourrait contribuer. M. Macron serait donc toujours en marche ou, si l’on préfère, il lui reste une marche à monter. Gageons qu’elle risque d’être un peu haute. •
Il y a de tout dans la politique étrangère de M. Macron, une sorte de goulasch où le bon côtoie le mauvais. Mais, quand il énonce qu’il n’a pas à donner de leçons à des dirigeants de pays étrangers, il a parfaitement raison. De quoi se mêle-t-on quand en France il y a tant de choses critiquables rappelant le proverbe biblique de la paille dans l’oeil de son voisin et de la poutre dans le sien. De même, sur une autre scène, quand il dit à des populations assoiffées d’aides publiques diverses qu’il n’est pas venu pour jouer à l’arbre de Noël..En cela il se distingue de son prédécesseur dont la lâcheté le disputait au ridicule.