Par Antoine de Lacoste.
Florence Parly, Ministre des armées, a annoncé vendredi 5 juin la mort d’Abdelmalek Droukdal, tué par l’armée française au nord-ouest du Mali, non loin de la frontière algérienne.
Il était le chef de l’organisation AQMI (al-Qaida au Maghreb Islamique), ce redoutable mouvement terroriste que l’armée française combat maintenant depuis plusieurs années. Un nombre indéterminé de ses adjoints sont morts avec lui.
D’origine algérienne, Droukdal a mené une très longue lutte armée dans son pays d’origine. Organisateurs de nombreux attentats, il était réputé pour ses qualités d’artificier et avait prêté allégeance à Oussama Ben Laden en 2006. Traqué par l’armée algérienne qui reconquiert progressivement le sud du pays, Droukdal va profiter de l’émergence du djihad au Mali pour faire du Sahel le nouveau front islamiste.
Mais l’intervention de l’armée française en 2013 va rebattre les cartes. De nombreux mouvements, plus ou moins stables, vont apparaître et concurrencer Droukdal. Les Touaregs et les Peuls, notamment, contestent la mainmise algérienne sur les combattants islamistes. L’apparition de l’EIGS (Etat islamique au Grand Sahara) en 2015 va encore renforcer la concurrence qui va déboucher sur de sanglants règlements de comptes entre islamistes.
Devant les progrès de l’Etat islamique (autrement dit Daech), la nébuleuse al-Qaida va réagir en créant le GSIM (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans) et inverser la vapeur. Les combats qui se sont déroulés depuis janvier entre les deux groupes vont tourner en défaveur de l’Etat islamique qui ne représente plus grand-chose aujourd’hui.
Au cours de cette compétition sans pitié, Droukdal a été relégué au second plan et semblait passer plus de temps caché en Algérie que combattant au Mali. Deux hommes l’ont supplanté : le Touareg Lyad ag Ghali et le Peul Ahmadou Koufa.
Comment les Français ont « logé » Droukdal qui était en cavale depuis une bonne vingtaine d’années ? Selon Florence Parly, c’est le croisement de renseignements américains et français qui a permis l’opération.
C’est possible mais c’est peut-être un peu court. L’Algérie n’appairait jamais officiellement dans les événements du Mali mais elle suit de près la situation et y participe certainement. On ne peut exclure que ce soit elle qui, ayant repéré un des rares déplacements de Droukdal au Mali, l’ait « donné » aux Français.
Dans quel but, car il semble bien que le rôle de Droukdal était devenu secondaire, ce qui arrangeait bien Alger ? Depuis plusieurs semaines, la presse s’est fait l’écho de discussions entre les groupes islamistes touaregs et peuls avec le régime malien. Leur teneur n’est pas connue mais leur existence satisfait certainement Français et Algériens qui profiteraient ainsi de l’effacement de l’Etat islamique pour tenter des négociations avec de nouveaux interlocuteurs. Le retour de Droukdal au Mali aurait pu ainsi être perçu comme une menace par Ghali et Koufa.
Ainsi, Droukdal « était toujours l’émir des émirs, mais son isolement en Algérie lui était de plus en plus reproché » indique l’AFP à partir d’une source anonyme.
Sa mort est donc, comme celle de Baghdadi en Syrie, plus symbolique qu’autre chose. Cela ne changera rien sur le terrain, mais les symboles ont leur force et c’est tout de même une victoire pour l’armée française. ■
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