Intervention de Renaud Camus, écrivain, peintre et photographe, au IXe colloque de l’Institut Iliade, samedi 2 avril 2022.
Cette conférence – que Renaud Camus nomme allocution – est un très brave défi à la toute-puissante bien-pensance immigrantionniste et antifrançaise ; un acte de résistance. Doctrinalement, son exposé est impeccable. Comme Maurras au siècle dernier, il refuse de définir la race par des critères scientifiques ou exclusivement biologiques, alors que ses contradicteurs utilisent ces mêmes critères pour nier la race. Il culbute le mot raciste, se faisant ainsi le défenseur de la diversité du monde. On peut discuter de l’opportunité, ou de l’habilité tactique de son propos. On ne peut en contester la rectitude. Et l’on ne peut qu’en admirer la langue, l’élégance, le ton, les références, le déroulé logique, dignes de notre tradition culturelle et sociale la plus haute. Naturellement, on peut en débattre.
Je vois que cette allocution avait reçu un titre, avant qu’un seul mot en fût écrit : “Ethnos et Polis”. Ce sont là deux concepts infiniment riches, qui pourraient faire l’objet de passionnants débats. Ils ont donné lieu à un savant petit livre d’Henri Levavasseur, L’Identité, socle de la cité, sous-titré justement, Réconcilier ethnos et polis. Ils n’ont qu’un défaut à mes yeux, ils ne sont pas à moi, je ne m’en suis jamais servi, cent auteurs ou orateurs les évoqueraient devant vous mieux que je ne saurais faire. Je préfère m’en tenir à un seul terme que je crois capital et que j’ai assez longuement évoqué dans un petit livre qui n’est lui-même qu’un tiré à part d’un long article de mon Dictionnaire de délicatesses du français contemporain. C’est un terme à faire frémir, il est vrai, même en cette assemblée. C’est le mot race.
Ici deux considérations préalables, si vous permettez. Les écrivains ne sont ni des philosophes, ni des intellectuels. Ils sont les tenants d’un mode d’exploration et de représentation du réel qui fut longtemps le mode français par excellence, mais qui l’est désormais si peu qu’il est courant de désigner notre société comme post-littéraire : de sorte que la nature même de cette appréhension du monde n’est désormais plus comprise. Définissons-la à tout hasard, si vous voulez bien, comme une non-coïncidence du sens avec lui-même, des mots avec leur signification. Et définissons la littérature, pour cette fois, et selon une ancienne formule mienne, comme « le reste irréductible des opérations comptables du réel » : on peut se livrer à tous les calculs qu’on veut, on peut faire donner à plein toutes les prétendues sciences humaines, il y a cela qui résiste, cet insécable ultime, les lettres, la poésie, le roman, la phrase. Je crois que la mission de l’écrivain est de se porter systématiquement aux angles morts de sa société et de toutes, leur no man’s land, leur zone interdite, leur triangle des Bermudes, leur Transylvanie des montagnes : là où tout voyageur se perd, est perdu avant de se mettre en marche. Race est un de ces loci desperati de la pensée, son château des Carpates, sa mer des Sargasses. Bien des héros s’y sont risqués, bien des vaisseaux s’y sont aventurés, la plupart n’en sont jamais revenus, ou dans quel état !
Deuxièmement, et qui paraîtra d’abord sans rapport avec mon premièrement, tel — qu’il s’agisse d’un dragon, d’un dieu des tempêtes, d’un homme, d’un groupe d’hommes, d’une coalition d’intérêts ou d’une machines, des machines, de la machination — tel, disais-je, qui entend commettre un crime épouvantable et ne s’en voir faire aucun reproche, au contraire, celui-là, ou cette machine, cette salle des machines, cette machination, doit disposer de ce que j’ai appelé une arme absolue de langage : un formidable appareil à faire taire, un bouclier nucléaire, un écu à tête de Méduse, qui paralyse toute opposition. Pour le Bloc Négationniste-Génocidaire, celui qui promeut le Grand Remplacement tout en niant qu’il survient, le mot race remplit idéalement cette fonction. Le terme est maudit. Qui l’emploie est un homme mort. C’est d’ailleurs un homme mort qui vous parle.
Or il est essentiel de noter que cette malédiction est récente, toute moderne. Elle n’a même pas cinquante ans. Le général de Gaulle n’hésitait pas à parler de la race et des races, en des phrases dont certaines sont fameuses, l’une en particulier, citée et recitée, sur les Français qui sont avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne — vous la connaissez tous par cœur. Georges Pompidou parlait couramment de la race, des qualités et des défauts de notre race, et assurait, dans ce qui lui tient lieu de Mémoires, que ses parents étaiet de bonne race française — il donne à cette tournure un sens essentiellement moral, d’ailleurs, et l’on ne saurait trop relever au passage que le seul fait de parler de la race française devrait suffire à prouver qu’on n’est pas raciste, au sens antiraciste du terme : la race française, comme la race des atrabilaires ou celle des lecteurs de Montaigne, n’a que fort peu de caractère ethnique.
Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui, Georges Pompidou à peine mort, a amené la révolution, et la malédiction ?
Le Grand Remplacement, ou changement de peuple et de civilisation, ou encore, pour emprunter à Aimé Césaire sa propre expression, le génocide par substitution, est le crime contre l’humanité du XXIe siècle. Constater sa réalité et la nommer n’a rien d’une théorie, et encore moins d’une théorie complotiste. C’est proposer un chrononyme, un nom pour une époque, la nôtre, d’après son phénomène le plus marquant : on dit le Grand Remplacement comme on a dit la Grande Peste, le Grand Schisme, le Grand Dérangement, la Grande Guerre ou la Grande Dépression. Vouloir croire ou faire croire que des phénomènes de cette ampleur puissent être l’effet d’un complot, c’est imaginer que la Révolution française est un épisode de l’Affaire du collier et les révolutions russes l’effet de la viande avariée servie aux marins du Cuirassé Potemkine. C’est ne porter aucune attention aux grandeurs comparées des effets et des causes. Si le Grand Remplacement est un complot, et sa dénonciation une théorie du complot, alors toutes les aspirations politiques et toutes les forces idéologiques et économiques à l’œuvre par le monde sont des complots. Le communisme est un complot, le nazisme était un complot, le libéralisme et l’ultra-libéralisme sont par excellence des complots — c’est évidemment absurde.
Mais que les phénomènes ne soient pas des complots n’empêche pas qu’ils puissent être des crimes, c’est-à-dire qu’interviennent des volontés derrière eux, des volontés d’hommes, de groupes d’hommes, de nations, de forces économiques et sociales, de mécanismes financiers, de machines et de machination. Le Grand Remplacement n’est pas un complot, c’est une machination, au sens le plus complet du terme : une transformation de l’homme en machine, producteur, consommateur et produit tout ensemble.
Ce que j’ai appelé la davocratie, la gestion du parc humain par les grands argentiers, les banques, les fonds de pension, les multinationales et les gafams, a deux exigences, aussi contraires l’une que l’autre à tout souci écologique : d’une part la croissance démographique, qui, du point de vue de Davos, n’est rien d’autre que la croissance infinie du nombre des consommateurs, cette fuite en avant perpétuelle, ou pyramide de Ponzi, dont dépend l’entretien de la bulle économique ; d’autre part l’interchangeabilité générale du produit-consommateur homme, c’est-à-dire la réduction forcenée de la biodiversité humaine. Or, pour répondre à la première de ces exigences, la croissance démographique, au moyen de la seconde, l’effacement de la biodiversité, la davocratie procède au remplacement systématique des populations à faible taux de croissance démographique par des populations à fort taux de croissance démographique. Ce remplacement, dont je redis qu’il est le crime contre l’humanité du XXIe siècle, puisqu’il fait disparaître sous nos yeux plusieurs des plus hautes civilisations de la Terre, n’est possible qu’à une condition : qu’il puisse être nié et dénié, qu’il n’y ait pas de mots pour le mentionner, qu’il soit rendu inconcevable et innommable dans le temps même qu’il est accompli. Il faut pour cela qu’il n’y ait, officiellement, pas de différence fondamentale entre ce qui remplace et ce qui est remplacé ; que cette différence, si elle existe, ne puisse pas être nommée. Et cette abolition des différences, ce ne sont pas les valeurs de droite, éminemment différentialistes, qui vont l’assurer aux industries de l’homme, celles qui produisent la MHI, la Matière Humaine Indifférenciée ; ce sont les valeurs de gauche : et notamment les deux plus précieuses, les deux plus honorées, à savoir l’égalité, d’une part, et d’autre part l’antiracisme, qui n’est jamais que l’égalité transposée des classes aux races, de même que la laïcité n’est jamais que l’égalité transposée du monde profane au monde des religions.
Je viens de dire les races, c’est bien entendu ce qu’il ne faut surtout pas dire. On a dit fort innocemment les races pendant vingt ou trente siècles, notre littérature et notre poésie sont pleines de ce vocable à la complexité sémantique prodigieuse, dynastie, lignée, élégance, chic, chien, branche, espèce, communauté ; mais du jour au lendemain il est devenu interdit, au prétexte qu’il n’aurait aucun sens, alors qu’à la vérité, on vient de le voir, il en a cent. L’interdit prit la forme solennelle de la proclamation du Dogme de l’Inexistence des races, dont je ne saurais donner la date exacte, au jour près, mais qui est intervenue vers le milieu des années 70 du XXe siècle, à peu près en même temps que la loi sur le Regroupement familial, qui inaugurait en France le Grand Remplacement, ou génocide par substitution, et que la loi Haby, qui proclamait le collège unique, c’est-à-dire, à toute fin utile, la suppression des classes dans le système éducatif, le Petit Remplacement, avec le résultat qu’on sait.
Le dogme de l’Inexistence des races est étroitement lié à l’effondrement du système scolaire, par de nombreux aspects, certes, mais aussi parce qu’il est à peu près tout ce qui lui survit. Quand les contemporains ne savent qu’une chose, et c’est de moins en moins rare, surtout parmi les plus jeunes, c’est qu’il n’y a pas de races. Le système a successivement renoncé à leur enseigner tout, la littérature, l’histoire, les mathématiques, la grammaire, l’orthographe, mais il y avait un enseignement qu’il était décidé à leur inculquer coûte que coûte et sur les ruines de tous les autres, celui-ci : qu’il n’y a pas de races. C’est le plus petit commun dénominateur de la connaissance. C’est tout ce qu’on sait quand on ne sait rien. Il est d’autant plus fâcheux que ce soit faux.
Que ce soit faux scientifiquement, je ne me permettrais pas d’en juger. Je ne doute pas qu’il soit possible d’adopter sur les races un point de vue si biscornu qu’on n’éprouve aucune difficulté, ensuite, à établir, si telle est la définition retenue, que les races n’existent pas. Soutenir que les choses n’existent pas, et surtout celles qu’il fait disparaître, est d’ailleurs le péché mignon du remplacisme global, dont l’antiracisme est l’instrument fidèle. Non seulement tout ce qu’ils suppriment n’existe pas, mais cela n’a jamais existé. La culture française n’existe pas, les Français de souche n’existent pas, la France a toujours été un pays d’immigration, les races n’ont jamais existé. Nous avons affaire au premier négationnisme-génocidaire rétrospectif. Toutes les conditions du crime parfait sont réunies. Comment pourrait-il y avoir génocide de peuples qui n’existent pas, de races qui, par définition, n’ont jamais existé ? Même les nazis, qui sont pourtant par bien des côtés les principaux inspirateurs du remplacisme global davocratique, les inventeurs et premiers praticiens du Grand Remplacement, leur Umvolkung, même les nazis n’étaient pas allés jusqu’à prétendre que les juifs n’avaient jamais existé.
Les races ont très mal pris la nouvelle de leur inexistence, d’autant que personne n’a eu la courtoisie de les prévenir. Elles n’ont jamais pesé si fort, dans le cours des affaires du monde ou dans la formation des opinions, ni se sont montrées si querelleuses, voire égorgeuses, que depuis qu’elles n’existent pas.
Une des bizarreries du dogme de l’Inexistence des races, qui à la vérité n’est que bizarreries, invraisemblances, approximations inouïes, c’est qu’il n’est un instant soutenable qu’à la condition que le mot race y soit pris, par les antiracistes ses auteurs et promoteurs, dans la même acception exactement que par les pires racistes : c’est-à-dire comme un terme scientifique, ou pseudo-scientifique. Je ne sais pas trop ce qu’est la signification scientifique de la race, celle qui lui vaut, non sans abus probablement, de n’exister pas. Peut-être les races n’existent-elles pas selon la science, encore ai-je sur ce point des doutes croissants. Je n’exclue pas, encore que je ne croie guère, que les promoteurs du Dogme soient de grands biologistes. Je suis sûr en revanche qu’ils sont d’exécrables linguistes, ou sémiologues. Or linguistique et sémiologie sont des sciences elles aussi, officiellement. Et y prétendre que les races n’existent pas est aussi absurde que de soutenir que les classe sociales n’existent pas, ou les Français, ou les sexes. Encore une fois, il faut pour soutenir une chose pareille réduire le mot à un vingtième à peine, scientifique ou pseudo-scientifique, de l’arc énorme de ses significations ; et ce vingtième, je le répète, est celui qui intéressait seul les racistes de stricte observance, et que les antiracistes ont repris d’eux sans y rien changer, seulement pour le nier selon leur pente.
Le mot antiracisme a totalement changé de sens, au point qu’il serait loisible de distinguer deux acceptions totalement différentes de ce terme, avant et après le grand renversement du milieu des années soixante-dix, avant et après la proclamation du Dogme. Le premier antiracisme est né de l’infiniment légitime plus jamais ça des camps de la mort, ce qui le rendait uncritiquable ; et certes il n’y avait rien en lui de critiquable dès lors qu’il était la protection contre les persécutions de certaines races particulièrement menacées, les juifs, les noirs, les tziganes, les indiens d’Amérique, etc. Le second antiracisme, lui, c’est la négation de l’existence des races, c’est le Dogme, c’est le prétendu multiculturarisme, cette déculturation de masse : la colonisation de l’Europe, le génocide par substitution, la promotion à tous les instants du métissage et du changement de peuple. Rien ne serait plus logique ni, selon moi, plus souhaitable, qu’un renversement en symétrie du mot racisme, qui dès lors n’aurait pas d’autre sens que l’amour des races, la conviction de leur existence, l’organisation de leur heureuse coexistence à toutes. Considérez ce chiasme : puisque c’est l’antiracisme qui est désormais génocidaire, ne serait-ce que par substitution, c’est au racisme qu’il revient d’être protecteur, des hommes, des femmes, des races, des peuples, des animaux, des paysages et de la Terre.
Pour s’assumer raciste en cette acception inédite et renversée, mais plus conforme à l’étymologie et plus logique que le sens classique contemporain, il faudrait certes un grand courage ; et d’autant plus d’héroïsme, même, que le Bloc Négationniste-Génocidaire, la davocratie remplaciste et ses sbires, ses journalistes, ses juges, ses harceleurs, ses trolls, ses officines de délation et ses milices, qui sont légion, se feraient un plaisir d’ignorer le renversement, de prétendre ne pas le comprendre, ou de contester sa sincérité. Mais le profit serait immense, le crois. Car c’est là, c’est autour de la race, que nous sommes tenus en respect, chaque fois, et rendus tout à fait impuissants à exprimer les choses les plus simples et les plus vraies. C’est parce que les génocidaires tiennent la race, et qu’ils savent qu’elle est entre leurs mains une arme fatale, qu’ils se livrent impunément à ces éternels jeux de chat et de la souris où les malheureux résistants au génocide par substitution sont forcés de battre en retraite lorsque leur est posée, sur le modèle fameux du barbu qui demande « Et qu’est-ce qui vous permet de penser que je suis un homme ? », la question de savoir ce qui exactement leur donne à penser qu’un wagon du RER, ou un quartier de Marseille, ou un égorgement de plus, donne raison aux tenants de la notion du Grand Remplacement. À quoi voyez-vous cela ? Qu’est-ce qui vous permet de faire cette observation ? Sans recours à la race, à son évidence interdite, pas de réplique possible. Aussi bien la question est-elle largement réglée, aux yeux des média mainstream, pardon, des médias de l’égout central, négationniste-génocidaire : il est acquis que les races n’existent pas, et l’on peut désormais passer à autre chose, toujours dans le dessein de souscrire aux desiderata des industries de l’homme, donc d’écrabouiller l’espèce, de hâter l’avènement universel de la MHI : c’est plutôt des sexes qu’il s’agit à présent d’établir qu’ils n’existent pas, qu’ils n’ont jamais existé, qu’ils sont une construction sociale, cible facile dès lors de la déconstruction.
La race, la question de la race, est le cliquet par lequel nous tient le pouvoir remplaciste. C’est à ce tourniquet fatal que nous ne pouvons ni reculer ni avancer, personne ne tenant à se dire raciste au sens absurde que racistes traditionnels et antiracistes de toute observance sont d’accord pour donner à ce mot. Le chat sadique bien sûr de son fait demande par exemple : « Que vous fassiez des objections à l’islamisation supposée de la société, à la rigueur je peux le comprendre, mais à un noir chrétien parfaitement intégré, qu’est-ce que vous trouvez à redire ? » Et certes, pour ma part, je ne trouve strictement rien à redire à un noir chrétien, ou pas chrétien d’ailleurs, parfaitement intégré. La France a de tout temps intégré à merveille des individus d’autres cultures, d’autres civilisations, d’autres peuples et d’autres races. Elle leur a apporté beaucoup, ils lui ont apporté beaucoup. Mais la France ne peut absolument pas intégrer des dizaines de millions de noirs ou d’asiatiques, ou d’arabes, chrétiens ou pas chrétiens, parfaitement intégrés ou pas intégrés du tout. Que Messieurs et Mesdames les antiracistes veuillent bien pousser leur raisonnement jusqu’au bout : sa portée génocidaire apparaît immédiatement. Non seulement une France et d’ailleurs une Europe peuplées à soixante ou soixante-dix pour cent de noirs, d’arabes, de Coréens ou d’Indiens d’Amérique ne seraient d’évidence plus la France, plus l’Europe, mais encore faudrait-il rendre compte devant Dieu et devant les hommes de l’effacement impliqué de leurs cultures et de leurs populations indigènes.
À qui vaudrait sauver la diversité du monde, sa biodiversité dont on conviendra que l’ethnodiversité est une part essentielle, il n’y aurait aucun moyen de faire l’économie de la race et dès lors, aux yeux des antiracistes devenus assez logiquement ses pourfendeurs acharnés, de s’assumer comme raciste, au sens inédit que j’ai dit : champion des races et de leur conservation à toutes.
De la race je me garderai bien de donner la moindre définition, tenant pour certain que plus les choses sont, et la race est éminemment, moins leur définition les circonscrit. Il en faudrait au moins vingt. Je préfère avoir recours une fois de plus, non sans excuses aux habitués, à cette phrase de Bernanos que je considère comme l’une des plus belles de notre langue, et qui n’est certes pas une définition, mais dont les suggestions sont autrement parlantes :
« Hélas, autour des petits garçons français penchés sur leurs cahiers, la plume à la main, attentifs et tirant un peu la langue, comme autour des jeunes gens ivres de leur première sortie sous les marronniers en fleurs, au bras d’une jeune fille blonde, il y avait jadis ce souvenir vague et enchanté, ce rêve, ce profond murmure dont la race berce les siens ».
Un profond murmure, voilà ce qu’est la race, essentiellement. Autant dire que, venue du fond des âges et de la nuit des temps, elle est, sinon héréditaire, du moins un héritage. C’est ce que ne lui pardonnent pas les industries davocratiques de l’homme, qui veulent pour les bidons du bidonville global une humanité liquéfiée, sans grumeaux, interchangeable à merci ; et qui ne voient en l’héritage qu’une inégalité, ce qu’il est sans nul doute : d’où leur horreur de la transmission, qu’elle soit culturelle, culture générale, respect de l’autorité des maîtres, éducation de l’attention — et c’est pourquoi il faut détruire l’école et la culture —, ou matérielle, maisons de famille, meubles, bibliothèques, tableaux — et c’est pourquoi il faut s’acharner sur le patrimoine, comme sur le patronyme et sur tout ce qui relève des pères. Le remplacisme global est une coalition universelle contre le temps. Il veut un présent perpétuel de l’hébétude, un da capo de tous les instants, un incessant grand reset. En témoignent, exemples entre mille, la disparition successive des modes et des temps, futur, futur antérieur, passé simple, imparfait du subjonctif, dans l’usage grammatical ; la substitution générale des prénoms aux noms, aux noms de famille, seuls témoignages des lignées ; la déshistoricisation de tout, et d’abord de l’espace, avec ces régions nouvelles sans queue ni tête, Auvergne-Rhône-Alpes, Paca, Grand-Est, Hauts-de-France, et ces agglomérations de communes aux noms de centres commerciaux, de lotissements ou d’Ehpad.
L’ethnos est aux taquets. L’élection de la semaine prochaine est sa dernière chance de rentrer dans ses droits. Demain il en sera fini de lui, de sa coïncidence millénaire avec la polis. Le scrutin présidentiel est en fait un référendum. Douze candidats, certes, mais ce sont les Onze contre un seul : les partisans enthousiastes ou résignés du statu quo ou de son aggravation, du changement de peuple et de culture, du changement de race et de civilisation, contre le seul qui s’y refuse et envisage ouvertement de renverser le Grand Remplacement, jusqu’à évoquer la remigration. Entre Éric Zemmour et les Onze, je pense n’avoir pas à préciser mon choix. Renaud Camus ■
Merci à Marc VERGIER de sa transmission
Ils nous « déconstruisent » à tour de phrases, nos Attilas idéocrates, ils saccagent, ils brûlent notre terreau mental. Renaud Camus, lui, tel Sisyphe, rebâtit l’édifice de zéro, reprenant ses fondations. Ce morceau d’anthologie, d’archéologie préventive, est à lire et à relire. Vaccin contre le virus de la culpabilisation, contre l’intoxication, l’hypnose, l’ataraxie. Au bouclier médusant d’Attila, Camus oppose la bombe aux cent fragments, au phosphore, celle de l’intelligence.