Quand Didier Desrimais s’empare d’un sujet, l’information fuse, se cumule, se construit, et finit par former en relativement peu de lignes, une analyse méthodique qui dit et transmet l’essentiel, ce qu’il convient d’en savoir et d’en penser. C’est fort utile pour qui aime ou plutôt veut comprendre mais avec nuances, mesure et exactitude. Ici, il s’agit du processus de soumission décrit naguère par Houellebecq mais cette fois-ci envers l’emprise woke en cours d’installation jusques au gouvernement. Didier Desrimais, lui, creuse le sujet. (Causeur, le 19 mai)
Par Didier Desrimais*.
Après Adidas faisant la promotion du voile islamique, c’est au tour de Calvin Klein de créer la polémique. Un homme enceinte et sa femme trans sont à l’honneur d’une nouvelle campagne publicitaire. Les photos sexy d’autrefois de la marque ne manqueront qu’aux sales réacs.
Les minorités vindicatives ont trouvé dans les grandes marques de solides alliées.
On ne savait pas bien encore à quoi pourrait ressembler exactement la société que nous promettent les progressistes de tout poil. Nous en avons eu une petite idée en voyant la publicité Adidas affichée sur les Champs-Elysées : d’un côté une femme en hijab jouant au basket, de l’autre un trans jouant au volley féminin. Mélange des genres : multiculturalisme, transgenrisme, consumérisme. Des marques se targuent maintenant d’être « tolérantes » et « inclusives » – elles ne savent pas toujours ce que cela implique mais elles sentent instinctivement qu’en ce moment les commerçants avisés se doivent de l’être.
Apple ajoute une émoticône à chaque nouvelle ânerie issue des ligues de vertu antiracistes, féministes ou transgenristes. Noir, Jaune ou Blanc, non-binaire, pansexuel ou trans, chaque consommateur doit pouvoir se reconnaître dans une de ces stupides figurines qui disent en même temps ce qu’est devenu le langage : une inutilité qui ne peut que nuire au business. Les grandes enseignes de sport, de technologie, de téléphonie ou de boissons gazeuses y vont toutes de leur « soutien » à des causes qui sont dans « l’air du temps » et dont les militants-activistes sont très énergiques quand il s’agit de dénoncer, de salir, de détruire la réputation d’individus ou d’entreprises qui ne leur baisent pas la mimine – et rien ne désole plus ces entreprises que de passer à côté de cet « air du temps » ou de risquer bêtement leur réputation pour n’avoir pas su se plier aux desiderata de puissants lobbys.
Une marque qui se veut à l’avant-garde sur le terrain sociétal
Ainsi, lors du lancement de sa nouvelle campagne publicitaire pour des sous-vêtements à l’occasion de la fête des mères, les communicants de Calvin Klein ont écrit sur le compte Instagram de la marque : « Aujourd’hui, en soutien aux femmes et aux mères du monde entier, nous mettons en avant les réalités des nouvelles familles ». Apparaît alors la photo d’une de ces « nouvelles familles » : un homme, torse nu, tatoué, barbu et… « enceint », enlacé par ce que nous croyons d’abord être une femme. Le bien nommé Roberto Bete est un « transgenre en capacité de gestation » (une femme au départ puis un homme transgenre ayant gardé toutefois ses organes génitaux originels) et sa femme est elle-même un homme qui est devenue une femme trans. Les photos malsaines de cette publicité sont accompagnées d’un petit texte insipide et stupide : « Nous pouvons nous reproduire biologiquement ou par le cœur… Notre place est d’aimer et d’être aimé ». Cela ne veut strictement rien dire mais il y a les mots « cœur » et « aimer », de sorte que cette bouillie passe auprès des crétins pour une réflexion profonde sur l’amour.
Calvin Klein n’en est pas à son coup d’essai. Il y a deux ans, son égérie s’appelait Jari Jones. Femme, grosse, noire et trans, Jari Jones s’affichait avec huit autres « personnalités » LGBTQIA+ sur les murs de New York dans le cadre d’une campagne opportunément appelée #ProudofMyCalvin 2020. Sur son compte Instagram, cette activiste transgenre disait son plaisir de pouvoir présenter « l’image d’un corps si souvent diabolisé, harcelé, qu’on a dévalorisé et même tué ». Victime forever. Pourtant, si ce corps a été « harcelé » ou « dévalorisé », il l’a d’abord été par celle qui l’a transformé pour en faire ce monstre de foire médiatique. « Je pense, disait présomptueusement Jari Jones, que le fait que je sois visible et mise sur une plateforme aussi grande, c’est une forme d’activisme. Je pense, ajoutait-elle en s’apprêtant à dire une vérité dont elle ne mesurait pas la portée, que c’est important parce que la mode et l’industrie médiatique dictent énormément la manière dont la société va fonctionner ». Sans le savoir, cette créature publicitaire décrivait en partie ce que Renaud Camus appelle “l’industrie de l’hébétude”, l’usine à abrutir les masses, le divertissement de type neflixien, le commerce internationalisé et la publicité produisant à la chaîne ces « morceaux de matière humaine indifférenciée » (Journal 2016).
Une hubris dangereuse
La publicité ne vante plus seulement les performances des véhicules dits hybrides mais aussi l’hybridation des corps humains, la métamorphose du donné pour devenir autre chose, pour être ce qu’on veut. L’homme déraciné est appelé à devenir n’importe quoi, une machine, une image synthétique, un ventre à vendre ou un être hybride et monstrueux qui s’auto-engendre – débarrassé de son humanité encombrante, il se prend pour un petit dieu.
Se prenant pour un petit dieu, devenu son seul motif d’adoration, le post-humain s’évertue à chasser le naturel de son corps en le transformant et en le mutilant. Le trouble dans le genre à la Butler n’en est qu’à ses débuts. Après la soupe conceptuelle sur la fluidité des sexes, voilà la tambouille publicitaire exposant les expériences les plus douteuses de manipulation des corps. Les possibilités technologiques ont permis à l’homme d’accroitre sa force et de plier le monde à sa volonté – Il restait un endroit à exploiter, un lieu qui était tabou, le corps lui-même. Le verrou a sauté. Le corps devient lui aussi une matière à transformer, possiblement « améliorable », ajustable comme l’est n’importe quel objet, fruit de toutes les expérimentations possibles, même les plus sinistres.
Le boycott est l’arme du consommateur
L’homme trans « enceint » n’est qu’une étape. Le généticien Daniel Cohen croit « en la possibilité d’une nouvelle évolution biologique humaine consciente et provoquée » et est pressé de voir « l’émergence d’une nouvelle espèce humaine » débarrassée « des voies anachroniques de la sélection naturelle » (1). Nous sommes sur le bon chemin, si j’ose dire. En attendant de pouvoir proposer des caleçons à des êtres synthétiques fabriqués dans les Salles de Fécondation du Meilleur des Mondes, Calvin Klein baisse le sien et prépare vraisemblablement ses prochaines campagnes publicitaires : non-binaires, pansexuel.le.s, « personnes qui ont un utérus », « personnes ayant des règles », « individus tombant enceint.e.s », agenres, genderfluides, queer, etc., les post-humains de toute obédience pourront acheter ses sous-vêtements onéreux. Ils seront peut-être les seuls car…
… petite lueur d’espoir, il semblerait que de plus en plus de clients (des hommes, des femmes, des homo, des hétéro, des Blancs, des Noirs – en un mot, des humains) commencent à trouver ridicule, voire abjecte, cette soumission aux diktats progressistes et wokistes. Et ce n’est pas vrai que pour Calvin Klein. Des sociétés de streaming comme Disney et Netflix, entre autres, commencent de voir leurs actions baisser. Motif : une partie de plus en plus grande du public ne supporte plus les leçons de morale woke et se désabonne. Après en avoir perdu 200 000 sur le premier trimestre, Netflix prévoit une perte de 2 millions d’abonnés pour le deuxième trimestre 2022 (2). Pourtant, prévient Matthew Marsden (acteur de la série Reacher), « malgré le fait que BEAUCOUP de créateurs de contenu en ont assez de l’agenda woke », Netflix subit la loi des « fanatiques déterminés à endoctriner » (Tweet du 19 avril 2022) et ne semble pas prêt à vouloir (pouvoir ?) faire marche arrière. Que chacun prenne sa part de responsabilité. De mon côté, je vais continuer de ne pas être abonné à Netflix, d’ignorer les dernières productions Disney et d’acheter des slips sans le label woke. ■
(1) Les Gènes de l’espoir, 1993, Éditions Robert Laffont
(2) La dernière série japonaise de Netflix s’intitule “He’s expecting” (en France, “La grossesse de Monsieur Hiyama”) et raconte l’histoire d’un homme travaillant dans la pub (tiens! tiens!) qui découvre qu’il est « enceint » et que la grossesse génère « des inégalités sociales ». Résultat : des désabonnements en masse et une chute de Netflix en bourse lui ayant fait perdre 30 milliards de dollars en une seule journée.
* Amateur de livres et de musique, scrutateur des mouvements du monde.
Ainsi les hommes vont avoir mal au cœur et traîner un gros ventre pendant neuf mois pour accoucher dans la douleur .. c’est plutôt une bonne nouvelle au nom de l’égalité.
Époque de la laideur et du pathos ..et ce n’est pas fini les femmes n’étant plus respectables ne sont pas respectées et les hommes déconstruits ne savent plus où ils en sont laissant les enfants livrés à eux mêmes . La société en pleine décadence promène son ennui sur les ruines de notre civilisation .
Avilir les corps après , voire avec , l’avilissement des esprits : démarche cohérente de la « déconstruction » .
Exact Richard, bien d’accord