Par Radu Portocala.
Ces réflexions lucides et fortes dont nous apprécions la vision large et ouverte des avenirs possibles, et, au bon sens du terme, la radicalité, sont parues sur la page Facebook de leur auteur le 7 juin. Ajoutons notre goût pour « la belle langue » telle qu’elle n’est plus guère parlée ni écrite.
En cette période de grands troubles, certaines idées réjouissent les intelligences occidentales: des révoltes fantasmées contre Poutine, le renversement de Poutine par un coup d’État annoncé depuis trois mois et attendu encore, le cancer de Poutine, la mort imminente de Poutine… Jamais l’Occident n’a conçu d’aussi sombres projets et en si grand nombre au sujet d’un chef d’État en fonction, et jamais il n’en a fait une telle parade.
Ces enthousiasmes morbides sont sans doute propres à la post-politique et nous ne sommes peut-être pas loin du moment où, dans l’enceinte de l’ONU, pourront être vus des sorciers faisant des incantations et jetant des sorts.
Les génies de Washington imaginent très certainement qu’une fois Poutine terrassé d’une manière ou d’une autre, ils n’auront aucun mal à installer au Kremlin un pantin sorti du même tiroir que Zelensky, et qu’ils « normaliseront » ainsi la Russie de la même manière que Brejnev a « normalisé » le Tchécoslovaquie en 1968.
Cependant, ils oublient, ces génies, qu’ils ont eux-mêmes, du temps de l’URSS, inventé une fable qui voulait qu’il y ait, à Moscou, un combat permanent entre faucons et colombes, ces dernières devant être soutenues à tout prix, afin que la démocratie triomphe. Restés dans le même modèle de pensée, dans la même illusion qu’ils s’infligent à eux-mêmes comme un traitement tranquillisant, ils fantasment un Kremlin où le dragon Poutine est seul au milieu d’une meute de Saint-Georges ne rêvant que de paix et de démocratie à l’américaine.
Ils n’imaginent pas une seule seconde, les faiseurs de la politique occidentale, que la réalité pourrait être contraire à leurs chimères, que Poutine pourrait être entouré par des faucons belliqueux qui le soupçonnent de mollesse, et que si l’un d’entre eux venait à le remplacer, ils pourraient finir par regretter leur ennemi mortel d’aujourd’hui. Ils n’imaginent pas, en souhaitant la disparition de Poutine, ce que serait une Russie transformée en dictature militaire. Leur politique, hélas ! est faite de ce grave défaut d’imagination. Comme toujours. ■