Par Alain de Benoist
Cet entretien donné à Boulevard Voltaire [19.02] dit avec justesse, lucidité et pertinence ce que, selon nous, il faut savoir et penser de l’affaire corse. Que nous avons nous-mêmes développé dans différents articles [cf. liens ci-dessous] et n’est ni plus ni moins que la position traditionnelle de notre école de pensée en matière de décentralisation, actualisée et appliquée à la Corse. Maurras se plaignait d’ailleurs que le mot de décentralisation rende fort mal ce qu’il devrait y avoir d’organique et de vivant dans les communautés régionales, en particulier dans ce qui subsiste des provinces françaises. La plupart seraient d’ailleurs non à niveler mais à reconstruire. LFAR
L’autonomie, voire l’indépendance de la Corse, cela est-il fondamentalement choquant, sachant qu’aucune frontière n’est à jamais gravée dans le marbre, à en juger par ce qui s’est récemment passé au Kosovo ou en Crimée ?
Ce n’est pas une question de frontières, mais une question de peuples. Contrairement à ce qui s’est passé dans beaucoup d’autres pays, la nation française n’a pas été créée par un peuple, mais par un État. Elle est née de l’agrandissement progressif du « pré carré » capétien, au hasard des conquêtes, des annexions et des alliances matrimoniales. Le peuple français qui existe aujourd’hui est un peuple-résultat. Le problème est qu’en s’étendant, le domaine royal a recouvert des peuples différents, d’origines différentes (celtique, germanique, latine, basque, etc.), qui n’ont jamais abandonné complètement leur personnalité, en dépit des efforts de type colonial développés, sous la IIIe République notamment – l’époque où il était « interdit de cracher par terre et de parler breton » – pour faire disparaître leurs cultures et leurs langues.
Ces peuples existent toujours, même si l’on ne veut pas le reconnaître, et je ne suis pas de ceux qui s’affligent de leur existence et de leur vitalité. Les régions à la personnalité culturelle la plus forte sont aussi les plus portées à défendre leur identité. Le cas de la Corse est, à cet égard, exemplaire, puisque c’est la seule région à n’avoir pas donné la majorité à Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle. Le peuple corse est autochtone dans son île depuis au moins trente mille ans. Occupée pendant cinq siècles par les Génois, contre lesquels s’était déjà dressé Sampiero Corso, la Corse fut indépendante à partir de 1755, sous la direction de Pasquale de Paoli, jusqu’à ce que Gênes la cède à la France en 1768. C’est l’époque où Rousseau rédige son Projet de constitution pour la Corse, qu’on serait bien avisé de relire aujourd’hui. Comme le peuple breton, le peuple basque et le peuple alsacien, le peuple corse continue à défendre sa langue et sa culture, et je trouve excellent qu’il le fasse. Prenons exemple sur lui plutôt que de le stigmatiser ! Souvenons-nous, d’ailleurs, qu’au XVIIIème siècle, quand la France atteignait au sommet de sa puissance et sa culture au faîte de sa gloire, les trois quarts de ses habitants ne parlaient pas le français.
Cela dit, si je suis pour l’autonomie de la Corse, je ne suis pas pour son indépendance. L’indépendance, de toute façon, ne veut plus dire grand-chose à une époque où les frontières ne garantissent plus l’identité des peuples et où même les « grands » États-nations ont d’ores et déjà perdu l’essentiel de leur souveraineté. Autonomistes et indépendantistes peuvent, certes, mener des combats communs, mais entre l’autonomie et l’indépendance, je ne vois pas une différence de degré mais une différence de nature. L’autonomie se fonde sur un principe de responsabilité, l’indépendantisme ne manifeste qu’une volonté de sécession.
L’argument jacobin veut que la République soit « une et indivisible ». Mais à Wallis-et-Futuna, territoire français depuis 1888, cette même République reconnaît des chefferies traditionnelles pratiquant un catholicisme considéré de fait comme religion d’État…
Le jacobinisme est la maladie française par excellence. De l’extrême gauche à l’extrême droite, que ce soit par patriotisme ou par fidélité à l’esprit révolutionnaire, presque tout le monde y sacrifie chez nous. La Suisse (avec ses trois langues officielles), la Russie et les États-Unis sont des États fédéraux et ne s’en portent pas plus mal, mais toute idée de remettre en cause la République « une et indivisible », d’appliquer le principe de subsidiarité (ou de compétence suffisante) en laissant aux différentes composantes de la nation la possibilité de décider par elles-mêmes et pour elles-mêmes, fait immédiatement surgir des fantasmes de « balkanisation » et de « dislocation » que je trouve absolument ridicules. Le centralisme jacobin n’a pas rendu la France plus forte, mais plus fragile. Un pays n’est fort que de la vitalité et de l’identité de ses composantes. Les jacobins veulent réaliser dans leur pays une « unité » qu’ils refusent à l’échelle européenne ou mondiale. Je ne verrais personnellement que des avantages à ce que la République « une et indivisible » soit remplacée par une République fédérale des peuples de France.
Pour en revenir à la Corse, ce n’est pas en répétant que « la Corse, c’est la France » qu’on réglera le problème. J’ai connu l’époque où tous les hommes politiques proclamaient à qui mieux mieux que « l’Algérie, c’est la France ». L’Algérie se composait alors de trois départements français, avec dix préfectures. On sait ce qu’il en est advenu. Quant à ceux qui glosent avec des trémolos sur « le français, langue de la République », je leur rappellerai qu’à l’heure des talk shows, des fake news, du coaching, du fact checking, du packaging, du prime time, des smartphones et autres cold cases, ce ne sont pas les langues régionales mais la langue anglaise qui menace la langue française, sans qu’ils s’en émeuvent particulièrement.
Après l’Écosse, la Lombardie, la Catalogne, la Corse, est-ce les peuples qui prennent leur revanche sur les États, ou y a-t-il des raisons plus extérieures à ces phénomènes ?
Je pense que c’est une erreur de placer toutes ces régions sur le même plan. Ce sont des cas différents. La Corse est une île, ce que ne sont ni la Lombardie ni l’Écosse. L’histoire de la Catalogne est totalement différente de celle de la Flandre, et l’histoire de la Belgique n’a vraiment aucun rapport avec celle de l’Espagne. Les Flamands souhaitent se séparer des Wallons, mais certains d’entre eux ne refuseraient pas de rejoindre la Hollande pour recréer les grands Pays-Bas. Je pense qu’il faut juger concrètement, au cas par cas. On s’apercevra alors que les motivations sont, elles aussi, très différentes. Disons seulement qu’il est assez légitime que certaines régions veuillent d’autant plus préserver leur identité qu’elles voient bien que les entités plus vastes auxquelles elles ont appartenu jusqu’ici perdent la leur sans réagir. •
Intellectuel, philosophe et politologue
Ce que dit M. de Benoist me semble de pur bon sens. Il est vrai que dans cette république idéologique le bon sens est la chose la moins bien partagée.
On voit bien la très ancienne haine d’Alain de Benoist (« Europe-Action », sous le pseudo de Fabrice Laroche) contre l’État-Nation…
L’autonomie consiste à laisser les Corses administrer leur île avec les sous français…
Ah mon brave Pierre, chassez le jacobinisme il revient au galop..
Si une décentralisation ou régionalisation , effective , peut encore avoir un sens au XXI ème , c ‘est , à ce qu’il semble , pour des pays tels que la Corse , le Pays Basque ( et dans une moindre mesure , l ‘ Alsace , la Bretagne ) , pays ayant encore une forte identité , fidèles à leurs traditions . Pour les dépenses , mieux vaut que ce soit pour la Corse que pour le 93 .
Pour le reste , c ‘est » cuit » : il est déjà difficile de défendre ce qui est français face à l’américanisation et à l’islamisation les deux se complétant comme le marteau et l’enclume .
Si la Monarchie avait conservé l’élan autoritaire que Louis XIV lui avait donné, on n’en serait pas là… Ces roitelets ne sont que les successeurs des féodaux
Quand Pierre Builly insulte le peuple Corse en traitant ses représentants de roitelets féodaux vivant au crochet de la France c’est admis par le modérateur?
Builly et Bastet se trompent tous les deux.
Il en faut des roitelets et ce n’est pas une insulte, le « modérateur » n’a rien à y voir …
Il en faut des rois et des roitelets parce que nous ne sommes pas des totalitaires.
Nous voudrions un roi pour la France, mais pas sans personne en face. Pas un tyran solitaire régnant via un réseau serré de fonctionnaires et de flics sur un peuple d’administrés, atomisé et nivelé. Pas sur un peuple sans qualités. Notre vision de la société et du Pouvoir n’est ni la dictature du prolétariat façon Lénine ou Staline, ni celle du parti unique.
Builly se trompe encore sur de Benoist, dont il me paraît avoir une perception dépassée. (Fabrice Laroche, c’est loin – un demi-siècle bien sonné).
Si de Benoist avait conservé la haine des nations que dit un Builly en cela obsolète, il serait pour l’indépendance de la Corse comme ce fou de Puigdemont veut celle de la Catalogne. Au contraire, Benoist dit comme auraient dit Mistral ou Maurras qu’il est pour l’autonomie de la Corse et contre son indépendance.
Les Corses vivent de l’argent des Français ? Richard a bien répondu : mieux vaut la Corse que le 93 ! Au moins les Corses sont de notre race et de notre sang, de notre culture et de notre religion. Et ils sont Français depuis deux siècles et demi !
Quant à Benoist il a compris aujourd’hui comme Maurras que les nations sont ce qui s’oppose encore le plus fortement à l’indifférenciation du monde par l’impérialisme universaliste marchand, incarné ici par l’administration bruxelloise. Bien plus dangereuse pour la France que les Corses !
Excès jacobins, risques centrifuges ? La politique est le Gros Animal qui oscille entre des risques opposés. Prenons garde qu’il n’y en ait plus du tout. La mort seule est sans risques.
Entièrement d’accord avec Louis Fabre.
Nous ne pouvons défendre la conception jacobine de l’Etat nation . C’est une conception de la nation aboutissant de fait à une vision impériale et totalitaire à rejeter sans fard. Non, nous voulons une nation vue comme une « communauté de destin » Et chez nous, le Roi est garant de nos libertés et de nos diverses communautés. N’oublions pas que Napoléon était pendant la révolution jacobin et même son féal. (Même si par la suite il a su prendre du champ et accorder le Concordat, mais la logique jacobine l’a conduit où l’on sait à l’invasion de notre pays et sans l’habileté de Talleyrand et sa vraie conception de la légitimité…
Sur ce point : reconnaitre au Corse une âme à ne pas éradiquer par un néo jacobinisme auquel ca s nous ne devons jamais nous rallier Alain de Benoist a raison . Par ailleurs Macron a fait une en faute en emmenant Chevènement dans ses bagages en Corse. La fermeté sur l’affaire du Préfet Erignac ne dispense pas du reste: savoir manifester une réelle empathie pour les Corses qui n’attendent que cela. Par exemple, Paoli est maintenant mis à l’honneur en Corse, il mériterait peut-être aussi d’être reconnu , salué dans une perspective qui ne brise pas les liens de la Corse avec la France. Le funambulisme de notre Président , hors sol, ne résout rien. On ne sent pas une en vraie chaleur, une vraie reconnaissance.
E.Macron qui se veut défenseur de la place des femmes en politique , aurait pu saluer , en Corse , la Constitution de Paoli laquelle permettait le vote des femmes , mais c’était peut être trop ; et d’accord avec Henri , pourquoi avoir embarqué Chevènement ?
Il n’y a pas que les Corses qui sont des roitelets, même si les Corses sont encore plus prévaricateurs et clientélistes que les autres ! La funeste décentralisation de 1982 a confié les clefs du Royaume à des élus locaux qui peu à peu détruisent l’unité de la Nation…
Je ne savais pas qu’Alain de Benoist avait changé en quoi que ce soit ses positions européistes et régionalistes… Mais si vous le dites, pourquoi pas ?
Pour avoir vécu (et souffert mille morts) en Corse, je suis très sceptique sur le sentiment d’appartenance qui pourrait animer les Corses.
Ils sont de notre « race » ? La belle affaire…
« Les républiques françaises sous le roi »
Il faut prendre au sérieux un fédéralisme traditionnel que les royalistes ont parfois eu du mal à pratiquer quand ils furent au pouvoir ( cf. la restauration qui s’accommoda fort bien des préfets de l’empire) . C’est qu’il y a dans un certain monarchisme une composante plus centralisatrice ( les intendants , la monarchie éclairée ) qui selon Tocqueville prépara la révolution et une autre plus traditionnelle et médiévale . Selon les travaux de J. de St Victor ( « La première contre révolution ») il facile de voir que l’un des points principaux de l’opposition du parti « aristocrate » à la révolution est celui des libertés ( privilèges ) locales que la nuit du 4 août a supprimé . En Bretagne la conjuration de La Rouërie défend le roi mais attend de lui le plein rétablissement des franchises bretonnes garanties par le traité de 1532 .
On a au contraire entendu Macron , avec Chevènement en souffleur, s’exprimer en parfait jacobin .
Bref la subsidiarité est un élément important de la monarchie .
M. Bastit
« Les républiques françaises sous le roi »
Il faut prendre au sérieux un fédéralisme traditionnel que les royalistes ont parfois eu du mal à pratiquer quand ils furent au pouvoir ( cf. la restauration qui s’accommoda fort bien des préfets de l’empire) . C’est qu’il y a dans un certain monarchisme une composante plus centralisatrice ( les intendants , la monarchie éclairée ) qui selon Tocqueville prépara la révolution et une autre plus traditionnelle et médiévale . Selon les travaux de J. de St Victor ( « La première contre révolution ») il facile de voir que l’un des points principaux de l’opposition du parti « aristocrate » à la révolution est celui des libertés ( privilèges ) locales que la nuit du 4 août a supprimé . En Bretagne la conjuration de La Rouërie défend le roi mais attend de lui le plein rétablissement des franchises bretonnes garanties par le traité de 1532 .
On a au contraire entendu Macron , avec Chevènement en souffleur, s’exprimer en parfait jacobin .
Bref la subsidiarité est un élément important de la monarchie .
M. Bastit
Oui, Michel Bastit…
Vous êtes fous : ces gens là nous haïssent ! pour avoir vu, pendant 18 trop longs mois passés dans cet enfer des explosions, des incendies, des rackets et les tricheries, la flemme institutionnalisée, la suffisance d’incapables, l’incapacité corse de faire quoi que ce ce soit pour essayer de sortir leur île (fort belle, par ailleurs et qui le serait beaucoup plus sans les Corses) je n’espère qu’une chose : qu’on les mette à genoux…
Hélas ! Ce n’est pas Macron qui leur fera connaître de justifiées dragonnades…
Mon pauvre Pierre, comme vous avez du souffrir pour tenir de tels propos. Mais que faisiez vous durant 18 mois au milieu de gens que vous détestez autant? Seriez-vous masochiste?
Croyez-vous que, lorsqu’on est fonctionnaire d’État on choisit ses affectations ? D’ailleurs, avant d’y vivre, je n’avais pas si mauvaise opinion que ça des Corses, les voyant plutôt, comme tout vacancier que j’avais été, en doux flemmards inoffensifs et ridiculement ombrageux.
J’ai tout de suite déchanté : leur hostilité vis-à-vis des continentaux (j’allais écrire « des Français ») est radicale et immédiate..;
Evidemment, en tant que fonctionnaire d’Etat, vous étiez perçu comme faisant parti des troupes d’occupation. Mais avez-vous mis à profit ces 18 mois de « campagne » pour en savoir un peu plus sur les Corses? Car réduire le peuple Corse à la caricature que vous en faites est absolument ridicule.
@ Bastet : Avant la Corse, j’étais en Rouergue, après en Bourgogne : dans les deux cas, accueil, chaleur, amitié, hospitalité. En Corse, rejet et hostilité.
Je ne suis jamais entré, en invité, dans une maison corse ; en Bourgogne, dans des dizaines…
Sales gens, vous dis-je !
Les meilleurs ont compris et partent sur le Continent où ils peuvent être, d’ailleurs, tout à fait remarquables.
Mais hors exceptions rarissimes, ceux qui restent là-bas ne valent rien…
@ Bastet : Avant la Corse, j’étais en Rouergue, après en Bourgogne : dans les deux cas, accueil, chaleur, amitié, hospitalité. En Corse, rejet et hostilité.
Je ne suis jamais entré, en invité, dans une maison corse ; en Bourgogne, dans des dizaines…
Sales gens, vous dis-je !
Les meilleurs ont compris et partent sur le Continent où ils peuvent être, d’ailleurs, tout à fait remarquables.
Mais hors exceptions rarissimes, ceux qui restent là-bas ne valent rien…