Dans le dernier numéro de Politique Magazine ( http://www.politiquemagazine.fr/ ) Hilaire de Crémiers se livre à une analyse longue et fouillée de l’action de Nicolas Sarkozy, en particulier, et de l’état de la république, en général (1).
Il s’y demande si, au final, Nicolas Sarkozy sera Hercule ou Sysiphe et débute, sagement, son article en faisant remarquer : « Tout ne dépend pas de la seule volonté des hommes. Il faut tenir compte de la nature des choses. »
Nous nous sommes souvent demandé, ici-même, si nous n’étions pas en 1789; si le nombre et la puissance des mille Bastille que la République a générées, jointes au caractère idéologique de cette même République, ne rendaient pas impossible(s), comme en 1789, toute réforme(s); et si, donc, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne finirait pas par assister, mutatis mutandis, à une explosion -demain- comparable à celle d’hier.
Sauf que, cette fois, ce serait la République qui, sauterait….. Extraits…
(1) : Numéro 72, mars 2009.
… »L’homme qui est à la tête de l’Etat, qui veut en concentrer tous les pouvoirs en y ajoutant constamment une note très personnelle, s’est fixé une sorte de défi : faire marcher la République….. L’essentiel tient à cette volonté qu’il a de donner à la république une organisation efficace, une capacité d’action à l’intérieur et à l’extérieur qui la mette en état d’influer sur le monde moderne….. Il conçoit la fonction présidentielle non comme la charge d’une magistrature suprême, mais comme un poste « managérial », une tâche à accomplir, « un boulot à faire ». Et « ce boulot » est aujourd’hui de réformer la République pour l’adapter aux temps actuels : c’est son côté jeune et moderne.
Toute l’ambigüité de l’action de Nicolas Sarkozy tient au fait qu’il n’est pas certain qu’une réforme de la République soit une vraie réforme pour la France. Autant la France a , de fait, besoin de réformes de longue durée qui la vivifient et qui nécessiteraient un Etat fort et durable, autant les tentatives de réforme du système républicain laissent l’observateur perplexe, tant ce système en lui-même est irréformable. Et c’est là que Nicolas Sarkozy va s’user et pour rien….
Et, pourtant, il n’est pas douteux que sa volonté, « son volontarisme » comme il dit, ne tendent qu’à assurer un meilleur fonctionnement des institutions essentielles de la République…. Le voici sur tous les fronts. Il se dégage de cette activité pour le citoyen moyen une impression de confusion et de fébrilité qui ne correspond pas à la détermination de l’homme. Un sentiment général s’impose, qu’il en fait trop. La vérité est plutôt qu’il n’en fait pas assez, tout en donnant cette impression qu’il en fait trop. De toute façon, il ne peut en faire plus. Même humainement. Car personne ne peut dénier le fait qu’il travaille énormèment. Alors, pourquoi pas assez ? Tout simplement parce que ce ne sera pas suffisant pour changer le cours des choses. Il y a une contradiction majeure dans l’oeuvre sarkozienne. Sa volonté, aussi sincère, aussi forte soit-elle, se heurte à la nature des choses. La République va l’user. Elle ne se réforme pas, sauf accident que l’Histoire provoque et que son inaptitude rend inéluctable.
Il y a chez Sarkozy l’ambition d’un Hercule qui entreprend tous les travaux; il est à craindre qu’il ne se retrouve dans la situation d’un Sisyphe qui, ayant réussi à rouler son rocher vers quelque sommet, le voit tout à coup dévaler la pente infernale selon la force irrésistible de sa pesanteur. »
Sur le fond, l’article conduit à réitérer ce que nous savons et que nous répétons depuis si longtemps. Mais sur la forme! Que de circonlocutions, de fausses réticences et de doubles négations! Ainsi: « il n’est pas certain » qu’une réforme de la République soit une vraie réforme pour la France »(comment cela pourrait-il être?), les efforts de Sarkozy « laissent « l’observateur »perplexe »(l’observateur n’est pas si perplexe que ça). « Il est à craindre »(il le craint vraiment?) que ce ne soit un échec . Et que de flagorneries pour le Président de la république! Sa volonté est « sincère », « forte », il travaille « énormément », »De toute façon, il ne peut en faire plus. Même humainement. » Il a l’ambition d’un Hercule » etc. Si c’était Attali ou Minc qui écrivait ces lignes, nous pourrions les saluer, mais là, c’est un peu consternant. Vraiment, ce n’est pas mon style
Tout à fait de votre avis mon cher Antiquus.
Qu’attendre de Nicolas Sarkozy ? Et d’abord, quel Sarkozy faut-il croire ? Durant sa campagne électorale, le candidat de l’UMP a fait flèche de tout bois. Mais il a surtout tenu des propos que ni Chirac ni Giscard d’Estaing n’auraient jamais tenus. Profitant de la droitisation du paysage politique, on l’a entendu parler de la France dans des termes d’un lyrisme jusqu’ici réservé à Le Pen. Au soir de son élection, il s’est encore exclamé : » Je vais remettre à l’honneur la nation et l’identité nationale. Je vais rendre aux Français la fierté de la
France « . » J’aime la France comme un être cher, qui m’a tout donné, a-t-il ajouté. Maintenant, c’est à mon tour de rendre à la France ce que la France m’a donné » .
Après quoi, Sarkozy est allé dîner sur les Champs-Elysées, où ses amis du » show business » et du « complexe militaro-industriel » français avaient organisé un dîner en son honneur.
Sarkozy est en fait d’abord le candidat du patronat. Aux classes moyennes, victimes à la fois de l’insécurité et de la rapacité du capital mondialisé, il a fait croire qu’il rétablirait l’ordre et lutterait contre l’ »assistanat » en favorisant la flexibilité du travail. Il annonce en réalité une société plus
compétitive, plus dure, où la priorité sera donnée à l’efficacité et à la rentabilité sans considération des coûts sociaux.
Sur le plan de la politique étrangère, Sarkozy dit que » la France est de retour en Europe « . En privé il ne cache pas qu’il n’aime ni les Russes ni les Allemands. Il se dit partisan d’une « Europe politique » autonome, mais il n’a cessé de donner des gages à l’Amérique.
La Maison-Blanche ne s’y est d’ailleurs pas trompé : le premier chef d’Etat à féliciter Sarkozy pour sa victoire a été George W. Bush.
Nicolas Sarkozy a imprimé son style personnel à sa fonction. Un style résolument » postmoderne « , avec un président qui fait du « jogging », dit » O.K. » dans ses conférences de presse et dont les phrases ne comportent que vingt-cinq mots au maximum.
Un style d’une extraordinaire vulgarité.
Nicloas Sarkozy est un homme assoiffé de pouvoir. On le sait dominateur avec les faibles et servile avec les puissants. Durant sa campagne, son slogan était : « Ensemble, tout devient possible » (Yes we Can?). Ses adversaires répondent : avec lui, en effet, tout est possible – c’est bien ce qu’il faut redouter