Par Rémi Hugues
Dans le cadre de la sortie de son ouvrage Mai 68 contre lui-même, Rémi Hugues a rédigé pour Lafauteàrousseau une série dʼarticles qui seront publiés tout au long du mois de mai.
Si, lorsquʼil sʼagit de donner un sens à cet événement, Mai 68 est lʼobjet dʼune controverse féroce – tant à propos de la cause de lʼirruption de la crise que de lʼimpact quʼelle a produit sur la société française –, ses laudateurs et ses contempteurs sʼaccordent pour en souligner lʼimportance décisive. Tous partagent le point de vue selon lequel ce moment de « communication explosive »[1] fut un « événement matriciel »[2], cʼest-à-dire fondateur, initiateur de quelque chose de nouveau, une rupture en somme. Pour Régis Debray, cʼest le « renaissance » de la « République bourgeoise »[3], quand Jean-Claude Michéa la qualifie de « Grande Révolution libérale-libertaire »[4]. Ces deux figures de la gauche intellectuelle rejoignent ainsi le camp de ceux qui, issus de la droite, font le procès de Mai 68.
En janvier dernier, dans un éditorial au ton très polémique, le directeur de Libération, Laurent Joffrin, sʼattaquait à une certaine gauche, coupable selon lui dʼêtre à lʼorigine dʼun « réquisitoire oblique qui impute à 68, sous des oripeaux révolutionnaires, le triomphe du marché, lʼouverture des frontières au libre-échange, qui aurait livré le pays aux grands vents de la mondialisation américanisée, sapé la souveraineté nationale pour le compte des multinationales. »[5] Or comme eux il considère que Mai 68 était une « fausse révolution, […] une révolte contre les traditions qui contestaient la liberté individuelle »[6]. Dans un autre périodique typiquement bobo, lʼhebdomadaire Télérama, Olivier Pascal-Mousselard et Vincent Rémy insistent sur le rôle joué par « une jeunesse en plein boom » qui provoqua un « séisme » sans précédent, faisant entre la France dans une « pétillante modernité »[7]. Dans leur texte ces deux derniers comparent, comme le premier dans son éditorial, Mai 68 à 1789.
Tel est donc le postulat de départ de ce dossier : comme lʼaffirment aussi Henri Mendras et Patrick Buisson, Mai 68 est peu ou prou assimilable à une seconde révolution française, qui transforma profondément les structures anthropologiques, culturelles, morales, économiques et politiques de la France contemporaine. Une nouvelle phase, au fond, du « Grand remplacement », le vrai : la substitution du culte ancestral – catholique, apostolique et romain – par celui des droits de lʼhomme, la laïcité. •
[1] Maurice Bantigny, La Communauté inavouable, Paris, Éd. du Minuit, 1983, p. 135.
[2] Ludivine Bantigny, « Assignés à hériter : quelques mouvements étudiants en miroir (1968-2006), in Ludivine Bantigny et Arnaud Baubérot (dir.), Hériter en politique : filiations, générations et transmissions politiques (Allemagne, France et Italie, XIXe – XXIe siècle), Paris, PUF, 2011, p. 296.
[3] Modeste contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième anniversaire, Maspero, Paris, 1978, p. 10.
[4] LʼEnseignement de lʼignorance et ses conditions modernes, Castelnau-le-Lez, Climats, 1999, p. 46.
[5] Libération, 20-21 janvier 2018.
[6] Idem.
[7] Télérama, 23 décembre 2017-5 janvier 2018.
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C ‘est monter des blancs d’œufs en neige que d’accorder de l’importance à Mai 68 : la seule force des émeutiers fut la faiblesse de l’autorité , faiblesse de courte durée car la génération qui était alors aux affaires n’était pas ce qu’il y avait de plus libéral .
Toutefois , rien n’empêche de disséquer et l’on est alléché en attendant la suite de cette série proposée par LFAR .
Bien vu. Tout aurait pu se passer autrement si les pouvoirs publics avaient agi plus promptement. Pompidou e Iran et en Afghanistan alors que la situation à Nanterre était connue.Que faisaient les R.G.????
Désolés, Messieurs. Je crois que vous regardez mai 68 par le petit bout de la lorgnette…
De mémoire Paris Match de l’époque représentant de Gaulle en vieil homme fatigué , Pompidou prenant le thé en Afghanistan en costume local- genre robe de chambre-
Quelques milliers de casseurs à Paris , des grévistes mais c’est si commun en France .
Il dût bien y avoir des préparatifs pour unifier les mots d’ordre jusqu’en province ; que faisaient les RG , en effet ?
Et comment croire qu’il ait suffi d’un mois pour saper puis démolir ?
Il fallut les années Giscard avec sa coterie ( » le poisson pourrissant par la tète » ) et deux septennats Mitterrand ; on arrive à un total de 21 ans , quasiment une génération , voila le temps qu’il a fallu pour empoisonner ce Pays . La suite est connue ; bien entendu , le développement de l’ UE , le déferlement d’immigrés avec installation de toute la smala sont compris dans la période .