« Ce pape commence à poser un vrai problème ». C’est Alain JUPPE qui le dit. Comme l’ont fait aussi bien d’autres de ses collègues. Alain JUPPE, ancien Premier Ministre français et, peut-être futur ministrable du prochain gouvernement de Nicolas SARKOZY. Xavier DARCOS, notre ministre de l’Education Nationale, laquelle n’a pourtant de leçons à donner à personne, n’a pas hésité, de son côté, à qualifier les propos supposés du pape, de criminels. Mais à qui Benoît XVI commence-t-il à poser un problème ?
Nous pensons, quant à nous, que c’est le « système » français qui « commence » ou plutôt qui continue – à poser un problème. « Système » oligarchique de très petite volée, « système » totalitaire et oppressif, dont Alain JUPPE, dont nous ne méconnaissons pas, au demeurant, les qualités, est l’un des pontifes. Mais les « colonnes du temple » (l’expression est de Jacques CHIRAC) sont ébranlées.
Ce que Pierre BOUTANG appelait déjà, en son temps, le Semble-Etat, a-t-il encore une cohérence, et même une existence ? Le président de la République qui a, sinon écrit, du moins prononcé le discours du Latran, est-il le même que celui qui s’apprête à prendre pour ministre un homme qui considère que « ce pape (le Souverain Pontife régnant) commence à poser un problème », comme s’il s’agissait d’un membre quelconque du show-biz ou du monde politique, ce qui « commence », d’ailleurs, à être la même chose ?
Le « système » que nous avons décrit précédemment, existe-t-il d’ailleurs encore vraiment ? Le Semble-Etat est incohérent, ballotté entre sondages, peur de « la rue », hantise d’un effondrement économique de grande ampleur, pressions de tous les corporatismes et lobbies de privilégiés qui le somment de creuser encore une dette pourtant déjà paralysante, harcèlement des médias … Les syndicats, quant à eux, ne représentent plus guère que des appareils et sont, en réalité, si on ne leur reconnaissait une légitimité pourtant très improbable, que des fantômes de la représentation des salariés. Les grands médias sont constitués de coteries uniquement occupées à accroître leur audience, pour faire et défaire les courants dits d’opinion et faire accroire à cette dernière qu’elle pense par elle-même … Les Instituts de formation de l’opinion et de sondages, œuvrent, évidemment, dans le même sens … Que dire de l’Education Nationale, en pleine décomposition culturelle et morale ? Que dire des « associations », souvent composées de marginaux, qui n’ont d’écho que si les médias les relaient ? « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette » : tout ce petit monde se tient, comme les éléments d’un château de cartes, somme-toute assez lamentable. Quelle est sa réalité ? Voilà, en effet, ce qui « commence à poser un problème ».
D’autant plus que ce « système », ainsi constitué, ignore superbement et vit dans un décalage de plus en plus creusé entre son idéologie d’essence très simpliste et l’évolution évidente d’une grande partie de l’intelligence française, souvent composée, d’ailleurs d’hommes – parfois les plus brillants – venus de ce que l’on appelle encore la Gauche … Cette nouvelle Intelligence française en vient à contester de plus en plus et de plus en plus radicalement la tyrannie, l’idéologie, déclinante et nulle, du « système ».
Et nul doute que cette Intelligence – ne serait-ce que par sentiment naturel de confraternité – penche davantage du côté du grand esprit qu’est le pape Benoît XVI que du côté d’Alain JUPPE, Xavier DARCOS ou David PUJADAS …
Les DARCOS, JUPPE et autres reprochent à BenoitXVI ses positions en matière de morale sexuelle. C’est à mon avis un reproche qui montre que ces gens ne savent même plus aujourd’hui ce qu’est un dogme.
On peut bien entendu être en total désaccord avec le pape dans ce domaine là , mais il y a quelque naïveté (ou calcul inavouable) à s’étonner que le chef de l’Eglise catholique réaffirme sur de tels sujets ce qui a toujours été la position de l’Eglise, comme si les doctrines religieuses pouvaient « évoluer » à la façon des discours de circonstance ou des programmes politiques.
Pour beaucoup de nos contemporains, qui sont constamment tentés par le « bricolage » spirituel, la religion se ramène à une « spritualité » sans aucune discipline.
Les gens ne recherchent plus tant le salut que des repères ou des recettes de « bonheur ».
Bien des croyants attendent au fond de la religion ce que d’autres attendent d’une cure ou d’une thérapie : un confort intérieur, un plus grand bien-être. Le résultat de cette individualisation de la foi est le rejet spontané de tout ce qui pourrait limiter la liberté individuelle. Les notions de règle et de sanction s’effacent devant le souci de soi.
Un tel contraste est caractéristique de l’époque: l’individu, même lorsqu’il a la foi, a de plus en plus de mal à accepter l’idée que cette foi puisse entraîner des limitations de sa « liberté « .
Je suis tout à fait d’accord avec Sebasto qui me fait penser, à propos de JUPPE, DARCOS et les autres, à ce qu’écrit Hilaire de Crémiers, très bien, je trouve, dans le dernier Politique Magazine:
« Ceux qui prétendent diriger la société feraient bien de se méfier. La victoire finale ne leur appartient pas. A force de se prêtrer au mensonge, c’est leur autorité qui en pâtira. On ne porte pas atteinte ou on ne laisse pas porter atteinte impunément à la plus haute autorité religieuse et morale en ce bas-monde, sans que l’autorité publique n’en supporte les conséquences. Ce sont toutes les autorités qui sont sapées. Ces gens y ont-ils jamais réfléchi, dans leur superbe : pourquoi un homme obéirait-il à un autre homme ? Le pouvoir est un mystère qui leur échappe. Ils s’en croient maîtres. Par un juste retour des choses, il peuvent en devenir victimes ».