Cette chronique de Mathieu Bock-Côté – de celles que nous reprenons souvent pour leur pertinence – est parue dans le Journal de Montréal du 11 juin. Chez lui, on crache sur le Québec, chez nous, sur la France. Avec le soutien complice des politiques, des juges et des médias. On pourrait discuter tels ou tels éléments de son analyse. Le maître-mot, très bernanosien, en est simple. C’est Tenir tête ! Bernanos eût dit : Faire front ! C’est ce que doit être, selon nous, la réaction décomplexée, sans concession à tel ou tel humanitarisme tortueux, la réaction des nationalistes français. Tenir tête ! Faire front ! À lire ! Tout simplement.
L’histoire du XXe siècle aurait dû nous l’apprendre : même les plus belles idées peuvent accoucher d’un cauchemar.
C’est l’histoire du communisme qui entendait émanciper l’humanité et construire le paradis sur terre, mais qui a plutôt conduit à l’enfer du totalitarisme et du goulag.
C’est un phénomène récurrent : celui qui se prend pour l’unique possesseur de la justice et de la vérité se croit tout permis.
Il interprète le désaccord comme un scandale et s’offusque que son contradicteur puisse s’exprimer publiquement.
Antiracisme
Ce qu’on appelle l’antiracisme n’est pas immunisé contre cette tentation. Il part de la meilleure intention qui soit : vaincre le racisme.
Mais il dérive, en réduisant aujourd’hui les individus à leur couleur de peau, et en ramenant le critère racial au cœur du débat public.
L’étiquette « raciste » est collée à tout et n’importe quoi.
Churchill, l’homme qui a tenu tête à Hitler, a vu sa statue, à Londres, vandalisée par des manifestants qui y ont inscrit le mot « raciste ».
Une grande panique s’empare de tous les milieux. Comment faire pour éviter l’odieuse étiquette et témoigner de sa vertu ?
La créatrice de la série Friends s’excuse, 25 ans plus tard, en disant que sa série était trop blanche.
HBO retire temporairement de sa programmation Autant en emporte le vent.
Les « Blancs » sont invités à s’agenouiller pour se faire pardonner leur couleur de peau.
D’autres se transforment en laveurs de pieds. Ils se soumettent à un rituel pénitentiel d’humiliation collective.
Que feront-ils demain ?
Car un geste ne suffit jamais. Il en faut toujours plus.
On croit acheter la paix. On vend son honneur.
On se retrouve ensuite avec le déshonneur sans avoir la paix, pour paraphraser un Britannique célèbre.
Dès le début des événements, François Legault a dit ce qu’il pensait : il ne croit pas que la théorie du racisme systémique s’applique au Québec.
Il subit, depuis, un tir de barrage. Il s’agit de le faire plier. On lui fait le coup des experts qui seraient unanimement convaincus de la valeur de cette théorie.
En gros, il aurait la « science » contre lui.
Mais il faut connaître le système universitaire pour voir que les « experts » sur ce sujet sont d’abord et avant tout des militants qui ont un agenda idéologique, et non pas scientifique.
Charlatans
Ce sont de vrais charlatans et de faux savants. Avec leur jargon, ils intimident facilement les politiciens, plus ou moins conscients de cette corruption idéologique des sciences sociales.
C’est le prix à payer pour avoir laissé les sciences sociales se laisser dévorer par la gauche radicale.
La situation actuelle est difficile. Il faut pourtant garder la tête froide.
Cela ne veut pas dire que la société québécoise est idyllique.
Il y a des problèmes concrets à aborder ? Abordons-les.
Mais il ne sert à rien de se soumettre aux idéologues radicaux. Ils dissimulent leur fanatisme derrière de nobles idéaux.
François Legault devrait tenir tête à ceux qui crachent sur le Québec.■
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques(éd. VLB, 2013), deFin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).