Que fera le président de la République lorsque ses grandes conceptions – l’européenne et la mondialiste – finiront par buter sans retour contre le mur des réalités ? S’obstinera-t-il à courir après des solutions impossibles et caduques ou sera-t-il capable de tirer les conséquences de la situation telle qu’elle est vraiment ? Sera-t-il suffisamment souple d’esprit, aura-t-il assez de lucidité et de volonté réunies, pour redéployer sa politique – celle de la France – la redéfinir de sorte qu’elle soit applicable, selon le vieux précepte qui veut que la politique ne soit rien d’autre que l’art du possible ? C’est en soi une question intéressante pour l’observateur de l’histoire politique en train de s’écrire. Elle est cruciale pour qui n’est pas indifférent au sort de la France, de l’Europe et du monde.
Cet homme jeune, cultivé, volontaire et avide de réaliser se condamnera-t-il longtemps – toujours ? – à une fidélité inféconde aux idées chimériques que de fumeux aînés lui ont inculquées ? Ou opèrera-t-il ce retournement réaliste qui lui sauverait la mise et pourrait donner â la France, à l’Europe, une politique salvatrice ? Comment le savoir ?
Il semble bien en effet que nous nous trouvons à l’un de ces tournants de l’histoire où les cartes se rebattent et où le jeu reprend sur des bases renouvelées.
Voyons ! Du Brexit aux élections italiennes qui viennent d’aboutir à la formation d’un gouvernement antisystème à Rome, en passant par la constitution du groupe des pays de Visegrad, par l’essor de l’AfD en Allemagne, par la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle française, et par le vote autrichien, il est clair que le rejet des institutions de Bruxelles par les différents peuples d’Europe, va croissant, comme une déferlante qui finira par les recouvrir. Fonctionnaires bruxellois, tremblez pour vos sinécures ! Il n’y a plus grand monde pour les défendre. Leur discrédit est grand, quasi général. Leur Europe se défait, malgré qu’ils en aient. Une Contre Europe s’organise hors des institutions technocratiques de Bruxelles. Une Europe réelle face à une Europe légale.
Quant au couple franco-allemand qui est en tout cas le seul vrai moteur de toute construction européenne, il est clair – nous l’avons dit souvent – qu’il se disjoint. Ce n’est pas qu’on le veuille consciemment des deux côtés du Rhin. C’est seulement qu’il arrive un jour où quelques données objectives essentielles se chargent de défaire ce dont on avait longtemps rêvé et fait semblant de pratiquer. Alors, après les sourires de convenance et les accolades fraternelles, les mots fusent. De sourds reproches et des impatiences jusque-là contenues finissent par s’exprimer. Ainsi d’Emmanuel Macron qui trouve qu’Angela Merkel est toujours trop lente à décider. Alors que tout simplement elle n’a ni l’envie ni le pouvoir de le suivre vers plus de fédéralisme européen. Plus amer encore, Emmanuel Macron fait remarquer que les bénéfices des uns font les déficits des autres. Cruel reproche qui touche au cœur d’une terrible disparité entre les deux nations, celle de leur commerce extérieur. A quoi s’ajoutent l’excédent budgétaire allemand et le déficit français.
L’Allemagne quant à elle, a deux fermes résolutions : ne rien céder de sa souveraineté et ne pas payer pour les autres davantage qu’elle ne le fait déjà. Ou moins s’il se peut. Elle n’est tout de même pas assez puissante pour être l’hégémon dont l’Europe aurait besoin pour se constituer en État mais elle restera dominante et, en tout cas, souveraine, soyons en assurés. Macron n’y changera rien.
Le délitement structurel du couple franco-allemand obère donc l’avenir de l’U.E. au moins autant que la montée des populismes dans presque tous les pays de l’Union.
Du reste, si le fossé se creuse entre la France et l’Allemagne, il se creuse aussi entre cette dernière et ses voisins de la Mitteleuropa : Autriche, Hongrie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, etc. En gros, d’ailleurs, l’ex-empire des Habsbourg en quelque sorte reformé. L’Europe bruxelloise craque aussi à l’Est …
Que l’on ne se méprenne pas : ce rejet ne vaut pas hostilité à l’Europe en tant que telle. Il y a, à vrai dire, au sein des peuples européens, fort peu d’opposants à l’idée d’Europe en soi. Au contraire. Le reproche des peuples est bien plutôt dirigé contre le cosmopolitisme, l’universalisme, le multiculturalisme, le libre-échangisme sans frein ni limites de Bruxelles. En matière de politique migratoire comme en matière d’ouverture de l’Europe aux quatre vents du mondialisme économique et financier. A bien y regarder, ce qui est reproché aux instituions de Bruxelles est bien plutôt de n’être pas vraiment, pas assez, et même fort peu européennes. Les nations d’Europe veulent simplement rester elles-mêmes, conserver leur souveraineté, leur identité, et ne pas être envahies de migrants. Mais, sur ces bases, elles restent ouvertes à une Europe des nations ou, plus précisément, des États. Ce chemin respectueux et réaliste reste ouvert. Ainsi pourrait se définir une nouvelle politique européenne de la France. Il est même possible qu’elle finisse par s’imposer d’elle-même – da se – comme la solution réaliste, le recours obligé. Nonobstant Macron, le fédéraliste.
En même temps, l’irruption de Donald Trump sur la scène internationale semble sonner aussi le glas de la mondialisation programmée et paisible dont Jacques Attali avait transmis naguère le rêve à Emmanuel Macron. Trump est en train de briser la ligne imaginaire de cet horizon qu’Attali avait dit indépassable au jeune Macron. Sens de l’Histoire oblige. Attali a toujours attendu l’avènement d’une gouvernance mondiale. Trump renoue à l’inverse avec le protectionnisme et déchire les traités signés par son prédécesseur. Ses discours martiaux, ses drôles de gesticulations et de mimiques le font parfois ressembler à une sorte de Mussolini yankee, qui eût été le chef de la première démocratie du monde … Mais laquelle ?
Hubert Védrine signale au contraire, il nous semble à juste titre, que cette évolution des États-Unis d’Amérique – America first ! – ne tient pas essentiellement à la personnalité de Donald Trump lui-même mais plutôt à une sorte d’État profond américain qui aspire à restaurer sa puissance. Fût-ce au détriment de ses amis et alliés européens. Les nations, on le sait bien, n’ont pas d’amis ; elles ont des intérêts.
Trump met ainsi l’Europe au pied du mur – sous le joug américain dans l’affaire iranienne. Il la révèle à elle-même : malgré sa cohésion de façade, l’Europe n’est pas une puissance. Parce qu’elle n’est ni un seul peuple ni un Etat. Seulement une communauté de civilisation. Ce n’est pas la même chose. Emmanuel Macron s’obstine à le nier. En vain.
Ni Maurras ni De Gaulle ne s’y sont trompés : nous ne sommes pas encore sortis de l’ère des nations. Tant s’en faut. ■
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Ne nous faisons pas d’illusion
Le fameux « couple franco allemand » n’a jamais existé ! C’est une construction utopique des européistes béats. C’est un élément de langage. Entre la France et les allemands les intérêts sont totalement divergents
N’oublions jamais que la France est profondément socialiste et marxiste, ce qui explique sa situation
Quant aux oligarques mondialistes , ils ne lâcheront rien. Ils préféreront nous précipiter au fond du gouffre, dans l’espoir de rebondir, plutôt que de renoncer à leur projet mortifère.