Jean Raspail fut pour nous, pour notre génération de militants royalistes, de cadres de l’Action Française, beaucoup plus qu’un ami, terme qui n’est souvent qu’une artificieuse facilité de langage à force d’être utilisée. À tout propos. Raspail, homme profond sous son apparente désinvolture, son élégance détachée des conventions, nous l’avait dit en vérité en conclusion de l’entretien qu’il avait donné à Je Suis Français en février ou mars 1978 : « J’avais l’impression d’être chez moi quand je suis allé aux Baux. J’étais dans ma famille, tout au moins dans une partie de ma famille. Moi, un Roi me conviendrait parfaitement. »
Vladimir Volkoff devait d’ailleurs nous dire à peu près la même chose et dans des termes presque identiques, trente ans plus tard, toujours aux Baux, en juin 2005, la dernière fois que nous l’avons vu : il devait mourir en septembre. Peut-être serait-il utile que les jeunes générations royalistes sachent que l’Action Française d’alors a entretenu des liens de cette sorte avec des hommes de cette qualité. Elles ont ou elles auront les leurs. Raspail et Volkoff ne se sont pas dits nos amis. Bien mieux : ils se sentaient, ils étaient de la famille. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
Au moment où Raspail nous quitte pour ce qu’il considérait comme le vrai Royaume, les hommages vont se succéder. Son talent de romancier, ses succès littéraires, qui furent grands, ses fulgurances prophétiques qui ne manqueront pas d’être utiles en ces temps d’invasion migratoire et des plus radicales menaces pesant sur notre civilisation, il ne nous paraît pas que ce soit, pour nous, l’instant de les évoquer.
A cette heure, nous le revoyons parmi nous, ou nous à ses côtés, dans la poussière des Baux de Provence, sous le mistral du Val d’Enfer, où rode la poésie de Mistral, la poésie d’un vieux peuple jadis fier et libre du genre qu’aimait Raspail. Il déployait dans ce décor d’exception, avec une extrême élégance, ses dons oratoires qui soulevaient les intelligences et les enthousiasmes.
Nous le revoyons encore à Senlis et Chantilly, au mariage du prince Jean, très fier d’être là dans son uniforme de peintre de marine. Une survivance de l’Ancienne France.
Lorsque les Princes sont venus au rassemblement des Baux de Provence, en juin 2002, le signataire de ces lignes lui avait téléphoné pour l’y inviter. Il revenait, fatigué, fourbu, de méchante humeur, de l’un de ces lointains voyages où il allait chercher matière à son inspiration romanesque ; il dut décliner, navré. Nous ne l’avons revu que sept ans plus tard au mariage du Prince Jean.
Il lui avait donné sa confiance. Jadis, on eût dit sa foi. Ce qui revient au même mais en bien plus fort. Cette foi, Il la lui a redite jusqu’en ses écrits les plus récents.
Raspail était un preux, tout droit sorti de notre plus lointaine Histoire ; un preux doué des plus vastes talents personnels.
En ce sens, dire qu’il n’est plus n’a pas grande signification. G.P. ■
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(Idem pour les photos, textes, vidéos, propriétés de JSF ou de l’Union Royaliste Provençale)
Bravo pour ce texte. Demain à Toulouse nous ferons une évocation de celui qui, plus que tout autre, contribua à réveiller ceux de ma génération. Grâce à lui nous avons osé jeter un regard lucide sur le monde qui nous entoure, sans pour autant rejeter par cynisme l’idéal de notre jeunesse.
Jean Raspail comme Volkoff manquera cruellement ..tant par sa personnalité que son œuvre et sa formidable prévision du monde qui nous entoure…sauf qu’il ne s’agit pas vraiment de « camp des saints » mais de gens organisée obéïssants a une idéologie.
Les victimes d’hier seront les bourreaux de demain .
C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris le décès du cher Jean Raspail mais sa présence, à travers ses romans continuera à nous accompagner et nous continueront à cheminer avec lui sur les traces de ce rêveur que fut Antoine de Tounens, à la recherche d’un monde meilleur que cet âge de fer dans lequel nous vivons. Nous n’oublierons pas la profonde compassion dont il fit preuve à l’égard de ces peuples disparus, Alakalufs, Yamanas qui vécurent une vie dure et fière dans les confins de la Patagonie et de la Terre de Feu. RIP cher Jean Raspail.
Encore un grand Monsieur qui s’en va rejoindre au Paradis d’autres Grands Hommes, qui furent ses amis. Mes condoléances attristées à sa famille
Qu’on me permette de relater trois souvenirs personnels de mes rencontres avec Jean Raspail, rencontres diverses et fécondes dont la variété montre aussi qui était notre ami.
* pour le mensuel « Je suis Français », nous avons engagé une série de rencontres avec des personnalités littéraires ou politiques. Jean Dutourd a été le premier interviewé. Jean Raspail a tout de suite répondu à notre demande de le rencontrer et François Davin et moi sommes allés chez lui, rue Henri Rochefort, dans le 17ème arrondissement en fin de matinée. Accueil chaleureux, très amical pour les (encore) jeunes gens que nous étions. L’entretien est paru dans le n°7 de JSF, en février 1978.
* la « Paulée » de Meursault est la troisième des « Trois Glorieuses » de Bourgogne, succédant le lundi à un grand Chapitre du Tastevin au Clos de Vougeot (le samedi) et à la Vente traditionnelle des Hospices de Beaune (le dimanche). Les vignerons de Meursault ont eu l’excellente idée de décerner un prix littéraire annuel qui, en 1988, est attribué à Jean Raspail. J’ai été quelques mois plus tôt nommé sous-préfet de l’arrondissement et j’assiste naturellement à cet immense banquet de plusieurs centaines de personnes où les vignerons et négociants se disputent le plaisir d’apporter et de faire déguster leurs meilleures et plus anciennes bouteilles. Assis à côté de Jean Raspail, je me fais reconnaître de lui, lui rappelle notre rencontre de 1977 et nous passons plusieurs heures à deviser sur vingt sujets…
* le 20 janvier 1993, je suis parmi les milliers de Français qui affluent à Saint Denis pour participer à la messe d’expiation, à la veille du deux centième anniversaire de l’assassinat. Sortant du métro, je tombe sur Jean Raspail… qui me reconnaît et m’entraîne au bistro – car nous sommes en avance – avant de prendre place au premier rang de la basilique, puisqu’il co-préside avec le duc de Beaufremont, le comité de commémoration…
Souvenirs d’un grand écrivain, donc, mais aussi d’un homme d’une amabilité, d’une simplicité de manières et d’une classe exceptionnelles.
J’apprends avec tristesse le décès de Jean Raspail que j’ai eu l’honneur de rencontrer, la dernière fois au 20 ans du prix Bergot dont nous avons été membres du jury tous les deux. J’appréciais particulièrement son engagement et ses livres. Il m’avait dédicacé deux de ses livres qui me touchaient particulièrement: » Secouons le cocotier » que j’avais lu avec délices quand j’étais lieutenant à Fort-de-France et « En canot sur les chemins d’eau du roi » où sont impliqués mes ancêtres québécois et louisianais mais aussi le livre écrit avec Alain Sanders sur mon compatriote « Armand de la Rouërie ».
Général (2S) Patrick Jardin
Salut à Jean Raspail!
Merci cher G. P. du bel hommage à notre ami Jean Raspail
Je l’avais connu alors que j’étai un jeune étudiant durant les années 1970, un an après la parution de son prophétique Camp des saints. Il avait accepté de collaborer à la revue La Pense nationale que j’éditais à l’époque, puis il nous avait reçus à Boulouris à plusieurs reprises.
Nous nous sommes revus régulièrement pour constater que nous étions chaque année un peu plus monarchistes. C’était notre vraie complicité.
Vive le Roi donc !
Charles Saint-Prot