Par Guilhem de Tarlé
Le Petit-Maître corrigé, théâtre au cinéma, une comédie en prose de Marivaux, mise en scène à la Comédie française par Clément Hervieu-Léger, avec Clément-Hervieu-Léger (Dorante), Loïc Corbery (Rosimond, le jeune marquis), Christophe Mortenez (Frontin, son valet), Claire de la Rüe du Can (Hortense), Adeline d’Hermy (Marton, sa servante), Florence Viala (Dorimène), et Dominique Blanc (la marquise, mère).
Après le débat sur la fidélité dans Mes Provinciales, il se trouve que Frontin revient sur ce sujet pour opposer la province et Paris, où « la fidélité n’est point sauvage (mais) galante, badine, qui entend raillerie, et qui se permet toutes les petites commodités du savoir-vivre (…) Je trouve sur mon chemin une personne aimable (…) je lui dis des douceurs, elle m’en rend ; je folâtre (…) la fidélité conjugale n’y est point offensée »…
Cette opposition entre les « bobos » parisiens de la première moitié du XVIIIe siècle et la noblesse provinciale constitue le sujet de la pièce de Marivaux, et l’on peut comprendre son « four » lors de la première représentation en 1734 (et dernière jusqu’à notre époque) à la Comédie française, tellement la société urbaine y est expressément ridiculisée.
Disons-le tout net, cette pièce, emberlificotée, est plutôt médiocre malgré son vocabulaire (une gasconnade, ce faquin), certaines expressions (A vue de pays, sa dignité de joli homme), des répliques « piquantes » et quelques échanges jouissifs qui fleurent bon l’ancienne France : Frontin (qui) est le singe de Rosimond parle de son original (…) on attrape toujours quelque petite fleurette en passant (…) A Paris les cœurs on ne se les donne pas, on se les prête (…) nous avons lié une petite affaire de cœur ensemble (…)une vapeur d’amour – une vapeur se dissipe.
Je n’ai, non plus, pas aimé la mise en scène qui fait courir les acteurs en permanence d’un bout à l’autre du plateau, lorsqu’ils ne se jettent pas par terre l’un sur l’autre. Je parlerais donc volontiers d’une « bonne » soirée plutôt qu’excellente.
Que dire ensuite des différents personnages ?
Hortense, d’abord, tellement « aimable », nous déçoit à la fin par sa façon d’utiliser Dorante, pour lui reprocher ensuite d’avoir voulu « profiter des fautes de (son) ami » ; on se demande en outre comment elle peut aimer ce « ridicule » de Rosimond.
J’ai, pour ma part, considéré comme exagérées les « ridiculités » de ce marquis, avec son rire glapissant, stupide – pour ne pas dire autre chose – qui rappelle celui de Mozart dans Amadeus.
Dorimène tient bien son rôle, mais les deux seuls personnages véritablement attachants sont la servante et le valet qui jouent particulièrement bien, et l’on s’amuse énormément à écouter Frontin « de la promotion de Lisette ».
Cette pièce, pour conclure, malgré son mariage arrangé (quoique ?) me paraît totalement d’actualité qui met face à face les Macron parisiens et les provinciaux ; elle illustre, en outre, le combat permanent que le péché originel – l’orgueil – fait à l’amour, et la victoire finale de celui-ci. •
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.