PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue hier dans Le Journal de Montréal. Nous la reprenons comme bien d’autres depuis assez longtemps, de cette publication d’Outre-Atlantique où Mathieu Bock-Coté semble s’ébrouer avec une liberté et une simplicité de ton peut-être plus grandes qu’à Paris. La visite du Pape au Canada est commentée ici dans un esprit évidemment québécois et même nationaliste québécois, naturellement hostile au colonialisme britannique et à ses alliés. La France elle aussi, en tant que telle, s’est opposée à la puissance anglaise au Canada comme ailleurs. Du point de vue de l’Histoire, Mathieu Bock-Côté s’efforce et nous convie à l’objectivité, y compris s’agissant du rôle de l’Église catholique, laquelle dans l’ordre humain et politique, n’est jamais exempte d’erreurs et de manquements. On jugera, commentera, s’il le faut.
La visite du pape François occupe tous les esprits.
Ce n’est pas qu’un voyage diplomatique parmi d’autres que vient faire le pape. Il le présente plutôt comme un « pèlerinage pénitentiel ».
Le chef de l’Église catholique vient demander pardon aux Amérindiens du Canada. La politique des pensionnats autochtones est une tache indélébile dans l’histoire canadienne.
D’abord : à cause des abus qui y ont été commis.
Abus
Mais aussi parce que cette politique visait explicitement à arracher les Amérindiens à leur propre culture.
En se laissant instrumentaliser par le gouvernement fédéral, autrement dit, par le pouvoir canadien-anglais, l’Église a trahi sa mission et collaboré à une entreprise contraire à sa vocation.
Car on a tendance à l’oublier, mais c’est le génie de l’Église catholique d’avoir normalement su respecter et même épouser la culture et l’identité des peuples qu’elle convertissait. C’est ce qu’elle n’a pas fait au Canada.
Mais on ne comprendra rien à cela si on fait de l’Église la figure principale de cette triste histoire, et si on oublie, comme je le disais, qu’elle fut instrumentalisée par le pouvoir canadien-anglais, indissociable, évidemment, de l’idéologie qui inspirait l’Empire britannique.
Pour ce dernier, les peuples conquis ne pouvaient survivre que sur le mode folklorique.
L’empire s’installe, il exerce sa souveraineté, il refoule toujours plus loin les peuples conquis, et s’il n’est pas ou plus possible de le faire, il les enferme dans des réserves où ils seront condamnés à la survivance ethnique et folklorique.
L’histoire des peuples qui ont subi la tutelle britannique est tragique.
On parle ces jours-ci des Amérindiens, mais on pourrait aussi penser aux Irlandais. Et aux Canadiens français, qu’on appelle aujourd’hui les Québécois.
Évidemment, ces histoires ne sont pas interchangeables. Certaines sont plus tragiques que d’autres.
J’ajoute que l’Église catholique, dans les trois cas évoqués, a joué un rôle plus complexe qu’on ne le dit.
Dans le cas des Amérindiens, s’il faut dénoncer la politique des pensionnats, on rappellera qu’elle ne saurait suffire pour définir ce rôle et cet héritage. On trouvait aussi chez les missionnaires catholiques une authentique générosité et curiosité, comme en témoignent les Relations des Jésuites, qui nous permettent de remonter aux origines de la colonie, avant l’arrivée des Britanniques, justement.
Dans le cas des Irlandais, le catholicisme s’est constitué en noyau identitaire pour résister à la domination britannique, même s’il a favorisé un conservatisme social exagéré qui a longtemps pesé sur le pays.
Tragique
Dans le cas des Canadiens français, le catholicisme a joué un rôle central dans leur survivance. Il fut longtemps un pilier identitaire. Elle fut essentielle à notre résistance. Mais l’Église a aussi collaboré avec les Britanniques et a servi, à sa manière, de courroie pour amener les Canadiens français à consentir à leur soumission, à leur subordination.
Cela nous rappelle une chose simple : l’Église est une institution humaine, pour cela imparfaite, pour cela condamnée au péché. Il est bien qu’aujourd’hui, elle demande pardon. Il n’est pas inutile de se rappeler non plus qu’elle n’a pas fait que du mal. ■
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Sélection photos © JSF
Une chose qui me paraît incompréhensible est l’effondrement du catholicisme au Canada. Alors que, jusqu’aux années 1970, il était un lien structurant pour les Québécois, présent à tous les niveaux de cette société, carrément intouchable, véhiculant une fidélité efficace à la France traditionnelle, riche d’innombrables mouvements de jeunesse et respecté par le pouvoir anglo-saxon, en à peine dix ans, il s’est évaporé et ne s’exprime plus que dans des protestations auto-flagellantes sur sa participation à « la grande noirceur », comme la Gauche au pouvoir appelle la période Duplessis. Si quelqu’un peut m’éclairer, j’en serais heureux.
Je suggère l’hypothèse d’un retour de balancier : l’Eglise s’étant montrée très sévère, il était logique que l’on en vînt à la rejeter un jour où l’autre.
Les effets néfastes des délires idéologiques de « l’école de Francfort », exilée au Etats -Unis en 1945, sont plus avancés dans les pays anglo-saxons. Mais n’ayez crainte, la tyrannie des minorités s’exercera également chez nous. Et la France, fut-elle la « fille ainée de l’église subira le même sort que le Canada.
Ne fut ce , outre l’aspect religieux , un moyen de faire survivre son identité que la ferveur catholique en Pologne , comme en Irlande au temps de leur assujettissement par d’autres nations ? Quid du Quebec? Le voisinage des EU , leur immigration massive , leur progressisme , leur wokisme , ça fait beaucoup et il ne leur restera , c’est à craindre pour le moyen terme , que la neige , la forêt comme identité .
Il me semble avoir lu que le catholicisme québécois était d’une austérité si folle qu’il ne pouvait qu’être à la longue rejeté : morale sexuelle aberrante à base d’absence de tout contrôle des naissances (couplée avec de nombreux viols commis par des ecclésiastiques), patronages autoritaires quasi militarisés, refus de regarder en face les évolutions du monde..;
L’Italie – certes encore très religieuse – connaît une crise démographique aussi grave ; de quoi s’est mêlée l’Église pour un des moins raves (avec la gourmandise) des péchés capitaux ?