Georges Bush est venu en Albanie tenir des propos surprenants et incorrects, et pour tout dire dangereux et condamnables: comme un trublion mal élevé et sans aucune retenue, il a appelé les Albanais a déclarer tout de suite l’indépendance du Kosovo, sans tenir compte de l’opposition de la Russie! Pour qui se prend-il, et de quel droit agit-il ainsi ? Il n’est pas président de l’Europe, et que dirait-il si un président d’un pays d’Europe allait au Vénézuela, en Bolivie (ou n’importe quel autre pays d’Amérique…) pour appuyer Chavez ou Morales ? Approuver leur politique et dire à ces pays ce qu’ils doivent faire ?
On peut constater avec un peu d’amusement qu’il vient d’inventer une sorte de « doctrine Monroe à l’envers », au moins en ce qui concerne deux points de cette doctrine: on sait qu’en 1823 James Monroe, président des États-Unis, formula un ensemble de principes de politique étrangère, déclarant entre autre que toute tentative des puissances européennes pour étendre leur influence sur le continent américain serait regardé par les États-Unis comme une menace pour leur sécurité et pour la paix; et que les États-Unis n’interviendraient pas dans les guerres opposant des États européens. Monsieur Bush re-écrit en quelque sorte deux articles de cette doctrine: il fait chez les autres, en l’occurence en Europe, ce qu’il ne veut pas qu’on fasse chez lui, en Amérique; et surtout, ce qui est beaucoup plus grave, il prend parti dans une affaire inter-européenne, et ce d’une façon guerrière et belliqueuse; en va-t-en guerre dangereux, en apprenti-sorcier qui joue les boutefeu, il pousse les Albanais à un acte propre à embraser de nouveau la poudrière des Balkans: il est stupide ou il le fait exprès ?
On voit les résultats calamiteux de la « politique » (!) menée par Bush en Irak (mais en est-ce une ?…): il semble que l’expérience ne lui profite pas !….Pour en revenir à ses déclarations tonitruantes et déplacées de Tirana, il est allé jusqu’à affirmer: « Nous allons travailler avec les diplomates russes et européens pour trouver une solution. Et, si cela n’arrive pas, alors nous dirons: Ca suffit ! L e Kosovo doit être indépendant. » C’est la raison du plus fort à l’état pur (que les Romains traduisaient par cette expression « quia nominor leo »). Avec un cynisme et une mauvaise foi renversantes, Georges Bush condescend à concéder qu’il veut bien discuter, mais en annonçant tout de même que le résultat des discussions est connu d’avance ! A quoi sert-il donc de discuter ?
A Guantanamo, il a institué une zone de « non-droit » unique au monde, se moquant éperdument des protestations nationales et internationales: et nul ne peut rien faire à propos de cette base états-unienne, située dans la zone d’influence géographique directe des USA. Mais ici, en Europe, nous devons et nous pouvons faire en sorte que ne se reproduise plus jamais l’aberration qu’a constitué cette visite et les déclarations auxquelles elle a donné lieu: plutôt que de s’enliser dans des pratiques technocratiques, ou des discussions aberrantes avec la Turquie, au boulot, messieurs les « politiques » !…
Le politologue allemand Carl Schmitt a parfaitement mis en lumière la nécessité pour une puissance dominante d’imposer un ennemi de son choix à ceux qu’il domine. Il importe donc pour les USA d’envenimer autant que possible les relations avec la Russie pour maintenir son hégémonie. Cela dit, cette attitude ne se limite pas à Poutine. La même observation peut être faite, ne vous en déplaise, pour l’Iran. En effet, le programme de montage d’usines d’enrichissement de l’uranium a fait l’objet d’un traité international avec la France peu avant la chute du Shah. Le régime des mollahs successeur de la monarchie iranienne demande donc l’application de ces accords, qui lui est refusée par l’occident aux ordres des USA pour des motifs inacceptables, à savoir que la république islamique est un régime non démocratique, et qu’Israël doit rester seul à posséder l’arme atomique. Je dirai donc sans provocation aucune, que l’Iran porte actuellement seul le flambeau de l’indépendance des nations. Il faut espérer qu’après avoir engagé son pays dans une guerre insensée en Irak, Bush ne va pas chercher à nous impliquer dans une guerre encore plus hasardeuse, et contraire, non seulement à nos intérêts, mais même à notre existence.