Par Phidias
Cette réflexion fort utile et fort bien conduite est reprise des commentaires de JSF [15.06] où elle a fait suite au Lundi de Louis-Joseph Delanglade Les menaces de M. Trump auquel on pourra se reporter. Elle apporte d’intéressants compléments et des rappels historiques éclairants. Remerciements !
Basculement stratégique
Le Droit International n’est pas un Droit de type régalien appuyé sur le recours à la force, mais le résultat d’un consensus qui ne tient que par la volonté des participants d’en respecter les principes.
On parle plus volontiers dans ce domaine, d’arbitrage – au demeurant fort utile dans bien des cas – que de décision de justice.
Le Droit pénal, qui n’est autre que l’expression de la volonté politique des Etats, à un moment donné, en est le privilège, ajoutant au concept de la responsabilité celui de la culpabilité.
Il est de toutes les formes de Droits celui le moins partageable avec d’autres.
La CPI fut le résultat d’une volonté politique, principalement US, après la Seconde Guerre Mondiale de mettre sur pied une forme organisationnelle pour juger les responsables nazis, afin de les faire condamner pour génocide.
On remarquera avec intérêt la limitation géographique de sa compétence à l’époque, qui s’arrêta au front européen, avec le procès de Nuremberg, mettant ainsi en relief le caractère non-mondial de ses réelles attributions.
Le nouvel élan pris après la victoire de 1945, par les Institutions internationales pour créer un ordre planétaire sous l’égide des Nations Unies devait conduire dans l’esprit de ses concepteurs sous le contrôle de l’OTAN, à remplacer la défunte SDN, en créant une forme de multilatéralisme américain, en fait un contrôle commercial de l’Europe par l’EU, et de la zone pacifique, avec un Japon sous tutelle.
Le contrôle du pétrole était alors directement assumé par la puissance US, à travers ses relations bilatérales étables depuis 1943 avec la famille régnante d’Arabie saoudite.
L’évolution de cet ordre a été logiquement modifiée par l’effondrement de l’URSS, l’émergence de la Chine, de l’Inde, et de la Russie, qui ont créé les conditions d’une recomposition du pouvoir international au détriment de la puissance et des intérêts US.
La dérive naturelle des formes administratives institutionnelles tendant à favoriser leur survie plutôt que leurs objectifs, celles-ci tendent à être aujourd’hui redirigées par les compétiteurs des Etat Unis d’Amérique vers une réduction du pouvoir de ces derniers, afin de les contraindre aux règles établies à l’origine pour les servir.
Elles sont donc devenue inutiles, voire nuisibles, aux yeux de leur créateurs, pour qui elles n’ont jamais été une fin en soi, mais un moyen de diffuser leurs idées, leurs conceptions à travers leur puissance commerciale et militaire. Pragmatiques, les USA ont privilégié une domination de plus de 75 ans sur le monde par le consensus et le Droit assis sur la puissance, quand dans la même période l’URSS n’a pu se maintenir par la contrainte politique, policière et militaire.
Les évolutions géopolitiques qui président aujourd’hui au nouvel affrontement de blocs, les portent à tourner la page, en supprimant les scories d’un ordre défunt, pour ajuster leur dispositif mondial aux nouvelles contraintes internationales.
La CPI, comme d’autres organismes, est entrée dans le déclin de sa raison d’être, jusqu’à l’insignifiance, pour le temps d’une recomposition stable de l’ordre mondial qui conduira les grands joueurs à la ressusciter, pour à nouveau les servir, et tout le monde paraîtra ravi de faire semblant d’y croire. ■