Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
L’hommage que Mme Le Pen a voulu rendre à de Gaulle le 17 juin (puisque tout avait été combiné pour saboter sa venue sur l’île de Sein prévue, évidemment, le 18) n’a en soi rien de choquant.
Après tout, n’importe quel Français aurait bien pu en faire autant. Choquant, en revanche, le concert de critiques que cela lui a valu. Jusqu’à se voir accusée de tentative de « captation d’héritage ». Mais pouvait-il en être autrement ? A droite, les autoproclamés « héritiers du gaullisme » ne sont que les membres d’une faction et n’ont plus de gaulliste que l’étiquette ; quant à la gauche bien-pensante, elle a oublié comment elle a accueilli le retour au pouvoir de De Gaulle puis l’a vilipendé pendant la décennie où il a exercé la fonction de chef de l’Etat.
Au demeurant, l’erreur de Mme Le Pen est plutôt d’avoir voulu, une fois de plus, en faire trop. A quoi bon ce qui ressemble à une gesticulation politicienne et serait perçu forcément comme une provocation de plus de la part de la famille Le Pen ? Une intervention plus mesurée, plus argumentative que polémique, eût mieux fait l’affaire, d’autant qu’à force d’en rajouter, elle va finir par laisser penser qu’elle est vraiment gaulliste, ce qui, pour le coup, pourrait la mettre en porte-à-faux avec une partie de son électorat historique.
En tout cas, l’occasion était belle pour M. Macron de se démarquer, en assumant simplement ses prérogatives de chef de l’Etat. Or, s’il a bien célébré, à Londres et le 18 juin, le fameux appel de 1940, c’est un mois après sa commémoration du quatre-vingtième anniversaire de la bataille de Montcornet et moins de quatre mois avant le 9 novembre prochain, date où il sera présent pour le cinquantenaire du décès de De Gaulle. On se risque à lui conseiller de ne pas oublier que, le 22 du même mois, on fêtera les cent trente ans de la naissance du grand homme ! Cela fait beaucoup et on ne peut s’empêcher de penser que M. Macron surjoue son rôle et pourrait être, lui aussi, suspecté de « récupération » bassement politicienne. Il a d’ailleurs commis la faute en ces circonstances de critiquer Mme Le Pen (Le Figaro, 18 juin), se mettant dès lors ouvertement au même niveau qu’elle : celui d’un candidat à sa propre succession.
Du coup, les gardiens du temple ont eu beau jeu de les renvoyer dos à dos : celui-ci comme « fédéraliste européen, ami des banques et de Bruxelles », celle-là comme « héritière d’une tradition d’une extrême-droite anti-gaulliste » (Le Point, 19 juin). Donc, gaulliste ni l’un ni l’autre ? Sans doute mais peu importe. Il y a du vrai dans ce qui n’est peut-être qu’une boutade de Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 18 juin) : « Quand tout le monde est gaulliste, c’est que plus personne ne l’est. » Pour les consoler, on leur rappellera que, de toute façon, de Gaulle n’aimait pas ce qualificatif. Certains lui préfèrent d’ailleurs celui, plus politique que politicien, de « gaullien ». Les principales connotations du terme (rassemblement, résistance, indépendance, souveraineté, exécutif fort, etc.) sonnent comme un écho au grand dessein capétien qui porte le beau nom de France.
Or, pour approuver ce souffle politique gaullien, on n’est pas obligé, en étant gaulliste, de tenir le personnage quitte de tous ses actes et mesures (ainsi des conditions déplorables et humiliantes dans lesquelles se fit l’indépendance de l’Algérie). De Gaulle est un des grands hommes de ce pays qui en compte beaucoup d’autres : il appartient à l’Histoire et à la France. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
De gaulle, né en 1890 aurait eu 130 ans en novembre prochain et non 150. ne nous vieillissez pas de 20 ans, pour cela nous avons Macron, c’est, hélas bien suffisant.
Hors cette légèreté chronologique excusable, soyez remercié pour cette analyse.
Michèle Montigny