PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cet article est paru dans Le Figaro de ce samedi 26 novembre. Il procède par questions posées plus que par affirmation(s). Méthode qui n’est certes pas à rejeter. Néanmoins, il faut ensuite trancher. Et dans le cas présent, il s’agit de peser le poids de la France historique en regard de la vague migratoire massive et déferlante qui vient l’altérer. Et là se pose rien d’autre que le problème de notre survie.
CHRONIQUE – Un détour par les États-Unis et, plus largement, par l’Amérique du Nord, permet de voir de quelle manière ces statistiques éclairent en effet la société, mais déforment aussi sa représentation.
L’écart entre la nationalité administrative et l’identité historique du pays se creuse, la première se vidant de sa substance, la deuxième ne parvenant plus à se nommer ou se percevoir autrement qu’à la manière d’un résidu illégitime
La querelle qui toujours revient sur les «statistiques ethniques» témoigne, quoi qu’on en pense, d’un certain blocage du débat public français. D’un côté, les défenseurs de «l’universalisme» y voient une forme de reconnaissance administrative de déterminismes ethniques contraires à la logique républicaine. De l’autre, se coalisent en leur faveur à la fois une gauche y voyant un instrument privilégié pour assurer la promotion de la diversité, et une droite y voyant un outil nécessaire pour documenter lucidement les changements démographiques et les effets réels de l’immigration sur le pays.
Un détour par les États-Unis et, plus largement, par l’Amérique du Nord, permet de voir de quelle manière ces statistiques éclairent en effet la société, mais déforment aussi sa représentation. Ainsi, il y a un mois, la Cour suprême s’est penchée sur les politiques de discrimination positive dans certaines grandes universités du pays, notamment Harvard. Elle rendra son arrêt en 2023. À l’origine de ces politiques, on le sait, se trouvait le désir d’assurer la promotion de la communauté noire, marquée par les stigmates de la ségrégation. Mais la logique «antidiscriminatoire» bascule rapidement dans celle du privilège ethnique et on a vu les communautés réclamant un passe-droit « antidiscriminatoire » se multiplier, alors qu’aucune d’entre elles n’avait la situation spécifique des Noirs américains.
Aujourd’hui, elles sont contestées à partir d’un angle qui en surprend plusieurs. Ce sont les étudiants asiatiques, et non plus seulement les Blancs, qui s’en plaignent. Leur argument se laisse aisément deviner: l’exigence de représentation des différentes communautés selon leur poids reconnu dans la population transforme dans les faits les individus en chair à quota, en plus de laisser croire que toute disparité statistique dans la représentation des communautés serait le fruit d’une structure discriminatoire. Or, sur une base individuelle, les Asiatiques se distinguent par des résultats scolaires exceptionnels. Ils sont dès lors victimes de ces politiques, qui les force à une forme de sous-représentation dans les grandes universités, pour ne pas dépasser leur poids dans la population.
On ajoutera une chose: ces politiques qui se voulaient à l’origine temporaires se sont institutionnalisées et sont au cœur d’une bureaucratie diversitaire qui ne cesse de trouver des raisons de s’étendre – car on a rarement vu une bureaucratie en arriver à la conclusion que son temps de vie utile est terminé. Mais on peut aller plus loin : de quelle manière opérer une découpe administrative et statistique optimale ? Faut-il y aller selon la nationalité d’origine, selon le groupe ethnique, selon la « race » des uns et des autres ? Les catégories « arabe » ou « latino » ne viennent-elles pas racialiser des populations en tenant pour négligeable les nationalités d’origine ?
Par ailleurs, dans la mesure où l’État institutionnalise ces catégories, il pousse les individus à modeler leur conscience collective à partir d’elles. Il favorise la conscience ethnique chez des individus et les pousse à miser sur ce communautarisme militant pour prendre l’ascenseur social, plutôt que sur les vertus de la méritocratie. L’État, en institutionnalisant des statistiques ethniques, ne se contente pas de représenter la société: il peut aussi modifier la représentation qu’elle a d’elle-même et normaliser administrativement la logique communautariste.
Et pourtant, tout n’est pas dit. La France connaît aujourd’hui une mutation démographique majeure. L’immigration massive transforme la composition de sa population, au point où on peut s’attendre à ce que la référence officielle à la France n’ait plus, dans quelques décennies, qu’une relation lointaine avec le peuple historique français. L’écart entre la nationalité administrative et l’identité historique du pays se creuse, la première se vidant de sa substance, la deuxième ne parvenant plus à se nommer ou se percevoir autrement qu’à la manière d’un résidu illégitime. Mais cette réalité ne peut être nommée aujourd’hui sans risquer les pires accusations.
On comprend dès lors que la question des statistiques « ethniques » ne devrait pas se laisser enfermer dans une querelle caricaturale. Il ne devrait pas être interdit de documenter le poids des populations issues d’immigrations dans les différentes villes de France. De même, le lien, désormais reconnu, entre la délinquance et l’immigration (il serait encore plus élevé, si on tenait compte de la part de certains Français issus de l’immigration récente dans la délinquance), longtemps nié, et même censuré, est désormais reconnu, comme si le poids du réel rendait ridicule le déni d’hier. Il n’est pas interdit de croire que ceux qui s’y opposent le plus le font par peur de ce qu’elles révéleraient de l’état de la France. Le véritable problème est peut-être là. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Mathieu Bock- Côté a le mérite de la lucidité et pose les bonnes questions . Pour ce qui est de trouver des solutions , c’et une autre affaire : au point ou l’on en est arrivé , même un régime autoritaire qui voudrait résoudre se verrait mettre des bâtons dans les roues et pas seulement par les gauchos : le Patronat a besoin de main d’oeuvre et il est plus facile de faire travailler à moindre coût des immigrés que des français originels ; il est aussi fait référence aux « valeurs » de la République ; les femmes Françaises ne veulent (ou ne peuvent) prendre en charge des familles avec plus de deux enfants depuis qu’elles sont au travail en extérieur (Ce sont donc des femmes voilées, femmes au foyer, que l’on voit dans les rues des métropoles, le plus souvent, accompagnées d’enfants)
Et encore ces politiciens qui amusent la galerie avec des discours mais courtisent dans les communes pour récupérer des électeurs d’origine arabo-africaine de plus en plus nombreux
A la clef : délinquance de « jeunes », délitement du système de santé , de l’ Education nationale ; insuffisance des moyens accordés à la Justice (fonction régalienne) et cetera : l’argent qui va vers les dispositifs d’aide aux étrangers n’est plus disponible pour ce qui devrait figurer dans les priorités de l’ Etat .
L’on est sur la pente de la tiers-mondisation , et l’on dira plus tard qu’ on nous a « forcé la main » avec l’acceptation de ce flux ininterrompu de l’Afrique vers le continent européen .