Par Philippe Mesnard.
Quand Jérôme Fourquet, directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » de l’Ifop, parle des Français, il explique que la société française « est fatiguée, elle a encaissé des chocs successifs, la vague de terrorisme, les Gilets jaunes, le premier projet de réforme des retraites, le Covid et maintenant la guerre en Ukraine et Vladimir Poutine qui a ressorti le spectre de l’hiver nucléaire, de la confrontation mondiale ».
Je trouve significatif qu’un observateur mette sur le même plan la guerre nucléaire et la répression policière, la pandémie virale et la casse sociale. Il n’exagère pas, il constate : les Français, pour le dire crument, en ont pris plein la gueule, et c’est l’État français qui a porté plusieurs coups, augmentés par la férocité des commentaires, la brutalité des politiques et le mépris affiché des gouvernants. Fourquet estime que « 30 à 40 % de la population n’est pas sortie indemne de ces chocs successifs ». Et ce n’est pas fini. Il n’y a plus que 37 % des Français à déclarer mettre de l’argent de côté chaque mois contre 54 % en 2010. Voilà la prospérité promise par ceux qui nous vantent l’Union européenne et le Marché mondial – et si ce n’est pas le coup le plus brutal, ce mensonge patent, évident, scandaleux, est celui qui fait le plus mal à ceux qui faisaient confiance. Revenons à l’argent, unique toise que connaît la République. Un tiers des Français est dans le rouge. Et alors que Macron espérait qu’une victoire des Bleus embrumerait les esprits, les Français savent que 2023 signifie hausse des prix, réforme des retraites et factures alourdies. La cocotte chauffe, et le président et ses ministricules ne savent que signer des chèques à l’envi pour éviter la surchauffe. La France a dépassé les 3000 milliards d’euros de dette. 113,7 % du PIB. L’Allemagne est à 67,4 %. Ça n’empêche pas Le Maire de maintenir ses absurdes prévisions de croissance auxquelles la Banque de France elle-même ne veut pas croire.
La menace de “l’ultra-droite”
Fiers de si beaux succès économiques, le gouvernement français s’est attelé à la sécurité, suivant deux axes assez fructueux : accuser “l’ultra-droite” de menacer le pays (on ne compte plus les Français égorgés par “l’ultra-droite”, comme chacun sait), en montant en épingle le complot foireux d’un quarteron de septuagénaires armés d’Opinel, serrer la main des Marocains et des Algériens en expliquant à quel point sont efficaces leurs politiques migratoires communes. Traduction ? Darmanin en Algérie et Colonna au Maroc ont rouvert le robinet à visas (après ceux de la Tunisie fin août), ce qu’ils appellent une « relation consulaire normale ». Est-ce à dire que l’Algérie et le Maroc vont reprendre leurs ressortissants délictueux et criminels en France, ce qui était l’enjeu de leur mise à la diète de visas ? Pas du tout. La France a tenté le bras de fer, elle a perdu. Manu les agite comme un convulsionnaire dans les tribunes du Qatar mais il ne semble pas que ça émeuve le monde arabe et musulman. Vous me pardonnerez l’amalgame, mais tous ceux qui vantaient la possible victoire du Maroc m’ont précédé, sûrement influencés par l’ultra-droite.
Tous contre Twitter ?
Quand les Marcheurs Renaissants ne savent plus quoi faire pour assurer le bonheur de la France, ils se tournent vers le reste du monde, à qui ils apprennent comment bien se conduire. C’est ainsi qu’Elon Musk (sur lequel il faut avoir un avis très réservé) fait l’objet de leurs graves et sévères réprimandes. Il apparaît que se comporter vis-à-vis des Démocrates comme Twitter se comportaient vis-à-vis des Républicains est mal. À l’heure où j’écris, le Premier Amendement de la Constitution états-unienne ne permet pas de condamner Elon Musk ni Twitter. À l’heure où j’écris, le Digital Service Act (DSA) de l’Union européenne, que brandit Thierry Breton, ne permet pas de condamner Elon Musk ni Twitter ; ou alors il le permettra d’ici fin 2023 et à condition que le régulateur irlandais (où Twitter a son siège social européen) accepte de considérer que plusieurs « infractions pénales impliquant une menace pour la vie ou la sécurité des personnes » ont été commises, ce qui entraînera « la restriction temporaire de l’accès des utilisateurs à la plateforme » : on imagine que Twitter frémit. À l’heure où j’écris, la France, en revanche, pourrait ennuyer Twitter. En effet, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, « confortant le respect des principes de la République », donne autorité à l’ARCOM de juger Twitter sans passer par les Irlandais en attendant que le DSA soit effectif. La Commission Européenne a tiqué devant cette affirmation de souveraineté intempestive. Mais la France républicaine a tenu bon. S’il s’agit de laisser les Français se ruiner et les boulangers périr à cause de l’électricité, la République de Macron respectera la Commission et ne fera rien pour sortir du système énergétique européen. S’il s’agit de garder sur son territoire tous les ressortissants étrangers qui menacent nos mœurs, nos finances et nos vies, la République acceptera l’épreuve. Mais s’il s’agit de censurer, alors, là, non ! Non, la République saura être ferme. On a des valeurs ou on n’en a pas. ■
Je pense qu’il vous a échappé que la dette est nécessaire voire indispensable pour faire croire qu’il n’y a plus d’argent pour maintenir un système de protection sociale de haut niveau comme ce fût mis en place à la Libération alors que la France était un pays ruiné, endetté bien plus que maintenant. D’où les si nombreux plans de « sauvetage » de la Sécurité sociale, de l’Hôpital public ainsi que tout le système sanitaire. Des « sauvetages » qui ressemblent à s’y méprendre à des plans de liquidation en douceur desdits systèmes.
Réduire l’endettement ne serait pas si compliqué si cela ne bousculait pas l’économiquement correct depuis 40 ans : remettre en question toutes les réductions d’impôts faites à crédit pour créer l’endettement actuel. Notamment les aides aux entreprises d’un montant annuel de 157 milliards d’euros.