Bien que ce ne soit ni totalement les mots, ni totalement les arguments que nous aurions employés, il nous a semblé intéressant de porter à la connaissance de celles et ceux qui ne l’auraient pas lu le petit billet écrit par Elisabeth Badinter dans le Nouvel Obs, à propos de la burqa.
Nº2331 – SEMAINE DU JEUDI 09 Juillet 2009
Chaque semaine une personnalité nous ecrit
Adresse à celles qui portent volontairement la burqa
Après que les plus hautes autorités religieuses musulmanes ont déclaré que les vêtements qui couvrent la totalité du corps et du visage ne relèvent pas du commandement religieux mais de la tradition, wahhabite (Arabie Saoudite) pour l’un, pachtoune (Afghanistan/Pakistan) pour l’autre, allez-vous continuer à cacher l’intégralité de votre visage ? Ainsi dissimulée au regard d’autrui, vous devez bien vous rendre compte que vous suscitez la défiance et la peur, des enfants comme des adultes. Sommes-nous à ce point méprisables et impurs à vos yeux pour que vous nous refusiez tout contact, toute relation, et jusqu’à la connivence d’un sourire ? Dans une démocratie moderne, où l’on tente d’instaurer transparence et égalité des sexes, vous nous signifiez brutalement que tout ceci n’est pas votre affaire, que les relations avec les autres ne vous concernent pas et que nos combats ne sont pas les vôtres.
Alors je m’interroge : pourquoi ne pas gagner les terres saoudiennes ou afghanes où nul ne vous demandera de montrer votre visage, où vos filles seront voilées à leur tour, où votre époux pourra être polygame et vous répudier quand bon lui semble, ce qui fait tant souffrir nombre de femmes là- bas ? En vérité, vous utilisez les libertés démocratiques pour les retourner contre la démocratie. Subversion, provocation ou ignorance, le scandale est moins l’offense de votre rejet que la gifle que vous adressez à toutes vos soeurs opprimées qui, elles, risquent la mort pour jouir enfin des libertés que vous méprisez. C’est aujourd’hui votre choix, mais qui sait si demain vous ne serez pas heureuses de pouvoir en changer. Elles ne le peuvent pas… Pensez-y.
Elisabeth Badinter
Le Nouvel Observateur
Je trouve ce texte superbe. Il est juste assez affligeant que ce ne soit pas le gouvernement (qui est en quelque sorte le garant de nos valeurs constitutionnelles) qui ait eu l’idée de le dire.
Bravo Mme Badinter !
Désolé de vous contredire TheCélinette, mais la laïcité (qui est une valeur inscrite dans la constitution) ne consiste pas à ne reconnaître que les pratiques religieuses « politiquement correctes », mais à les reconnaître toutes.
Contredisant l’art. 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (à laquelle elle ne manque pas de se référer abondamment dans d’autres circonstances), Mme Badinter par son attitude porte atteinte à la liberté de conscience.
Elle révèle en fait, l’intolérance des ayatollahs du formalisme républicain qui, fidèles à l’esprit des Lumières, assignent comme mission à la société de couper les peuples de leurs appartenances et de leur faire oublier leurs origines, et n’ont eu de cesse d’éliminer les fidélités traditionnelles au nom d’une conception agressive de la laïcité qui n’est jamais qu’un « communautarisme majoritaire » allergique aux manifestations sociales de l’altérité.
Ceci étant, je reconnais que pour des problèmes de sécurité intérieure, toute personne doit pouvoir être visuellement identifiée, ce qui implique le port d’une burqa laissant apparaitre le visage.
Prêtez quelque attention à ce texte, qui ne me paraît guère superbe. Elisabeth Badinter écrit: »En vérité, vous utilisez les libertés démocratiques pour les retourner contre la démocratie. » Doit-on en déduire que celles-ci ne sont valables que pour ceux qui ont le label « démocratique »? Probablement. Il en découle que, pour ceux qui n’acceptent pas les présupposés de 1789, il ne doit pas exister de liberté. Et que, pour eux, la démocratie est la pire des tyrannies. Dans une tyrannie, en effet, il n’y a de liberté pour personne. Dans la démocratie idéologique, elle est réservée à certains.