Par Radu Portocala.
Ce pertinent billet est paru hier 2 janvier sur la page Facebook de son auteur. On ne peut qu’y applaudir.
Titre, ce matin, sur le site tf1info.fr : « Dry January : comment savoir si l’on est dépendant à l’alcool ».
D’abord, l’anglicisme inutile. Pourquoi éviter le français, comme si on en avait honte ? Un article s’adresse à tout le monde. Pourquoi partir de l’idée que chaque lecteur – y compris le vieux paysan de 80 ans du fin fond de la Creuse (par exemple) – parle l’anglais, vibre plus en trouvant un titre en anglais ?
Ensuite, cette construction : « dépendant à ». Où l’auteur est-il allé la chercher ? Cela revient à dire qu’il affirmera : « je suis dépendant à vous pour cette question » ou « ça dépend à l’heure d’arrivée du train ».
Il suffit d’un journaliste ignare, payé pour écrire un article un français et se fichant du français (qu’il juge peut-être une langue réactionnaire), pour qu’une idiotie lexicale ou grammaticale fasse son apparition. D’autres journalistes ignares la reprendront et, en peu de temps, elle entrera dans la langue. On expliquera que c’est une évolution, alors que ce n’est qu’une étape de l’appauvrissement, du pourrissement, de la mise à mort d’une langue que des génies ont maniée et l’ont rendue parfaite, avant qu’elle devienne la victime des présentateurs TV et des journalistes insouciants. ■
Parmi les tours entrés par effraction dans notre langue, je bute très souvent sur « en charge ». Anglais d’origine, bien sûr, traduit bêtement (transposé ou même imposé serait plus juste) , mot à mot, comme il se doit pour le confort des écoles de journalisme, ce tour cumule la lourdeur et l’imprécision quand ce n’est pas le ridicule ou l’impuissance.
La préposition « en » tend, elle-même à se glisser là où on ne l’attendrait pas : « en lien », au lieu de lié, « en capacité », au lieu de capable… On se souvient du « en fidélité » manuscrit sur le livre d’or de Colombey. Pourquoi pas « en haute fidélité » ? Quand on ment, simule (ou trahit) on ne doit pas le faire à moitié. Dans la même équipe (de rêve, comme il se doit), nous avons des ministres « en charge », chacun à la tête d’un ministère « en charge ». « Chargés » serait trop net, trop sec pour nos artistes du flou, engageant trop clairement leur responsabilité. « En charge » ils sont, comme des accus, pas tout à fait chargés; en simple apprentissage, assurant l’intérim, les affaires courantes, donc. Foin aussi de l’horrible participe passé, si difficile à distinguer de l’infinitif et impossible à accorder sans erreur. Tout un programme.
J’attends le jour où nos camions seront « en charge » ou « en décharge », demi-vides ou pleins, en même temps. Alors nos artilleurs feront la guerre avec des canons toujours « en charge » mais jamais chargés ! Alors l’anglais aura gagné, sans même un coup de feu, sans une charge.
Bravo !
Et « en situation de handicap », « en situation de chômage », « en situation de… » ?
Et la manie de dire « Trois virgule cinq millions » au lieu de « Trois millions et demi » ?
Et tant d’autres « Sur zone »…