Alain Finkielkraut n’a peut-être pas été le premier à l’avoir pensé, mais il fut le premier à l’exprimer publiquement. A un journaliste qui lui demandait un jour quelle critique il avait à formuler à l’égard de Nicolas Sarkozy, il répondit drôlement : « mon souhait, mon conseil serait qu’il cesse de courir, qu’il prenne le temps de marcher, de méditer ».
En effet : Le président devrait cesser de courir comme il le fait, du moins d’en faire comme un système de vie et, plus encore de gouvernance. Plus généralement, il devrait cesser de vouloir se montrer perpétuellement hyperactif. Il devrait consacrer plus de temps à la marche, lente et méditative, et aux réflexions qui vont avec….
Nous nous souvenons, aussi, à ce sujet, de Gustave Thibon qui aimait à rappeler qu’on ne gouverne qu’assis, raison pour laquelle on parle du siège apostolique, ou du siège de l’état, ou même du siège social d’une entreprise. La bougeotte n’est pas une qualité dans le sain exercice du gouvernement des hommes et des sociétés.
Non que nous nous érigions en censeurs des vies privés : si Nicolas Sarkozy aime le sport, c’est son affaire – nous aussi, nous aimons le sport – et il peut bien sûr se distraire et se détendre comme il l’entend.
Il y a cependant la fonction, et la majesté qui sied à cette fonction. Il y a aussi la pensée, la réflexion, la méditation qui doivent accompagner les gouvernants.
Que ne médite-t-il pas un peu sur ces deux beaux mots de notre langue française, Académie et Lycée ! Et, aussi, sur leur origine…..
École philosophique fondée dans Athènes par Platon vers 388 avant Jésus-Christ, l’Académie tire son nom du domaine dans lequel elle est située, et qui se trouve près du tombeau du héros Academos, dont la ville d’Athènes avait récompensé les services en lui dédiant des jardins.
Platon et après lui Aristote ont enseigné dans cette école. Et ils n’y enseignaient pas en courant, toujours pressés, toujours en sueur, toujours entre deux affaires urgentissimes l’une autant que l’autre. Non, bien au contraire. Ils y enseignaient en devisant, en discourant, en prenant le temps d’écouter l’argument adverse, et en prenant le temps d’y répondre. Longuement. Si Baudelaire évoquait l’endroit où tout n’est que calme luxe et volupté, dans l’Académie, tout n’était que calme, temps, sérénité.
Après Platon, qui nous donna donc l’Académie, Aristote devait nous donner le Lycée. Mais toujours en marchant, et en prenant son temps.
Il fut appelé par le roi Philippe II de Macédoine comme précepteur du futur Alexandre le Grand. Celui-ci se jetant dans ses conquêtes, Aristote fonda alors à Athènes (en 335 avant J-C), sa propre école philosophique, dans le quartier du Lycée, ainsi appelé à cause du portique consacré à Apollon Lycien (le loup, en grec) qui se trouvait là. Aristote et ses disciples aimaient y deviser en marchant, s’affirmant par le fait même péripatéticiens (du grec peripatein, se promener). Et voilà pourquoi cette École fut donc nommée couramment le Lycée…
Notre président, à qui nous souhaitons, comme tout le monde, un bon rétablissement, ne devrait-il pas prendre le temps de méditer sur les sages, et sur tout ceci ?
Le temps (avoir le temps, avoir du temps) n’est-il pas, d’ailleurs, un luxe ? Et, aussi, une volupté ?
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