PAR RÉMI HUGUES.
Article en 5 parties, publiées à dater de mardi 17 janvier, puis les jours suivants.
Et pourtant… Mêmes activités opaques très lucratives, concernant Epstein et Maxwell, qu’il connut avant sa fille : « Les deux hommes sympathisent rapidement et auraient ensemble monté des affaires, à ce jour toujours opaques – il aurait été question de ventes d’armes et de blanchiment d’argent » (p. 75).
Mêmes armes en leur possession, certes dans un pays où cela fait partie intégrante de la culture : selon l’ancien majordome qui a témoigné au procès, leur table de nuit contenait « des masques de sommeil, des bloc-notes de différentes tailles, et, dans un tiroir du côté d’Epstein, un revolver », relate notre auteure page 88.
Même désignation : à savoir celle de « parrain ». C’est Jane, une mineure qui était « offerte » aux notables de Palm Beach à l’occasion d’« orgies » organisées par Jeffrey Epstein « l’avait affectueusement surnommé son “parrain”. » (p. 50)
Néanmoins dire des Maxwell et d’Epstein qu’il sont des mafieux juifs est erroné car la mafia est ontologiquement anti-étatique. En dépit de modes de fonctionnement analogues entre le crime organisé et l’État, comme l’a souligné Charles Tilly[1], ces deux ordres sociaux sont voués à une guerre sans merci ni fin.
Les Maxwell et Epstein ont participé d’un processus de déploiement étatique en tant qu’ils ont agi au service d’agences de renseignement, par définition subordonnées à des organisations gouvernementales.
Pendant la Seconde Guerre mondiale Maxwell père rejoint l’armée du Royaume-Uni puis accomplit des missions pour le MI6[2], qui bien des années plus tard soutiendra Epstein, comme indiqué par ce qui suit : Steven J. Hoffenberg, qui fut l’employeur d’Epstein, l’avait rencontré par l’entremise de « Sir Douglas Heubert Leese, marchand d’armes et agent du renseignement britannique, qui lui avait dit : “Ce gars est un génie, il est doué pour vendre des valeurs mobilières. Et il n’a pas de morale.” » (p. 99)
Mais l’agence d’espionnage britannique n’était pas la seule à donner des coups de pouce à Epstein, la CIA également : « Leon Black, P.-.D.G. d’Apollo Global Management, est l’un de ces tycoons qui, entre 2012 et 2017, fait d’Epstein son “docteur financier” » (p. 123). Apollo Global Management est un fonds de pension appartenant à la CIA, c’est de notoriété publique.
Page 67, de surcroît, Laurence Haïm note que Robert Maxwell « n’aura de cesse de réussir dans les affaires et d’aider l’État d’Israël ». Il était un espion de l’État sioniste, ce dont – bien évidemment – il se défendait : « Accusé à plusieurs reprises d’être un “espion israélien”, il démentira jusqu’au bout et menacera de poursuites tous les journalistes soutenant cette thèse. » (p. 67) Gordon Thomas a écrit plusieurs ouvrages où sont décrites les actions du Mossad dans lesquelles Robert Maxwell fut impliqué[3].
Le patron du géant de la lingerie Victoria’s Secret Les Wexner, très proche du couple Ghislaine-Jeffrey, bénéficia de leur entregent pour rencontrer le gratin israélien : « Le couple passe beaucoup de temps avec Wexner, organise sa vie sociale et ses dîners avec des avocats d’affaires puissants, lui présente des personnalités comme l’ancien Premier ministre israélien Shimon Peres. » (p. 102)
Ainsi le duo formé par Robert Maxwell et Jeffrey Epstein n’est pas à voir comme un clone juif de Carbone & Spirito ou d’Antoine et Barthélémy Guérini – les parrains marseillais du mitan du XXe siècle –, puisqu’ils étaient des services secrets.
Et ce couple, tel le phénix, de renaître de ses cendres : la fille remplace le père, et sous la présidence de Bill Clinton ils sont la tête de pont d’une opération – qui, si elle devait avoir un nom de code pourrait s’appeler Lolita Operation – de la CIA et du Mossad, qui coopèrent pour obtenir des vidéos de personnalités très importantes ayant des relations sexuelles avec des mineurs. ■ (À suivre).
[1]« La guerre et la construction de l’Etat en tant que crime organisé », in : Politix, vol. 13, n°49, Premier trimestre 2000. Les mafias. pp. 97-117.
[2]« Après la fin de la guerre, il avait été envoyé en Allemagne et, sur les ruines de Berlin, il avait mené des missions d’espionnage pour le compte des services de renseignement britanniques. Il avait aussi effectué des voyages sous couverture en Tchécoslovaquie, qui devaient se répéter pendant toutes les années 1940 et 1950. », https://fr.timesofisrael.com/grandeur-et-decadence-de-robert-maxwell/
[3]Cf. mon article du 22 décembre 2021: https://vigile.quebec/articles/sexus-espionnicus
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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