N’était-il pas à la fois amusant et touchant, François Bayrou, dans l’émission de Stéphane Bern sur Henri IV, jeudi soir, sur France 2 ?
Lorqu’il parlait -avec des mots très justes, au demeurant- d’Henri IV, de ses difficultés, de son destin, bref de sa grandeur, tout le monde comprenait bien qu’en réalité, à travers le roi, Bayrou parlait de lui, et exclusivement de lui, Bayrou. Henri IV était seul (suivez mon regard…); les apparences étaient contre lui (suivez toujours…); il était detesté ou, à tout le moins combattu (continuez à suivre…); et puis tout d’un coup (l’espoir fait vivre !…) les étoiles ont tourné, et elles ont fini par se placer dans le ciel selon la bonne combinaison….(texto !).
Bref, pour le béarnais d’aujourd’hui, parler du béarnais d’hier c’était vraiment se lancer dans un plaidoyer pro domo.
Sauf que….
Comment ne pas voir que, dans leur justesse si on les ramenait à l’époque d’Henri IV, les comparaisons qu’effectuaient Bayrou avec le roi, dès qu’ils les ramenait à sa personne et à sa situation d’aujourd’hui, perdaient justement toute leur signification, et devenaient de pure forme. Ce n’est que dans les apparences que Bayrou peut voir des rapprochements entre lui et Henri IV; que dans les formes extérieures.
Mais, au fond des choses, quel rapport entre Bayrou et Henri IV ? N’est pas Henri IV qui veut, n’est pas roi qui veut, et dans ce domaine il ne suffit pas de vouloir -même si, dans le cas de Bayrou, il veut très, très, très fort….- pour que la chose se produise ! Aujourd’hui, le seul Henri IV possible ne peut pas venir de la classe politicienne.
Pourquoi ? Parce que Henri IV, et ce fut sa grandeur, fut un roi rassembleur, qui a su réunir et fédérer les français autour du seul intérêt national, formule à laquelle Boutang préférait (et il n’avait pas tort) l’idée du Bien commun. Comment un chef de parti, qui n’a en tête que sa propre élection ou ré-election, et la victoire de son camp sur l’autre, sur tous les autres, pourrait-il proposer aux français le rassemblement qu’a réussi Henri IV ? Aujourd’hui, n’en déplaise à Bayrou, le seul Henri IV possible, c’est le prince Jean !
Le lundi 11 mai dernier, un peu plus d’une semaine après le mariage du Prince, nous avions esquissé cette idée dans une note (« Un Prince qui « porte le tout »… »), à partir d’une réflexion de Jean Guitton qui nous était revenue durant les festivités. Nous la redonnons telle quelle:
Un Prince qui « porte le tout »….
« Quelques grammes de douceur dans un monde de brutes… ». Ce fut, il y a quelque temps, le slogan choisi pour ses produits par une marque réputée.
Dans son domaine, et dans son genre, quelle bouffée d’oxygène et d’air pur nous a offert le Prince Jean, entre les remugles des comptes de Julien Dray et les intrigues tordues de Bayrou/Ségo préparant ce qu’ils espèrent être leur revanche en 2012 !
Pendant quelques jours, on a comme sorti le tête de l’eau, on a respiré autre chose, on a pensé à autre chose: à la France, tout simplement. A son Histoire, à son avenir, à son Être profond.
Et il est vrai que cela nous a changés, et que cela a fait du bien…..
Lorsqu’il parlait des Papes, en général, Jean Guitton avait coutume d’employer une formule très belle. Un pape, disait-il, c’est quelqu’un qui « porte le tout ». La définition est fort pertinente, en effet. Et l’on mesure le poids d’une telle charge…
Mais ne pourrait-on, d’une certaine façon, appliquer cette manière de voir les choses au politique ? Il suffit de lire les journaux: de quoi ont parlé François et Ségolène – on aurait dit un fait exprés – la semaine précédant le mariage du Prince ? De leurs scores et de leurs pronostics pour la prochaine présidentielle. Une élection dont, soyons justes, l’actuel Président ne se désinteresse nullement, lui qui, après avoir laissé entendre qu’un seul mandat l’occuperait assez, laisse dire maintenant partout qu’il sera bien là.. en 2012 !
Que portent-ils, tous les trois ? Le « tout », ou le simple poids de leurs ambitions ? Poser la question, c’est y répondre….
Et c’est du reste normal, et ce n’est pas là-dessus que nous les critiquons. Il est normal que, dans leur ordre, les candidats se préparent aux échéances. Ce qui ne nous parait pas normal, et même franchement mauvais, malsain et facteur d’affaiblissement pour la France, c’est qu’il n’y ait pas d’espace a-démocratique, dans l’Etat, permettant de faire sa place au temps long.
Notre projet royaliste n’est pas une révolution des institutions, mais leur amélioration, leur perfectionnement, leur enrichissement, par l’adjonction, à la tête de l’Etat, de cette autorité stable et durable que nous avons connue pendant mille ans, et dont nous sommes privés depuis l’instauration de la République. Alors que, pour reprendre le mot de Christine Ockrent les anglais (et, plus généralement, les pays européens qui vivent en monarchie…) ont la chance d’avoir la reine d’Angleterre, ce qui n’est pas notre cas…..(1)
(1): Voir la note « Quelle chance il a eue, Tony Blair !… », dans la catégorie « République ou royauté ?… ».
Oui, mais il n’y a pas que Bayrou: ils (et elle) veulent tous être roi, jouer le rôle d’un roi, c’est-à-dire « faire l’ouverture », « rassembler les français », « fédérer les energies ». Il n’y a qu’a les écouter parler ou lire leurs programmes: c’est fascinant, deux siècles après l’assassinat du roi, de voir les têtes de cette république idéologique vouloir jouer le rôle du roi que leurs ancêtres ont tué, et que précisément le système les empêche de jouer, car il repose sur la guerre d’une faction contre l’autre, et cette guerre a pris toute la place. Il n’y a plus d’espace a-démocratique pour la stabilité, le temps long et le rassemblement. Il est donc bien fascinant de voir les « élites » du pays légal appeler de leurs voeux ce que la Révolution a détruit. Notez qu’il ne faut pas le leur reprocher: en soi, c’est plutôt un bien, et ce désir est sain. Il est simplement impossible en république idéologique…et notre rôle est de le leur dire…..
Autre chose: bientôt commence l’année Henri IV, officiellement patronnée par la République française. Pas mal, non ? Il faudra en parler…..