PAR RÉMI HUGUES.
Article en 7 parties, publiées du mardi 7 au lundi 13 février 2023. Étude à la lisière des domaines politique et religieux, qui, naturellement, peut donner lieu à débat.
Or si l’on tient pour acquis que le katechon est une dyade, il faut en tirer toutes les implications, en considérant notamment de manière identique le Messie, comme nous l’avons fait dans une article sur JSF paru le 28 décembre 2021 :
« La messianité […] est semblable à la création, elle est duale : aux couples ange/homme, lumière/ténèbres, espace/temps, humide/sec, nuit/jour, mâle/femelle s’ajoute le diptyque – ou « dyade » chez Pierre Boutang – machiah ben Yosef / machiah ben David, lesquelles entités existent depuis le commencement. »[1]
Une telle dichotomie n’est pas une invention personnelle : un rabbin vivant dans la province grecque de l’Empire ottoman au XVIe siècle, Hayin Ha-Kohen, disciple de David Vital, estimait, dans Torat Hakham, que le Messie de David est un « héros victorieux » et le Messie de Joseph « celui qui tombera dans la bataille »[2].
Ce qui est à rapprocher de cette analyse plus récente de l’Alsacien de confession protestante Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix en 1952 et auteur de La Quête du Jésus historique. Voici comment l’historien israélien Scholem la résume : « Si lors de son premier avènement Jésus avait été le serviteur souffrant, jusque dans la mort, dans le Second Avènement […], il apparaît en vainqueur et juge du monde. » Et en tire le constat suivant : elle « présente des affinités évidentes avec la conception juive de l’âge messianique. »[3]
Toutefois quand on sait ce qui lui est arrivé, on suppose que Jésus n’a guère envie de retourner sur terre, lui qui règne au Ciel à la droite du Père. Il est plus réaliste de notre point de vue de penser que ce machiah ben David est l’Esprit-Saint, au sens de « Paraclet », être nommé par Jésus lors de la Cène d’après l’évangile de saint Jean, et ce à quatre reprises :
1° « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. » (Jn XIV : 15-17)
2° « Le Défenseur, l’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn XIV : 26)
3° « Quand sera venu le consolateur, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il rendra témoignage de moi » (Jn XV : 26).
4° « Maintenant, je vais auprès de celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande où je vais ? Mais, à cause de ce que je vous ai dit, la tristesse vous a envahis. Pourtant, c’est la vérité que je vais vous dire : il vaut mieux pour vous que je m’en aille. En effet, si je ne m’en vais pas, le Défenseur en justice ne viendra pas à vous. Mais si je m’en vais, alors je vous l’enverrai. Et quand il sera venu, il produira la preuve que le monde s’égare au sujet du péché, de ce qui est juste et du jugement : au sujet du péché, parce que le monde ne croit pas en moi ; au sujet de ce qui est juste, parce que je m’en vais auprès du Père et que vous ne me verrez plus ; et au sujet du jugement, parce que le prince de ce monde est d’ores et déjà condamné. J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais elles sont encore trop lourdes à porter pour vous. Quand l’Esprit de vérité sera venu, il vous conduira dans la vérité tout entière, car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il aura entendu, il le dira, et il vous annoncera les choses à venir. Il manifestera ma gloire, car il puisera dans ce qui est à moi et vous l’annoncera. Tout ce que le Père possède m’appartient à moi aussi ; voilà pourquoi je vous dis qu’il puisera dans ce qui est à moi et vous l’annoncera. » (Jn XVI : 5-15)
Généralement symbolisé par une colombe, l’Esprit-Saint, troisième terme de la Trinité, est en fait une personne, le Christ-du-Second-Avènement, machiah ben David[4]. ■ (À suive).
[1]https://www.jesuisfrancais.blog/2021/12/28/la-metamorphose-de-noel-de-la-celebration-de-la-nativite-des-deux-glaives-le-verbe-et-lesprit-a-la-bouffee-delirante-consumeriste-2/
[2]Cité par Gershom Scholem, Sabbataï Tsevi. Le messie mystique, Paris, Verdier, 1983, p. 69.
[3]Ibid., p. 108.
[4]« Un grand signe parut dans le ciel: une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, étant en travail et dans les douleurs de l’enfantement. Un autre signe parut encore dans le ciel ; et voici, c’était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu’elle aurait enfanté. Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la femme s’enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin qu’elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours. » (Apocalypse XII : 1-6) On peut supposer que cet enfant soit machiah ben David, lointain descendant de cette femme fuyant le Mal, telle Marie-Madeleine qui gagna la Provence avec quelques compagnons pour échapper à la répression du Sanhédrin. Le portail de l’église des Chartreux vient rappeler la présence au sein du désert provençal de cette Judéenne aux cheveux roux (comme l’illustre roi David), qui fut la première à voir le Christ ressuscité. Une telle vision des choses nous paraît moins insensée qu’un retour de Jésus pris au sens propre. La parousie est un retour du Christ, au sens figuré : le présence divine refait surface, par le truchement d’un héritier de la descendance secrète de Jésus. Dans une émission sur Sud Radio (écoutable ICI) Alexandre Adler a émis l’idée que Maurice Barrès a été initié à une société secrète dénommée le Prieuré de Sion détentrice de ce savoir qui à bien des égards semble relever de la science-fiction. Il est à noter par rapport à cela que dans son roman Le Jardin de Bérénice, troisième opus de la trilogie « Le culte du moi » qui se déroule pour partie en Provence, aux Saintes-Maries-de-la-mer notamment, la dimension érotique de Marie-Madeleine est mise en relief : « Avez-vous jamais mieux goûté la pudeur que dans les bras de Marie-Madeleine ? », Marseille, Belle-de-Mai Éditions, 2023, p. 107. Ailleurs dans le roman est évoquée la « beauté » (p. 109) de cette « voluptueuse » (p. 103) Marie.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source