PAR RÉMI HUGUES.
Article en 7 parties, publiées du mardi 7 au lundi 13 février 2023. Étude à la lisière des domaines politique et religieux, qui, naturellement, peut donner lieu à débat.
Au lieu de considérer que le Messie des Juifs sera l’Antéchrist des chrétiens et des musulmans, il nous paraît plus juste de penser que tous, juifs, chrétiens et musulmans pourront succomber à la séduction de celui que le catéchisme de l’Église catholique présente comme « l’imposture religieuse suprême »[1] et que seule une minorité d’entre eux est destinée à ne pas tomber dans son piège.
N’est-ce pas contradictoire de dire que le Messie des Juifs sera l’Antéchrist et en même temps que ce dernier sera tué par Jésus-Christ, dont nul ne peut contester l’identité juive ?
Dans l’émission de télévision de Patrick Sabatier « Le jeu de la vérité » du 17 mai 1985, l’humoriste Coluche a dit qu’il y a quatre preuves que Jésus était Juif : « D’abord il a vécu 33 ans avec sa mère. Faut être Juif. Il a cru qu’elle était vierge pendant 33 ans. Faut être Juif. Elle, elle a dit partout que son fils c’était le bon Dieu, ça faut être Juif. Et il a quand même monter une affaire qui est devenue multi-nationale ! » Cette blague comporte un fond de vérité tel qu’elle peut être aussi prise au sérieux.
Bien plus sérieuse est cette plaisanterie que ce passage de L’Évangile ésotérique de saint Jean, où son auteur Paul Le Cour, commentant la déclaration du pape Pie XI Nous sommes spirituellement des sémites, a écrit : « En réalité l’Église chrétienne procède bien plutôt des sources aryennes, celtiques, helléniques, et même, sans doute, atlantéennes et hyperboréennes. »[2]
Il paraît nécessaire, en outre, de rappeler que la croyance en l’avènement d’un Antéchrist est vétéro-testamentaire, et donc totalement juive, qu’elle n’est pas apparue avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle figure dans les livres de Daniel, d’Ézéchiel et de Zacharie.
Dans le chapitre VII du premier : « La petite corne est un roi différent des autres, qui blasphémera contre le Très-Haut et persécutera les saints du Très-Haut, qui seront laissés à son pouvoir “un temps, deux temps et la moitié d’un temps”. »[3]
Dans le chapitre XXVIII du second, assimilé au prince de Tyr : « Fils de l’homme, dis au prince de Tyr : Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel. Ton cœur s’est élevé, et tu as dit : Je suis Dieu, Je suis assis sur le siège de Dieu, au sein des mers ! Toi, tu es homme et non Dieu, Et tu prends ta volonté pour la volonté de Dieu. » (verset 2)
Dans le chapitre XI du troisième : « Car voici, je susciterai dans le pays un pasteur qui n’aura pas souci des brebis qui périssent ; il n’ira pas à la recherche des plus jeunes, il ne guérira pas les blessées, il ne soignera pas les saines ; mais il dévorera la chair des plus grasses, et il déchirera jusqu’aux cornes de leurs pieds. Malheur au pasteur de néant, qui abandonne ses brebis ! Que l’épée fonde sur son bras et sur son œil droit ! Que son bras se dessèche, Et que son œil droit s’éteigne ! » (versets 16-17)
Ainsi celui que saint Paul appelait, dans la seconde épître aux Thessaloniciens, l’Homme d’iniquité, l’Être voué à la perdition, l’Adversaire (chapitre II, versets 3 & 4), sera réduit à néant par un Juif, un circoncis, que l’Apocalypse de saint Jean appelle celui qui monte le cheval (ch. XIX, v. 20), lui qui a un glaive qui sort de sa bouche (ch. XIX, v. 19) avec lequel il détruira l’Impie, d’un souffle (II Th II : 8) ; par conséquent cela n’a pas de sens de le présenter comme le héraut des Juifs.
Le livre de l’Apocalypse (VII : 4-8) indique le nombre de ceux qui, parmi le peuple élu, seront du côté de machiah ben David : « cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël : de la tribu de Juda, douze mille marqués du sceau ; de la tribu de Ruben, douze mille ; de la tribu de Gad, douze mille ; de la tribu d’Aser, douze mille ; de la tribu de Nephthali, douze mille ; de la tribu de Manassé, douze mille ; de la tribu de Siméon, douze mille ; de la tribu de Lévi, douze mille ; de la tribu d’Issacar, douze mille ; de la tribu de Zabulon, douze mille ; de la tribu de Joseph, douze mille ; de la tribu de Benjamin, douze mille marqués du sceau. »
Il est évident que ce vocable d’Israël mentionné par le texte johannique n’a rien à voir avec le signifiant donné à la falsification sioniste. À ce sujet nous reprenons un passage d’un article de notre composition paru sur JSF le 4 septembre 2019 :
« Simone Weil expliquait “qu’il y a quelque chose de maurrassien dans la religion nationale de Moïse”. Voilà la raison du soutien du maurrassien – et donc soupçonné d’antisémitisme – Pierre Boutang au jeune État d’Israël au moment de la Guerre des Six Jours, en 1967. Sans doute son jugement serait plus nuancé à l’heure dʼaujourdʼhui, et sa vision sur Gog et Magog serait autre. Certainement que sa conception de la fin des temps – ou eschatologie – se serait affinée à partir des enseignements qu’il aurait pu tirer des événements apparus à cause de l’avancement de la roue du temps.
Il est par conséquent “aussi absurde de faire de Simone Weil une antisémite sous prétexte qu’elle critique la religion juive” [citation de l’essai Le choc Simone Weil de Jacques Julliard, Paris, Flammarion, 2014, p. 121, N.D.A.] qu’il est inepte d’ériger Boutang en sioniste, au prétexte qu’il a pris à un moment donné la défense d’Israël. »[4] ■ (À suive).
[1]Cité par Patrick de Laubier, op. cit., p. 45.
[2]Paris, Dervy, 2002, p. 18.
[3]Jean-Robert Armogathe, op. cit., p. 47.
[4]https://www.jesuisfrancais.blog/2019/09/04/moix-ou-le-deluge-2/
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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