Vous avez eu, à mon avis, mille fois raison de soulever, à partir d’un article de Libération, la question de notre engagement en Afghanistan.
Pour moi, sans prétendre que mon point de vue doive être celui des royalistes ni même de lafautearopusseau, la réponse est claire : la bataille d’Afghanistan est perdue (elle l’était d’avance) ; elle est une aventure de plus où les Américains se sont engagés et ont inconsidérément engagé l’Occident (si ce mot a encore un sens) ; elle est, une fois de plus, une erreur politique, idéologique, militaire, et stratégique, de première ampleur. Il faut s’en dégager au plus tôt.
Sur la réaction des Afghans à la présence d’étrangers, quels qu’ils soient, sur leur sol, « perçus comme des ennemis », le journaliste de Libération a raison. Que leur pays soit, à tous les sens, y compris positifs, « violent et âpre » est une autre vérité. Que Hamid Karzaï, sur lequel le dit Occident s’appuie soit « un président inefficace, notoirement corrompu » paraît hautement probable. Que « les milliards d’aides déversés en Afghanistan » n’aient servi qu’à enrichir ses proches n’a vraiment rien qui puisse étonner non plus.
A mon sens, le journaliste de Libération se trompe néanmoins sur un point déterminant : La bataille d’Afghanistan ne partait pas sur de « nobles objectifs » : elle se fondait sur les objectifs les plus habituels à ce genre d’opérations menées par les « démocraties » modernes sous la houlette des Américains, c’est-à-dire des objectifs dénués de bon sens et, somme toute, si l’on veut bien excuser la trivialité de l’expression, sur des objectifs stupides.
Apporter aux Afghans notre « démocratie », alors même qu’elle n’a pas donné, chez nous, des résultats si mirifiques, est une naïveté et, même, une niaiserie. Ils ne savent pas ce que c’est, sont moins constitués que quiconque pour s’y conformer, même tant bien que mal, et, à vrai dire, ils s’en moquent. Les libérer des talibans est une autre chimère : cette « libération » ne peut venir du dehors. Quant à leur apporter notre prospérité, en ont-ils et en avons-nous, nous-mêmes, les moyens ? C’est le travail de multiples générations, étalé sur de nombreux siècles, dans une toujours relative unité, qui a créé la nôtre. Et, d’autre part, la constitution du peuple afghan lui donne-t-elle la possibilité d’avoir, au sens que nous connaissons : un Etat ? Une armée ? Une administration ? Une santé, une instruction publique ? A mon sens, il n’y a pas de doute : à ces questions, la réponse est non.
Notre engagement afghan est donc vain et coûteux, comme l’est, d’ailleurs, tout engagement dans des contrées aussi éloignées, aussi différentes des nôtres et, pour tout dire, aussi étrangères. Obama n’a décidé, à juste raison, de se retirer d’Irak que pour « accroître l’effort de guerre en Afghanistan ». Ainsi persiste-t-il dans les habituelles illusions américaines.
A mon sens, nos pays, en tout cas la France, doivent se protéger eux-mêmes, protéger leur territoire et leur population, du terrorisme, par des dispositifs intérieurs, éventuellement par des frappes chirurgicales extérieures, dont les Etats et les sociétés concernées seraient prévenus. Mais il faut, selon moi, abandonner d’urgence toute idée d’intervention, de présence durable et « réformatrice », dans les pays du monde islamique.
Le monde islamique est immense. Il est divers, contradictoire. Il n’est nullement réductible à nos schémas. Il n’est uni que par les interventions extérieures, les nôtres, en l’occurrence, qui font, assez stupidement, des pays qui le constituent, souvent fort ennemis les uns des autres, un bloc qui nous est hostile. Il serait sage, à mon avis, contrairement à ce que nous faisons depuis fort longtemps, de nous occuper de leurs affaires le moins possible, de les laisser vivre leur vie, qu’elle soit, à nos yeux bonne ou mauvaise, et de nous occuper principalement des nôtres. Sur ce vaste terrain, n’avons-nous pas assez à faire ?
Le pacifisme à tout crin, style « plutôt rouge, que mort », reprit par les pacifistes allemands du début des années 80 qui étaient contre l’installation des Pershing en Allemagne, me fait penser à votre billet.
Vous avez oublié que les attentats du 11/09, plus importante attaque de l’histoire touchant le territoire américain est parti des montagnes d’Afghanistan, où le pire régime théocratique qu’ait connu l’histoire sévissait …
On peut suivre la doctrine très chrétienne qui est de tendre l’autre joue lorsqu’on s’en est pris une bonne, mais je ne vois pas pourquoi les américains n’auraient rien fait après les attentats du 11/09. Ils ont demandé au Mollah Omar de leur livrer Ben Laden, celui-ci a refusé, donc …
Pourquoi la France y est allée ? Par solidarité atlantiste et car nous sommes un pays qui avons beaucoup plus souffert du terrorisme, sur notre territoire, que les américains.
Mais il est clair qu’une attitude munichoise serait plus simple … Pourquoi irait-on mourir pour Kaboul …
Enfin une analyse saine et logique sur l’Afghanistan! Puisque l’auteur y évoque un éventuel point de vue royaliste, je crois utile de faire remarquer que l’émergence du phénomène Taliban est récent, il était totalement inconnu à l’époque ou l’Afghanistan était un royaume paisible, certes peu développé, mais pas moins que les pays d’Asie Centrale proches…L’invasion américaine, qui a pris le relais de l’offensive russe, y a tout changé et a fait de ce pays un cauchemar…La démocrassie (avec deux S comme dans crasse) a totalement déstabilisé ce pays, y ouvrant tous les appétits aux rivalités tribales et religieuses, exactement ce qui allait se reproduire en Irak plus tard, les mêmes causes entraînant les mêmes effets… Les Américains sont la seule cause de l’émergeance du phénomène taliban, émergeance comme réponse identitaire musulmane face aux envahisseurs…Réponse d’autant plus intolérante et radicale que la pression de l’occupant sera plus forte et que le parachurage imposé d’un Karzaï corrompu…dont la seule raison d’être en place est d’assurer le passage de pipe-lines permettant aux multinationales américaines de sortir le pétrole d’Asie Centrale…Cette guerre où l’atlanto-sioniste Sarkozy entraîne maintenant la France est la honte de l’Occident…Croire encore, comme ci-dessus Tietie, que le 11 septembre est autre chose qu’une manipulation de l’opinion – avec toutes les preuves dont on dispose aujourd’hui – laisse rêveur…Ben Laden, s’il existe autrement que dans les cartons de la CIA comme leurre d’une nouvelle version de « Cours après moi que je t’attrappe », doit bien rire !
Si par idéal pour le respect des peuples et pour les fameuses « valeurs » de la République, on devait aller mourrir pour Kaboul… la logique voudrait que se soit au côté des talibans!
L’Afghanistan est en guerre depuis 30 ans, et l’invasion soviétique et ils n’ont pas attendu les ricains pour se taper sur la gueule ! Le talibanisme, idéologie totalitaire mortifère, doit être combattu avec toute la vigueur possible.
Mais je vois que vous êtes un partisan de la thèse du Messie-an, donc je vais m’arrêter là, cela ne m’intéresse pas de lire des divagations conspirationnistes.
Bien le bonjour, Monsieur.
En 2008, 55 % des Français déclaraient souhaiter le retrait
des troupes d’Afghanistan. Ils sont désormais 68 %, soit plus des deux tiers de la population, à désapprouver la décision de Nicolas Sarkozy d’envoyer de nouvelles troupes à Kaboul.
Cette position est même majoritaire (53 %) dans le propre parti du président – les sympathisants du Front national étant les seuls à se singulariser, en étant pratiquement aussi nombreux à approuver la guerre américaine qu’à s’y opposer.
Lors de la création, le 20 décembre 2001 par le Conseil de Sécurité de l’ONU, de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), la tâche de l’armée française se bornait à assurer la sécurisation de Kaboul et de ses environs, à lutter contre les narcotrafiquants et à participer à la « reconstruction » du pays, tout en permettant à certaines de ses forces spéciales de participer à des missions ciblées de lutte antiterroriste. Mais très vite, le conflit s’est transformé. Au départ, deux opérations distinctes se juxtaposaient : une opération multinationale sous contrôle européen, celle de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), et une opération américaine. Cette distinction s’est ensuite effacée.
Le tournant a eu lieu en août 2003, lorsque la FIAS est passée sous le commandement de l’OTAN, c’est-à-dire de fait sous l’autorité de Washington, ce qui a eu pour effet d’élargir le mandat de la Force internationale.
Progressivement, la situation a été de moins en moins maîtrisée. Sur place, la confusion s’est instaurée, du fait d’une absence totale de concertation et de stratégie globale, tant en matière d’objectifs que de moyens.
A Paris, alors que Jacques Chirac avait limité la participation des troupes françaises au strict minimum, Nicolas Sarkozy a voulu faire du zèle pour satisfaire ses amis américains. Au sommet de l’OTAN de Bucarest, en avril 2008, l’envoi d’un contigent supplémentaires de 700 soldats a été annoncé.
Peu après, la France décidait de réintégrer l’OTAN, que le général de Gaulle avait quitté en 1966.
Il est des guerres qu’on ne choisit pas. L’islamisme doit être combattu et vaincu, sous peine d’endurer de terribles attentats voire de passer sous les fourches caudines de la charia dans certains secteurs en France.
L’Occident n’a pas déclaré de guerre à l’islam. C’est l’inverse, de la part de fous de Dieu qui ne se bornent à aucune limite.
Désolé, mais il faut se battre !
C’est curieux comme la réaction de Tieti résume bien sa façon de refuser d’essayer de comprendre les évènements en dehors du bombardement médiatique. Même pour une demande de recherches d’explication on est condamné à l’exemple d’Aymeric Chauprade. Et pourtant pour croire maintenant à la vérité dictée par New York il faut être sacrément obscurantiste. Pour croire qu’un avion qui aurait percuté une tour avec ses passagers, partant en chaleur et lumière puisse laisser échapper un passeport intact alors que tout le reste disparaît dans la chaleur et la poussière démontre un angélisme certain ou une parfaite adéquation avec la propagande américaine. Ou alors restez avec les vaches dans le Doubs!
Chouan récalcitrant.
Mon cher REBOUL, je suis parfaitement en accord avec votre analyse : il faut se dégager du bourbier afgan dans lequel nos hommes politiques nous ont fourrés. Mais il est d’abord important de parler vrai.
Alors que le gouvernement répète sans convaincre qu’un désengagement favoriserait le retour d’un régime terroriste taliban à Kaboul et la réimplantation d’Al-Qaïda dans une région géopolitique sensible, les Français constatent que les Talibans, expression de l’identité tribale patchoune, la principale ethnie du pays, ne sont pas des exportateurs de violence, et que la France et les Afghans n’ont aucun objet de litige.
Il faut tout de même rappeler que le mot » terreur » ne désigne nullement l’action du partisan irrégulier. « La Terreur » est le nom générique de la période, s’étendant de septembre 1793 à juillet 1794, durant laquelle le pouvoir révolutionnaire français a mis » la terreur à l’ordre du jour » pour supprimer ses opposants politiques. Au moment où il apparaît sur la scène politique, le « terroriste » n’est donc pas un combattant irrégulier, qui oppose la légitimité de son action à la légalité qu’il combat. C’est au contraire un acteur légal. La « Terreur » de 1793 est un phénomène étatique, qui se confond avec l’un des épisodes les plus noirs de la Révolution française. Elle est exercée au nom de l’Etat et, comme telle, suppose le monopole légal de la violence. Le mot » terrorisme » apparaît lui-même pour la première fois dans la langue française en 1794, pour désigner le régime de « terreur » politique alors au pouvoir.
Il est intéressant également de constater que l’apparition de la « Terreur » en France va de pair avec la mise en oeuvre par les révolutionnaires français, à partir d’avril 1792, de la
première guerre de l’histoire que l’on a pu qualifier de « guerre totale » – expression qui n’ajamais été appliquée, par exemple, aux guerres de religions du XVIe siècle ni à la guerre de Trente Ans, en dépit des nombreuses exactions auxquelles celles-ci ont pu donner lieu.
Tandis que le « terroriste » révolutionnaire se présente lui-même comme faisant oeuvre de vertu (il « purifie » la société), la guerre révolutionnaire touche aussi bien les combattants que les non combattants.
Durant la guerre de Vendée, les troupes républicaines reçoivent explicitement l’ordre de ne pas faire de prisonniers et de massacrer hommes, femmes et enfants sans distinction.
Cette guerre illimitée présente une autre caractéristique remarquable : c’est qu’elle est menée au nom de la « liberté « . Les révolutionnaires qui, en mai 1790, avaient solennellement
proclamé leur intention de renoncer « pour toujours » aux guerres de conquête, justifient leur action – et son caractère illimité – par leur intention de « délivrer les peuples soumis « , d’abattre tout pouvoir monarchique et de répandre partout dans le monde les principes de la Révolution. S’ils attaquent les pays voisins, c’est pour y « exporter la liberté » ; s’ils massacrent, c’est qu’un but moralement (et idéologiquement) si élevé justifie qu’on mette en oeuvre tous les moyens.
Ne faisons-nous pas la même chose en Afganistan?
Je voudrais examiner la remarque de Catoneo selon laquelle l’occident n’a pas déclaré la guerre à l’Islam, la réalité étant selon lui l’inverse. Cette problématique me paraît très discutable. En effet, l’occident conduit par les USA s’acharne depuis des décennies à modeler le monde à son image, de plus en plus dénationalisée et décadente. L’islamisme des talibans, en l’occurrence, a été une pure création de l’administration des borders constabulatories, délégués par les USA, dix ans après le départ des soviétiques, afin de laisser les mains libres à l’état pakistanais. Je voudrais aussi, sans pour autant adhérer au conspirationnisme, faire observer à Catoneo et à Titie que la politique américaine depuis près de deux siècles, consiste toujours à mobiliser sa propre opinion publique en fabriquant de toutes pièces un agression inventée qui lui permet de mener une guerre « morale » à ses propres yeux. Je citerai la guerre d’aggression contre le Mexique, en 1820-1840, la guerre d’aggression contre l’Espagne, avec l’accusation mensongère de bombardement du cuirassé Maine. Dans d’autres cas, un montage rend l’agression nécessaire ou trop tentante (le Lusitania, Pearl Harbour). De toute façon, un gigantesque traitement de presse permet d’intrumentaliser et de maximiser la riposte. Ainsi le piège tendu à Saddam en 90 et les bobards du massacre des enfants koweitiens. Il me semble donc, Catoneo, que la première règle quand on parle de la politique américaine à l’égard de ses vassaux (nous) consiste à écarter les voiles de la morale et d’introduire un doute lucide et productif.