A la suite de notre Ephéméride du 11 Août, consacré au Mont Saint Michel, il nous avait paru opportun de publier, le lendemain, l’intégralité du discours de Benoît XVI aux Bernardins, dans lequel le Pape évoque longuement le rôle positif des moines, et leur contrubution essentielle et décisive au développement et à l’éclosion de la Civilisation occidentale. Ces deux notes (du 11 et du 12) ont fait réagir nos lecteurs.
D’abord il y a eu Sebasto, qui a posté le mercredi 12 un texte très intéressant, de Christophe Geffroy (comparaison des propos de Benoit XVI et de Nicolas Sarkozy sur la relation du politique et du religieux); et qui a récidivé le lendemain (jeudi 13), pour notre plus grand plaisir, en postant un second texte non moins intéressant, une analyse de M. l’abbé Christian Gouyaud sur le rôle civilisateur du monachisme occidental, tel qu’il est évoqué par Benoît XVI. C’est avec intérêt et plaisir que ces deux textes consistants ont été lus; ils ont eu comme mérite supplémentaire de déclencher une réaction de Lori qui, à son tour, a posté le commentaire que nous reproduisons ci-après.
C’était l’un des souhaits que nous formions, en lançant ce Blog: qu’il favorise et permette des échanges féconds, dans tous les sens, et de tous avec tous; à l’évidence, avec cet exemple-ci, cet objectif est atteint. Puisse-t-il l’être très régulièrement. Merci aux intervenants, qui font ainsi vivre et progresser notre Blog à tous…
Voici le texte intégral de la réponse de Lori aux deux textes de Sébasto (que l’on peut bien sûr consulter dans les Commentaires). On notera juste qu’il semble bien que Lori, comme nous, soit un admirateur (ou une admiratrice…) de Jean-François Mattéi…..
Sébasto a livré à notre lecture attentive, deux textes fort intéressants.
Je ne crois pas tout à fait certain, toutefois, que « les sept cents auditeurs du monde de la culture » (ci dessous) aient été « médusés » par le propos du pape Benoît XVI.
Peut-être était-ce, au fond, ce qu’ils attendaient de lui. Car il y a, à mon avis, une sorte de paradoxe existentiel de notre temps.
Déraciné comme jamais, en passe de n’être même plus révolutionnaire, même plus antichrétien, même plus idéologue, même plus rationaliste (il n’en a vraiment pas les moyens) mais tout simplement de n’être plus « rien », d’être le temps barbare de « l’homme creux » au « regard vide », selon les fortes expressions qu’emploie Jean-François Mattéi, notre monde, paradoxalement, est aussi celui qui consacre à la conservation du patrimoine – et avec un grand concours de talents et de techniques étonnantes d’efficacité et de précision – des budgets, des programmes qu’aucune autre époque n’a seulement imaginés, ni, évidemment, engagés, qui se passionne pour l’Histoire, y consacre des quantités d’articles de journaux, d’émissions de télévision, de pages de couverture de ses magazines, celui, aussi, qui, d’une certaine manière, réhabilite ses rois, ses reines, et la noblesse des époques passées… Et cetera.
Ceci ne signifie nullement – sans-doute, même, est-ce le contraire – que notre société n’est pas très malade. Mais qu’il lui reste, encore, à l’arrière-fond de toutes ses tares, un sens encore vivant, de ce qui, de ce que, fut, notre civilisation française, et, je crois qu’il faut ajouter, européenne.
Au fond, il me semble que l’envie de « retrouver le chemin qui conduit chez nous » n’a pas tout à fait quitté les peuples français et européens. Sans une nouvelle « trahison des clercs » (celle des hommes du « système », en ses différentes composantes) cette « envie » serait sans-doute, déjà, une vague sociale d’importance. Déjà, en effet, le « système » ne peut empêcher que s’exprime dans l’édition, par les livres, sur les ondes, à travers les studios de radio ou de télévision, tout un ensemble d’intellectuels qui portent, à son encontre et à l’encontre du monde qu’il façonne à son image, un jugement fortement critique. Ce que nous appelons le « système » n’a pas plus qu’un autre les promesses de l’éternité. Est-il impossible que les circonstances ne permettent, un jour, à l' »envie » diffuse des peuples français et européens de retrouver le chemin qui conduit chez eux, de devenir une vague déferlante, comme celle qui a emporté, il y a vingt-ans, le bloc soviétique et fait tomber les murs qu’il avait construits à sa frontière ?
C’est pourquoi, il ne me semble pas impossible que les sept cents auditeurs du monde de la culture qui ont écouté Benoît XVI aux Bernardins, y aient retrouvé, émerveillés, tout simplement ce qu’ils en attendaient.
Ci-joint une autre excellente analyse de Christophe Geffroy sur les réactions diverses et variées, aux prises de positions du Pape.
Irréductible opposition au pape Benoît XVI
Il y a d’abord eu la levée des excommunications des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X au moment même où étaient révélés les propos négationnistes de l’un d’eux et, aussitôt, Benoît XVI fut accusé de complaisance envers les « intégristes », voire envers le négationnisme. Puis survint le drame affreux de Recife et le ton est monté d’un cran contre l’Église accusée de pharisaïsme, de manque de compassion et ainsi de trahison du message évangélique. Enfin, l’acharnement a atteint son paroxysme avec les propos du pape sur le sida et le préservatif.
Lorsque nos moutons médiatiques ânonnent que le « pape pose un problème », ils feraient mieux de s’examiner eux-mêmes, car, ou incompétence ou malhonnêteté, ils se sont précipités sur un événement ou un mot sans jamais chercher à comprendre. Il fallait une bonne dose de mauvaise foi ou de bêtise pour croire que Benoît XVI aurait eu une quelconque indulgence à l’égard du négationnisme, qu’il aurait sacrifié les acquis du dialogue judéo-chrétien ou qu’un tel geste signifiât la remise en cause du Concile Vatican II. Il ne fallait rien connaître à l’affaire de Recife et au contexte brésilien pour accuser l’Église de manquer de compassion, quand on sait les efforts et la présence du P. Rodrigues, curé d’Alagoinha, auprès de la famille de la victime. Quant à la phrase de Benoît XVI sur le préservatif et le sida, il ne s’agit nullement d’une « maladresse », comme le répètent à satiété les imbéciles, mais d’une vérité que refusent obstinément d’admettre ceux pour lesquels la sacro-sainte licence sexuelle est un tabou intouchable.
Certes, on peut toujours critiquer des imperfections dans la « communication » de l’Église, certes, dans l’affaire du préservatif, on ne peut nier la manipulation, exercice classique de désinformation, où quelques mots, livrés en pâture au public, sont sortis de leur contexte pour permettre de crier au fou : il n’empêche que cela ne suffit pas à expliquer la hargne du monde intello-médiatique contre un seul homme et toute l’institution qu’il représente. Si les attaques ont atteint une telle violence, c’est parce que l’Église s’oppose, quasiment seule, avec un discours fort et cohérent, à la « culture de mort » qui cherche à étendre partout son hégémonie tyrannique. Ce n’est pas un hasard si l’avortement et le préservatif ont été au départ des dernières campagnes médiatiques. Le discours de l’Église pour la vie, pour la famille, pour l’amour vrai, sa compassion pour les plus faibles et les plus pauvres, chacun sent bien qu’il est exigeant mais accessible à toute âme de bonne volonté et qu’il est seul capable de sauver l’homme de lui-même et de la dérive relativiste mortifère de nos sociétés. La violence du monde politico-médiatique est donc une réaction de peur : peur de voir finir par s’imposer une vérité que l’on refuse et que l’on cache. Même si le pape n’avait pas évoqué le préservatif, le seul fait d’affirmer que la multiplication des « partenaires » – hétéro ou homosexuels – contribue plus que tout à étendre la pandémie du sida est déjà un scandale dans les médias, comme tout propos qui heurte le dogme intangible qui veut qu’on ne remette pas en cause la conception hédoniste – égoïste – et matérialiste de la vie humaine : le « bien » qui prime tout est la « liberté » individuelle de l’adulte de suivre son bon plaisir, le bien d’un tiers – enfant, société et bien commun – ne pouvant l’entraver.
Nos benêts parisiens pensent que le monde entier nous envie cette conception de la vie qu’ils assimilent à la « liberté ». En réalité, s’ils n’étaient pas aveuglés par leur nombrilisme, les deux affaires de Recife et du préservatif en Afrique auraient pu leur ouvrir les yeux et leur montrer combien les Sud-Américains et les Africains rejettent ce modèle « occidental » qui conduit à la mort, au lent suicide d’une civilisation – qui, de ce point de vue-là, n’a plus rien de judéo-chrétien. Une société qui a complètement perdu la tête au point de ne plus reconnaître de nature humaine (et donc de loi naturelle), de ne plus faire de différence entre l’homme et la femme, le père et la mère (cf. le projet de loi sur le statut de « beau-parent »), qui s’acharne à détruire la famille stable, seule cellule où puisse s’épanouir un petit d’homme, qui se méprise soi-même au point de cracher sur son histoire, de renier sa propre identité et d’abandonner sa souveraineté politique, est condamnée à mort. À ce stade de déliquescence intellectuelle, spirituelle et morale, ce n’est plus de réformes dont nous avons besoin, mais d’une profonde révolution mentale – une conversion – qui nous ouvre les yeux sur l’abîme où nous sommes tombés.
La virulence qui se manifeste contre le pape Benoît XVI et l’Église n’est pas prête de s’éteindre, car elle manifeste l’opposition irréductible entre l’anthropologie chrétienne et celle de l’idéologie dominante qui tend de plus en plus à ramener l’homme au rang de l’animal.
Christophe Geffroy