Par Bruno Dary.
Cet article qui consiste en un examen objectif des effets et résultats qu’entraînera l’envoi de chars à l’Ukraine, est paru dans Le Figaro le 24 courant. Même s’il s’attache à un point particulier de la guerre en cours en Ukraine, il nous paraît néanmoins intéressant par ce qu’il nous expose, qui contrecarre les perspectives que la propagande pro-ukrainienne dominante en Europe prétend en dégager. Le propos du général Dary apparaît d’une stricte neutralité. Il est simplement et sagement porté à se défier du bellicisme ambiant. Dans sa présentation de cette tribune, le rédacteur du Figaro, en revanche, écrit : « Le choix de livrer des chars de combat à l’Ukraine ne permettra malheureusement pas à ce pays de l’emporter face à l’envahisseur russe ». Le Figaro – ou son rédacteur – a donc choisi son camp. Qu’il ne prétende donc pas à l’objectivité. Il est simplement aligné sur la propagande atlantiste dominante.
FIGAROVOX/TRIBUNE – Le choix de livrer des chars de combat à l’Ukraine ne permettra malheureusement pas à ce pays de l’emporter face à l’envahisseur russe, explique l’ancien commandant de la Légion étrangère, qui s’inquiète d’une extension du conflit.
« Ce ne sont pas les quelque 200 ou 300 chars livrés à l’Ukraine, qui vont modifier profondément l’équilibre des forces. »
Récemment, plusieurs pays occidentaux ont fait le choix de livrer des chars à l’Ukraine, pour rééquilibrer la balance des forces et permettre au président Zelensky de chercher à reconquérir ses territoires perdus ! Or il est déjà possible d’affirmer que ce renforcement, au lieu d’apporter une solution à cette guerre, ne fera qu’en renforcer l’intensité ; il impliquera un peu plus les pays occidentaux, et éloignera un peu plus toute perspective de cessez-le-feu, préalable indispensable à une sortie de crise… Et il est à craindre que l’étape suivante, d’ailleurs déjà annoncée par le président Zelensky au cours de sa tournée européenne, soit la cession de missiles à longue portée qui lui manquent encore, avec son corollaire aller frapper des objectifs sur le territoire russe pour amener le président Poutine à la table des négociations.
L’histoire militaire du XXe siècle montre clairement que les chars n’apportent une victoire significative que s’ils bénéficient d’une triple surprise stratégique, en termes de lieu, de temps et de mode d’action : ce fut le cas en juin 1940 au détriment de la France, avec une offensive allemande, sans préavis malgré la «drôle de guerre», qui regroupait tous les blindés disponibles, alors que la France avait disséminé les siens, et qui contournait la ligne Maginot par les Flandres, malgré la neutralité de la Belgique. Ce fut le cas également lors de la guerre des 6 jours conduite par l’armée israélienne ! Mais l’emploi des blindés ne rencontra pas que des succès : à Bir-Hacheim, les chars de Rommel, malgré un terrain favorable, le désert, ne purent franchir les obstacles aménagés et les champs de mines posés préalablement par la 1° DFL du général Koenig. Et plus tard, que ce soit au cours de la bataille de Koursk que de la prise de Berlin, les Russes comme les Allemands perdirent au cours de chacun de ces affrontements majeurs plusieurs milliers de chars…
Aujourd’hui ce ne sont pas les quelques 200 ou 300 chars livrés à l’Ukraine, qui vont modifier profondément l’équilibre des forces. D’une part, on peut penser que les Russes n’ont pas perdu de temps pour organiser le terrain, empêchant ainsi toute contre-attaque, surtout maintenant qu’ils ont conquis les républiques du Donetsk et de Loungansk ! En outre, au vu de la transparence du champ de bataille apportée de chaque côté par le recours massif aux drones, par l’appui des images satellites et par la guerre électronique, toute attaque sera décelée avant d’être déclenchée et encore faudra-t-il que les blindés puissent atteindre sans encombre la ligne de front….
Et d’ailleurs, le président Zelensky ne s’y est pas trompé, car il a déjà demandé des avions de combat et même des missiles à longue portée : pas plus que les chars de combat, ces systèmes d’armes ne modifieront le rapport de force ; mais ils étendront ce conflit hors des frontières de l’Ukraine, avec des bases aériennes forcément hors de ce pays pour éviter toute frappe de missiles russes hyper-véloces, ou des objectifs situés sur le territoire russe pour les missiles longue portée cédés à l’Ukraine….
On peut d’ailleurs observer que cette guerre a déjà franchi les limites du seul champ de bataille : les Russes ne se sont pas privés de détruire de nombreux sites sensibles sur le sol ukrainien, qu’ils soient civils ou militaires ; les Ukrainiens ont procédé à quelques incursions sur le sol russe ; les Russes ont «perdu» leur vaisseau amiral en mer Noire en avril dernier, montrant ainsi que tout navire serait détecté et aussitôt «traité». Et actuellement, les affrontements se poursuivent surtout dans les champs immatériels : personne n’est en mesure d’évaluer les pertes humaines ou matérielles de chacun des antagonistes ! Et dans le cyberespace, comme il n’y a ni frontière, ni adversaire, on ne compte plus, ne serait-ce qu’en France, le nombre d’entreprises ou d’organismes, qui ont été durement frappés, même parmi ceux qui n’avaient aucun lien avec ce conflit ! Et la maire de Paris, en souhaitant et en disant ouvertement que les athlètes russes ne devraient pas participer aux JO de 2024, ne fait qu’élargir un peu plus ce conflit au domaine sportif, ce qui n’aura aucune conséquence sur le déroulement des opérations, mais creusera un peu plus le fossé entre les antagonistes.
S’il pouvait y avoir une solution militaire, elle ne pourrait être que terrestre… mais là encore, les adversaires ont déjà montré leurs limites : les Russes dès le début de leur «opération spéciale», dont la partie aéroportée fut un échec, comme les tentatives d’attaque de blindés au nord de Kiev ou de Kharkov et les Ukrainiens, dont les quelques succès tactiques n’effacent pas la perte de leurs deux Républiques. De plus, il ne faut pas oublier qu’en termes de tactique, une offensive pour avoir des chances certaines de succès doit être menée dans un rapport de force d’un contre trois par rapport à l’adversaire, et que ce rapport passe d’un à neuf en zone urbaine, c’est-à-dire, là où se passent aujourd’hui les combats….
Que l’on soit favorable au président Zelensky, pour son courage et son charisme ou que l’on condamne le Président Poutine, d’avoir déclenché cette guerre, ne change rien à la réalité des faits : l’envoi de blindés occidentaux ne suffira pas à inverser suffisamment le rapport de force actuel ; en revanche, il impliquera un peu plus les pays européens dans une guerre qu’ils n’ont pas voulue. La solution est donc ailleurs… Mais à l’instar de la Première Guerre Mondiale, espérons simplement qu’un événement comme «l’attentat de Sarajevo» en 1914 ne finisse pas par nous entraîner là où personne ne voudrait aller. ■
Le Général Bruno Dary est le Président du Comité de la flamme sous l’Arc de triomphe qui ravive la flamme de la Tombe du soldat inconnu. Général d’armée (2s), il est ancien chef de corps du 2e REP et ancien commandant de la Légion étrangère.
Le recours à l’empirisme organisateur vaut-il tout à fait en matière de stratégie militaire… Je me demande par là si les références du général à l’emploi des blindés dans l’Histoire militaire sont bien pertinentes… N’étant pas stratège, je me garde assurément de vouloir inclure la réponse dans ma question ; mais je la pose…
Les «évolutions» de la technique ne pourraient-elles pas permettre de modifier les rapports que le général nous expose de manière dialectiquement «définitive». N’est-ce pas ce sur quoi mise les Russes avec les missiles hypersoniques et les Américains avec l’ingénierie de protection et/ou de riposte (je ne sais plus au juste) qu’il serait envisagé de fournir à l’Ukraine… À ce propos, je livre une réflexion qui m’est venue lorsque, ayant entendu parler de ces deux appareils tactiques, je me suis demandé si les Américains ne pensait pas à engager ainsi leurs engins défensifs dernier cri en Ukraine pour en tester l’efficacité et, très précisément, eu égard aux missiles hypersoniques russes, dont on a trouvé bon de nous laisser supposer que leur vélocité extrême les rendait tout à fait indétectables… Quelqu’un de mieux informé que je ne le suis pourrait-il apporter des éléments de réponse ? – pour peu que quelqu’un y eût réfléchi, ce qui me paraît nécessairement probable.
P.S. : non «mise», mais «miseNT» (ce sont les Russes et les Américains qui…) – et non «pensait» mais «pensaiENt» (ce sont les Américains qui…). La maladroite frappe «hyper-véloce» des croutons dactylographes les dysorthographie.
On écrit Bir-Hakeim.
J’ajoute que la Russie ne nous ayant pas attaqué que cette guerre n’est pas la nôtre. Le jeu trouble des USA et la duplicité des Européens dont Merkel et Hollande tendent à donner raison à la Russie.
La seule question qui vaille de se poser, pour le passé, le présent et l’avenir de cette guerre, c’est celle de la place de l’homme, du facteur humain, du facteur démographique.
Nous ne disposons pas de données fiables sur les victimes dans les deux camps. Quels sont les choix stratégiques les plus ajustés à la préservation des richesses humaines dans ce conflit de haute intensité ?
Il est pensable que la Russie ait choisi d’économiser ses soldats et de ne pas causer trop de dégâts parmi le peuple frère Ukrainien non combattant; en revanche, le camp Occidental est prêt à sacrifier jusqu’au dernier Ukrainien afin de ne pas perdre, ayant très tôt annoncé ne jamais risquer la vie de ses propres citoyens.
Le débat sur les armes légères, les armes lourdes, les munitions, les frappes à courte ou longue portée, détectables ou non détectables, devient secondaire devant cette question de la place de l’humain.
Lorsque l’on a une armée professionnelle de corps expéditionnaire faite pour la mobilité, le conflit de haute intensité n’est pas adapté. En revanche, la guerre d’attrition convient à la consommation d’une armée de conscription, avec beaucoup de canons à aligner pour beaucoup de chair à hacher menu. Et la résilience de la population qui compte est alors celle du front, mais surtout de l’arrière, des civils. Nul doute que le peuple russe saura mieux souffrir et plus longtemps que l’Occident.
Comme le dit et l’écrit Monsieur Onfray, nous sommes entrée en Guerre contre « Poutin », en fournissant des armes aux Ukrainiens. Cet acte aurait du être précédé d’un référendum, la population Française , doit pouvoir donner son avis. Qui va subir le retour de flamme, quant les actuels dirigeants seront tous bien à l’abris aux Séchelles.
La guerre c’est le résultat de l’incompétence humaine et ça tue.
Le fond spirituel qui apparaît c’est la démocratie totalitaire de Luther ( Allemand, Américain, Anglais), qui s’impose face au silence assourdissant des Chrétiens Catholiques et Orthodoxes je situe de Méditerranée. On revient à la Judée et à Jésus, le temps n’efface pas l’histoire.
Dans toutes les analyses données par les experts sérieux dont fait partie Caroline Galactéros, il apparaît deux « angles morts » dans leurs explications :
le premier est technologique. La Russie possède un avantage décisif au niveau des missiles hypersoniques. Actuellement les russes peuvent neutraliser n’importe quelle cible, y compris atomique, dans le monde en se jouant de tous les systèmes antimissiles. Ils n’ont même pas besoin d’utiliser l’arme atomique pour détruire instantanément toutes les infrastructures de n’importe quel pays.
Le second est humain. Il est exact que l’on a affaire à une guerre entre frères slaves, ce qui explique le valeur des combattants ukrainiens. Le Mossad israélien a donné les chiffres des pertes ukrainiennes et russes, côté ukrainien il comptabilise 157 000 morts et 234 000 blessés soit 391 000 personnes hors de combat en 12 mois. De leur côte les russes déplorent 62 980 personnes hors de combat ce qui donne un rapport des pertes de 1 à 8. L’armée ukrainienne, malgré sa valeur, ne pourra pas tenir longtemps.
Il est donc urgent que les dirigeants occidentaux lisent ou relisent l’Évangile selon Saint Luc Chapitre 14 Versets 31 et 32
31 Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ?
32 S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
Comme quoi saint Luc devait avoir consulté Sun Tzu… Ou, plutôt, comme quoi il fut un temps où la spiritualité gouvernant plus souvent les hommes, ceux-ci se montraient davantage raisonnables que ne surent les rendre Descartes, Richelieu, Robespierre et le Buonaparte…