« Merci à Michel Michel qui permet de tels débats. » (Corcelles)
Par Michel MICHEL.
Ce commentaire particulièrement intéressant de Michel MICHEL – un beau texte d’esprit éminemment stratégique, « à la maurrassienne » comme disait Boutang – a suivi l’article publié hier jeudi par JSF : Actualité de Proudhon… Ce que Charles Maurras en a pensé et dit. L’on peut s’y reporter et lire aussi deux commentaires de Corcelles, qui sont, eux aussi, intéressants. Merci donc à l’un et à l’autre !
Les idées sont comme des armes ; elles sont efficaces sur la Cité quand on sait les combiner. L’art politique de Maurras, son génie, fut de savoir synthétiser des idées qui se présentaient comme antagonistes : autonomie provinciale ou nationalisme, socialisme ou entreprenariat, dictature ou anarchie, positivisme ou cléricalisme, etc. C’est cette stratégie d’alliance que Maurras désignait comme « le compromis nationaliste ».
Le diabolos divise, « analyse », oppose, au contraire qui veut agir doit « tricoter », « symboliser » (cf. le « symbole des Apôtres » comme signe de reconnaissance et d’unité) pour qu’ensemble, les différents ruisseaux aient la force d’un grand fleuve.
On comprend pourquoi le marxiste Antonio Gramsci a longuement étudié le travail « idéologique » de Maurras, comme exemple des alliances possibles pour constituer un « bloc historique » hégémonique, condition préalable nécessaire avant toute révolution.
C’est pourquoi, l’AF qui a pour finalité spécifique un changement de régime n’abandonne jamais le combat des idées, ferraillant contre les idées qui subvertissent la Bien Commun de la France et cherchant des alliances avec celles qui sont compatibles avec nos objectifs.
Les vrais « intellectuels » sont attirés par nos débats mais restent un peu « sur leur faim » métaphysique et c’est normal, car nous ne professons pas une « métapolitique » pure et unique : thomisme, positivisme, traditionalisme perrenialiste, aristotélisme ou platonisme, nietzschéisme ou providentialisme, valeurs universelles ou ethno différentialistes, ete, etc.
Nous visons à « conjuguer » les diverses « raisons » qui pourraient concourir au redressement de la France. Je ne vous serinerai pas le refrain de « la rose et le réséda » d’Aragon mais ce serait une erreur d’exiger que chacun veuille imposer sa foi et exclure ceux qui ne la partagent pas (même si croyants ou non, nous devons reconnaître l’importance de l’Eglise catholique dans la constitution de la France). Comme ce serait une autre erreur de demander à chacun de masquer ses convictions (à la façon dont le laïcisme républicain veut confiner le religieux à l’espace privé), car les convictions de chacun sont les principales motivations qui nous portent à agir.
Qu’on l’apprécie ou non, notre pays n’a jamais été si fragmenté ; nous sommes dans la situation de parents dont les enfants ont suivi des voies spirituelles différentes et qui veulent garder les liens dans leur famille. Mais il ne s’agit pas non plus exactement de « tolérance » mais plutôt, de rechercher en quoi les convictions des uns et des autres se « conjuguent » et se complètent, et en quoi leur opposition n’est souvent qu’une question de quiproquo qu’une traduction saura réduire (on peut dire les mêmes choses dans des langages différents).
Les inévitables confrontations auxquelles doivent s’habituer nos militants qui viennent de toutes les « familles spirituelles » de France sont l’occasion d’une maïeutique à l’issue de laquelle on comprend mieux les autres et on à glissé avec le temps dans des synthèses plus cohérentes, qui prendront en compte de multiples niveaux anthropologiques. ■
Maître de conférence en sociologie.
Dernier ouvrage paru …
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Comme souvent, Michel Michel parle d’or. Mais la pluralité qu’il appelle de ses vœux n’est-elle pas incompatible avec la référence constante à Maurras au sein de l’AF (je pose cette question le plus sincèrement du monde, en tant que royaliste non-maurrassien).
En tant que «royaliste non-maurrassien» moi-même, j’avance que, pour un mouvement ayant bénéficié à sa source d’intelligences aussi admirables que celles de Maurras, Bainville et Daudet, les gens de ce mouvement ne peuvent que recourir à telle «référence constante». On m’objectera, sans doute, que, à ce compte-là, pourquoi se montrer moins constant avec Daudet ou Bainville… Pour un mouvement qui est politique, Charles Maurras présente l’avantage surexcellent d’avoir exprimé de manière théorique, rationnelle (au bon sens du terme) et «systématique»… En cela, il représente une «référence» intellectuellement pratique et, par conséquent, supposée opérationnelle… Certes, sur ce dernier point, on peut discuter sur l’efficacité des diverses tentatives de mises en application de ce qui apparaît théoriquement impeccable… Mais, tant qu’il n’aura pas été mis au point en cette matière politique de meilleurs outils d’analyse, nous restons portés à nous y référer avec constance – sauf à parler d’autre chose…