PAR RÉMI HUGUES.
Article en 7 parties, publiées du lundi 27 février au dimanche 5 mars 2023. Étude ayant fait l’objet d’une conférence du Café d’actualité d’Aix-en-Provence qu’anime Antoine de Crémiers. (23.02.2023).
Ces lignes révèlent la grande naïveté dont faisait preuve Jaurès dans sa manière d’interpréter la Révolution de 1789. Son idéalisme patent étant la marque d’une compromission vis-à-vis du système libéral-démocratique, cadre institutionnel du capitalisme. Il fut l’homme du ralliement du mouvement ouvrier à ce système, lequel s’enorgueillit d’avoir inventé le meilleur des modèles politiques, appelé état de droit et se voulant protecteur des libertés publiques. Or il ne peut survivre qu’en annulant les règles qu’il édicte, qu’en instituant un état d’exception.
L’ordre public est effectivement plus aisé à maintenir dans le cadre d’un régime d’exception, sauf que cela implique de prendre des mesures jugées inacceptables en temps normal. Brissot avait bien conscience de cela : « Vous pouvez prendre en état de guerre des mesures que l’état de paix pourrait faire trouver trop sévères… »[1], a-t-il affirmé, rapporte Gaxotte.
Et ce tant en matière économique qu’en ce qui concerne les libertés publiques. Par exemple, la convertibilité de la Livre Sterling en or, assurant sa valeur financière, put être suspendue de 1797 à 1821 pour cause de guerres napoléoniennes sans créer trop de remous en Angleterre. On notera qu’il fallut attendre plus de six années après Waterloo pour que soit décidé son rétablissement effectif.
Et au sujet des libertés publiques, pendant la Première Guerre mondiale, bien que Charles Maurras fût un ardent défenseur de la censure et peu soupçonnable de sympathies pro-allemandes, il vit pourtant des parties de son livre L’étang de Berre, paru en 1915, être caviardées.
L’inflation galopante actuelle, conséquence des carences intrinsèques du système du Crédit – ou capitalisme – explique en grande partie le soutien sans limites des pays de l’OTAN en faveur de l’Ukraine. En dépit de leurs graves difficultés financières, ils parviennent néanmoins à débloquer des fortunes colossales pour aider le régime de Volodymyr Zelensky, en plus de lui fournir des armes de plus en plus lourdes et sophistiquées. Ils font fait pression sur lui pour que la guerre continue, empêchant un cessez-le-feu et des pourparlers de paix entre l’Ukraine et la Russie.
Ce conflit est pour eux une occasion en or permettant d’éteindre toute contestation interne, en braquant les projecteurs médiatiques sur le conflit. On se rappelle qu’il y a eu le mouvement des Gilets jaunes. Aujourd’hui c’est au Royaume-Uni que les tensions sont les plus vives. Et justement, selon un article de la BBC du 22 septembre 2022, Boris Johnson s’est opposé à ce qu’un accord de paix soit passé entre la Russie et l’Ukraine. Le Premier ministre britannique a déclaré à la chambre des Communes qu’il ne faut pas faire confiance à une offre de paix faite par la Russie. Car, a-t-il argué, la position de Vladimir Poutine est plus faible chaque semaine et que le Royaume-Uni doit rester dans la course face à l’« expansionnisme » russe.
Quant à la France, le projet de réforme des retraites joue le rôle de muleta du toréador pour masquer des problèmes économiques bien plus graves : dette publique abyssale, et surtout la crise énergétique, face la plus visible de l’inflation galopante que nous subissons. Cette fois, la C.G.T. est plus raisonnable que le gouvernement.
Quand, le 11 février 2023, à Marseille, des manifestants de la C.G.T. Ports et Docks ont pendu à leur camion une poupée à l’effigie d’Élisabeth Borne, amenant le secrétaire général de Renaissance Stéphane Séjourné à condamner sur Twitter cette « mise en scène abjecte », ils n’ont fait que répondre à la violence réelle de la politique économique actuelle à une violence symbolique, ce qui est beaucoup moins grave.
Pendaison qui n’est pas sans rappeler celle de Marianne par le cégétiste Émile Janvion le 3 août 1908. Rappelons ce que Charles Maurras écrivit dans L’Action française du lendemain : « La pendaison de Marianne devant la Bourse du travail est l’acte le plus significatif de notre histoire depuis le 14 juillet 1789 » ; l’événement est à mettre en perspective avec ce qu’il soutint dans L’Action française du 15 novembre 1900 : « un socialisme, libéré de l’élément démocratique et cosmopolite, peut aller au nationalisme comme un gant bien fait à une belle main. » ■ (Suite et fin).
[1]Cité par Pierre ibid., p. 239.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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