Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Quel est le point commun entre la visite du roi Charles III en France et l’examen de la loi dite « Darmanin » sur l’immigration ? Les deux sont des victimes collatérales du désordre et des violences dans lesquels la réforme des retraites a plongé la France : la visite royale est reportée au début de l’été, ce qui est fort regrettable, tandis que la loi sur l’immigration sera non seulement retardée mais aussi découpée en plusieurs textes, ce qui est inquiétant.
Quoi que l’on pense de la monarchie britannique, voire de la personne même du roi, la décision de ce dernier d’honorer la France de son premier déplacement à l’étranger revêtait une portée symbolique incontestable. La rencontre des Chefs d’État de France et de Grande-Bretagne, trois ans après le Brexit et alors que le « couple » franco-allemand ne représente plus grand-chose dans l’U.E., aurait bénéficié d’une aura toute particulière : voilà qui aurait conforté opportunément l’idée que l’entente directe entre les deux puissances nucléaires d’Europe occidentale n’est pas une option mais une nécessité. C’est donc malheureusement à Berlin que se rendra d’abord le roi Charles III et sa visite différée à Paris n’aura pas le même éclat.
Quant à la loi sur l’immigration, son saucissonnage annoncé n’augure rien de bon. On est fondé à craindre que ce ne soit l’occasion de mieux faire passer une mesure « de droite » (expulsions plus nombreuses et plus rapides) à l’effet incertain avec l’appui de la droite et une mesure « de gauche » (régularisations plus nombreuses et plus rapides) à l’effet assuré avec l’appui de la gauche. Petite manoeuvre politicienne, illustration de l’incohérence du « en même temps » érigé en système, qui n’aura comme conséquence certaine que la venue et la présence légalisée d’un grand nombre d’immigrés.
Certains penseront que cela n’est pas bien grave, l’important restant ce moment politique fort que nous vivons. Toutefois, sans porter de jugement de valeur sur le fond de la réforme, il faut admettre que le moment choisi était inopportun : M. Macron ne pouvait pas ignorer, vu la composition de l’Assemblée, que vouloir une telle réforme à un tel moment ne serait pas simple et que recourir à l’usage de l’article 49.3 provoquerait un fort mécontentement et des désordres – et qu’en conséquence c’est tout le calendrier de la vie politique française qui risquait d’être bouleversé
Ce qui devait arriver est arrivé : dès que la motion de censure de la Nupes eut été rejetée, des députés L.F.I. ont suspendu à un balcon du Palais Bourbon une banderole « On continue », le « on » soulignant bien la porosité entre députés et manifestants présents dans la rue. Pourtant, quelle que soit par ailleurs la décision du Conseil constitutionnel (au plus tard, le 21 avril), il reste que l’article tant décrié est parfaitement constitutionnel et ne saurait en principe donner lieu à quelque contestation que ce soit de la part de « républicains » proclamés, et encore moins servir de prétexte à la violence.
Or, les mêmes qui dénoncent ici un passage en force organisent là en sous-main des manifestations prétendument spontanées, lesquelles dégénèrent vite en émeutes, dans lesquelles on entend désormais des slogans qui n’ont rien à voir avec les retraites – slogans contre la police et ses modes d’action, contre la loi sur l’immigration (déjà !) et sur la légitimité d’un Macron que ces électeurs de gauche ont contribué à élire. Beau prétexte donc offert par M. Macron à une ultra-gauche, black bloc(s) et antifas en tête, toujours prête par sa violence à favoriser un chaos pré-révolutionnaire dont rêvent manifestement M. Mélenchon et ses affidé(e)s.
M. Macron a agi en connaissance de cause, et quelle que soit la part de calcul dans sa décision, le voici dans la posture, d’ailleurs revendiquée dans l’entretien télévisé du 22 mars, de garant de l’ordre public. Situation pour lui – mais aussi et surtout pour le pays – plus que préoccupante : dangereuse. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
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