Par Ludovic GRANGEON.
CONTRIBUTION / OPINION. Bien loin de réaliser la volonté populaire, les dirigeants des démocraties libérales servent simplement à maintenir le système financier à bout de bras, analyse Ludovic Grangeon.
La France est actuellement secouée par d’importants soubresauts successifs entre hôpitaux, énergie, dette abyssale, retraite, banlieues, enseignants, agriculteurs, incompétence à gérer la pandémie, vie chère, police, armée, élite déconnectée entre soi, écart croissant entre riches et pauvres devenu féodal, etc. En Europe, elle est accompagnée par l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Grèce. On oublie souvent les États-Unis, où de violents troubles locaux se produisent régulièrement, ainsi qu’au Canada. Le Mexique, l’Argentine, le Chili plongent dans le chaos.
Le terme de « démocratie » est devenu un outil de communication, un vernis factice qui correspond de moins en moins à une réalité très différente. Tous ces événements soulignent l’écart croissant, le déni de fait constaté par leur population. Les « démocraties » sont devenues des pseudo-démocraties, gérées par une technocratie froide, mondiale, monstrueuse, désincarnée, inspirée par la finance qui les contrôle par la dette. Comme les dealers proposant de la drogue facile à la sortie des lycées, la finance a rendu facile l’endettement des États qui sont devenus de fait sa propriété. La technocratie européenne « hors sol » de Bruxelles achève de totalement déshumaniser nos démocraties, comme le système fédéral aux États-Unis.
Au niveau des institutions, le caractère factice des représentations nationales subit une perte de confiance unanime envers la classe politique. Les élus deviennent des produits marketing franchisés. Ils sont « conseillés » par des agences de publicité ou des consultants internationaux qui fabriquent aussi maintenant les programmes des gouvernements à leur place… La vie politique elle-même est arrangée de façon à éliminer toute improvisation. L’organisation de primaires permet d’occuper l’espace médiatique et d’écarter tout concurrent gênant. Le « bénévolat » mis au service de ce système par les élites fortunées et la finance permet de masquer le coût réel de ces campagnes. Les techniques utilisées sont celles de la manipulation des foules, par des écrans de fumée médiatique, par l’invention de mythes qui font peur pour faire miroiter des solutions miracles éphémères déjà oubliées le soir des élections. Les techniques de Gustave Le Bon ou Edward Bernays sont reines.
La plupart des dirigeants propulsés par ce système sont devenus des « employés présidents » gérés par un cercle restreint, sponsorisés par quelques lobbies issus de la puissance financière. On ose à présent installer au sommet des membres directs du système financier qui n’ont souvent jamais été élus, Emmanuel Macron, Mario Draghi, Mario Monti, José Barroso, Mark Rutte, Rishi Sunak… Ils sont aussi parfois tenus par d’importantes connivences comme Josep Borrell, Ursula von der Leyen, ou apparatchiks sous contrôle comme Olaf Scholz. Ces « dirigeants » sont de simples contrôleurs de gestion chargés de surveiller des tableaux de bord basés surtout sur de la rentabilité comptable, par la suppression d’hôpitaux inutiles, la mondialisation industrielle de l’agroalimentaire, des profits accrus de l’énergie, la limitation des retraites et des aides sociales, la rentabilisation de l’enseignement, la constitution d’armées privées, etc. Les contributeurs électoraux de Joe Biden sont surtout des financiers ou des lobbies issus des multinationales avec l’agence Bloomberg au premier rang ou American Bridge supportée par Georges Soros, Marcus, les dirigeants du consultant Bain & Company ou du réseau LinkedIn.
Nos chefs d’État sont devenus de simples contremaîtres chargés de surveiller des cheptels pour le compte de propriétaires fortunés invisibles dans leurs refuges dorés de la finance anonyme internationale. Et tout ce système espère obtenir de la docilité des foules en leur soulignant quelle chance elles ont de vivre dans des « démocraties ». ■
Écrivain, conférencier en management et essayiste
En kiosques…
Magnifique et irréfutable analyse du « système »
Ils écrivent «finance anonyme et internationale», n’osant pas répéter le «finance anonyme et vagabonde» de Maurras… Leur mot hasardé et leur précaution revêtent plusieurs significations, que l’on peut classer sous deux rubriques : 1. ils sont allés jeter un œil sur Maurras ; 2. nommer Maurras leur écorche l’élocution. Ainsi dit de ma part, cela ne semblera peut-être pas devoir être relevé comme le plus notable ; quoi que…
Dernièrement, JSF a été bien inspiré de reproduire des observations de Jacques Bainville sur l’exercice du suffrage «populaire» à grande échelle. Je ne sais trop si, à cette époque de son Journal, de tels propos pouvaient paraître aussi hurlants de vérité qu’à l’heure actuelle, aussi hurlants que peuvent aujourd’hui sonner ceux de «finance anonyme et vagabonde»…
La question qui se pose repose sur le «raisonnement» de Maurras, à son origine, et sur la «résonance» qu’il pourrait avoir aujourd’hui dans les réflexions des républicains encore acquis, quoi qu’ils en disent, aux systèmes démocratiques.
Les Populo-frontistes et autres «Causeurs» sont-ils bien mûrs pour mener un peu plus loin leurs réflexions du moment et se rendre à l’évidence maurrassienne de la seule pertinence monarchique – et ce, jusques y compris dans sa dimension «catholique et royale», qui en constitue l’essentiel –, sont-ils intellectuellement mûrs pour cela ? En tout petit comité et sous le sceau du secret, peut-être, un tantinet ; mais, en pleine face de l’actualité, je ne les crois encore capables que de vaguement ratiociner sur «les Français» qui «ne sont toujours pas remis d’avoir coupé la tête du roi»… Considération totalement irrationnelle dans les prolongements brumeux qu’elle implique. Et, surtout, considération inexacte au premier chef : ce ne sont pas LES Français qui ont coupé la tête du roi, mais une coterie, coterie démocratisante en travail de coagulation du reste autour de son noyau républicain.
Par ailleurs, il ne faut pas compter pour anecdotique leur argument massu(e) (en général, pour faire le calembour qui s’impose), cet argument, qui repose sur l’incantation majeure concernant ceux désignés à la vindicte science-politique comme n’ayant «jamais été élus»… D’Onfray à Zemmour, la litanie plébéienne est en passe de devenir obligatoire. Alors que, ce fait contient sa validité républicaine en ce que les «jamais élus» se réclament de l’avoir sensiblement été, en fin de compte, par le truchement des institutions démocratiques, elles plébiscitées, les ayant mis en poste… En effet, la pleine cohérence voudrait alors que l’on reprochât aussi aux membres des gouvernements de France de ne pas être élus non plus – d’ailleurs, on y arrive doucement… Si bien que la seule déduction qui s’impose à eux ne peut tenir qu’à des «institutions» qui ne seraient plus adaptées au point actuel de la Modernité… Ils les veulent donc «améliorer», c’est-à-dire qu’ils entendent les conduire à «plus de démocratie»; en somme, à paver de leurs bonnes intentions la voirie, à la «moderniser» par asepsie sentimentale, ce qui reviendrait, par exemple, «à reprendre le grand mouvement de 1789», selon la formule prêtée au comte de Chambord. Cette formule me semble tout droit sortie de la cervelle d’un «conseiller politique», ce que l’on appelle désormais un «communicant»…
En fait, le comte de Chambord entendait DÉ-CEN-TRA-LI-SER… Cela correspond à la remonarchisation d’une France gangrené de longue date par le centralisme, qui ne peut prendre figure «légitime» que sous maquillage démocratique, raison pour laquelle les entreprises des Richelieu de tous moments ne peuvent que faire le lit des Robespierre et Maqueron à suivre… Or, démocrates, bonapartistes et autres «louisquatorzistes» prétendus ne peuvent évidemment que reprendre à leur compte l’«amalgame» falsificateur de l’Usurpateur assenant à coups de nomination à la tête des États conquis par «la générosité de la France» (on croit cauchemarder, mais c’est la réalité historique) : «Depuis Clovis jusqu’au Comité de salut public, je me tiens solidaire de tout». Propos que répètent jusqu’à s’en égosiller les analyses tous les Éric Zemmour d’aujourd’hui. Si bien, d’ailleurs, que notre gyrovague démocrato-bobarpartiste (la faute de frappe est assez savoureuse, je ne la corrige donc pas, je lui ajoute même un r rectificateur), notre gaillard, donc, en vient à ressasser à l’envi son «mantra» républicain préféré, selon lequel (d’après un obscur théoricien boche – on renie sa haute alémanité lorsque l’on profère de méchantes imbécillités) il existerait une «violence légitime de l’État» et, de surcroît, celui-ci ne le fût-il pas (légitime), à son propre point de vue antécédent… Ce qui se révèle bien empêtré de leur part.
Je ne crois pas trop à ce que les Onfray ou Zemmour s’en remettent un beau jour à Maurras ; ils sont trop «modernes» pour oser s’y frotter sincèrement. Je ne parle proprement pas des personnalités ainsi identifiées par la publicité politique, je ne les nomme qu’en ce qu’elles représentent certaines voies d’évolution des opinions.
Cher David, cette expression n’est pas de Maurras mais du Prince, le duc d’Orléans dans son manifeste de San Rémo, qui fit assez grand bruit à l’époque.
Merci pour cette rectification – j’étais certain de mon attribution ; comme quoi, il y a lieu de toujours et sans cesse vérifier. Merci encore, cher Philippe.