Par Anne Bernet*
Une vision religieuse et catholique d’un des grands événements de l’histoire européenne.
« Ce que vous demanderez par mon rosaire, vous l’obtiendrez », assure Marie à saint Dominique. Le rosaire, récité par tous en des périls pressants, a souvent obtenu des renversements de situation miraculeux. Lépante en est l’exemple.
Depuis qu’ils ont pris Constantinople et le contrôle du Bosphore, en 1453, les Ottomans règnent sur la Méditerranée orientale. Un siècle plus tard, ils rêvent de conquérir tout le Bassin méditerranéen et l’Adriatique, avant la victoire définitive sur l’Occident chrétien.
Le sultan veut prendre Rome
Souvent, la papauté a appelé à une croisade. En vain. Français, Anglais, Espagnols, Allemands, Slaves ont mieux à faire que se réconcilier. Chacun se méfie du voisin plus que du sultan et celui-ci, faute d’un front commun, va de succès en succès. Ses navires prennent à l’abordage les vaisseaux de commerce isolés, razzient les côtes de Méditerranée. Prendre Rome est un objectif raisonnable. Pie V, le dominicain Michele Ghislieri, monté en 1566 sur le trône de saint Pierre, va empêcher ce dénouement. En 1570, les Turcs prennent Chypre, Candie, Zante, Céphalonie, possessions vénitiennes, s’ouvrant l’accès aux Balkans dont le contrôle leur permettra de prendre la chrétienté à revers.
Pie V écrit aux doges de Venise et Gênes, aux Florentins, à Philippe II d’Espagne, à Charles IX de France, au tsar de Russie Ivan IV, à Sigismond II de Pologne, et les conjure de se liguer contre l’ennemi commun. À l’exception de la France, tenue par son alliance avec la Sublime Porte, par les guerres entre réformés et catholiques, et qui se méfie de Philippe II, les princes, cette fois, répondent présents et envoient des troupes. Cette force de 36 000 soldats et 230 vaisseaux est surtout composée de Vénitiens et d’Espagnols. À défaut du duc d’Anjou – le futur Henri III – qui a prouvé sa valeur militaire et son catholicisme mais qui ne peut quitter la France, Pie V donne le commandement de cette armée au demi-frère bâtard de Philippe II, Don Juan d’Autriche, âgé de 24 ans.
La vision de saint Pie V
La flotte appareille début août 1571, inquiète : l’on vient d’apprendre la chute du dernier bastion chrétien cypriote, Famagouste, et le massacre de ses défenseurs. En bon dominicain, le pape demande à la catholicité de réciter chaque jour le rosaire pour le succès de ses armes, la défaite des infidèles, la fin de la menace musulmane. Une immense vague de prière enfle sur l’Europe. Pendant ce temps, les troupes de Sélim II savourent leur victoire, loin d’imaginer l’arrivée d’une flotte catholique coalisée.
Lorsque Don Juan d’Autriche et ses galères débouchent, le 7 octobre 1571, dans le détroit de Corinthe et en ferment l’accès, interdisant tout repli, l’ennemi est surpris en infériorité numérique. Une chute de vent empêche les Ottomans de manœuvrer, les mettant dans une situation désastreuse. Écrasés sous les boulets vénitiens, leurs navires sombrent en quelques minutes. Les galériens chrétiens, chaînes brisées, se jettent sur les Turcs ; les survivants sont massacrés par les Grecs sur le rivage. Trente mille Ottomans trouvent la mort. La victoire est totale.
À la même heure, à Rome, Pie V s’approche de la fenêtre, silencieux puis s’écrie de rendre grâces : il a eu la vision de la destruction de la flotte ennemie dans ses moindres détails, que les premiers courriers confirmeront point par point.
Dès l’année suivante, le 7 octobre verra célébrer Notre-Dame de la Victoire, ou du Rosaire. ■
Illustration de haut de page : La galère de Don Juan d’Autriche au Musée Maritime de Barcelone.
Ce beau texte d’Anne Bernet est daté du 23 mars 2023 et a été publié par Michel MICHEL sur sa page Facebook, il y a trois jours.