Par Gérard Pol.
L’adversité – la vraie, où tout est engagé, tout peut être perdu – fait presque spontanément renaître l’héroïsme. Et le nourrit. C’est ainsi que des hommes, mais aussi des peuples, des nations et des civilisations amoindries, avilies, se reprennent, restaurent l’héroïsme ordinaire et, même, parmi les croyants et d’autres que les croyants, fait réapparaître des saints.
Ce n’est pas dans la mollesse de la réussite et de l’opulence finissantes que se forgent les renaissances et que, de nouveau, se répand l’appel, l’élan vers les sommets.
Au cours de la dernière guerre, justement, De Gaulle rapporte avoir conseillé au jeune Shah d’Iran : « Tenez-vous toujours sur les sommets : il n’y a pas d’encombrement. »
Pierre Boutang, lui, pariait sur la réémergence d’un nouvel « âge des héros ». On le croyait utopiste. Je pense qu’on avait tort. Nous entrons dans un temps d’extrême déréliction, d’extrême violence. Vient ou revient alors un nouvel âge des héros. Telle était son espérance : « L’âge des héros rebâtira un pouvoir ; il n’est pas de grand siècle du passé qui ne se soit donné cette tâche… ».
Je me souviens d’avoir demandé un jour à Jean-François Mattéi, le philosophe que nous admirions, mes amis et moi, et qui avait été d’ailleurs l’élève de Boutang, si son pessimisme était total, absolu, sans retour. Si dans son regard sur le monde actuel, il n’y avait aucun espoir. Après un silence triste et pensif, il a répondu : « Heidegger pensait qu’à la fin, tout recommence. »
C’est une pensée pour âge des héros. Une pensée pour hommes de plein vent, disait aussi Gustave Thibon. À formuler sans forfanterie ni prophétisme. Avec humilité. Car il s’agit simplement du mouvement de balancier qui fait rouler inlassablement des abimes aux sommets et l’inverse, les sociétés humaines. ■