C’est le dernier (en date) mais on espère bien que ce ne sera pas le dernier: Jean-François Mattéi sort, chez Sulliver, Le sens de la démesure.
Présentation de l’éditeur
Le vingtième siècle aura été le siècle de la démesure. La démesure de la politique avec des guerres mondiales, des déportations et des camps d’extermination, qui a culminé avec deux bombes atomiques larguées sur des populations civiles. La démesure de l’homme, ensuite, puisque ces crimes ont été commis au nom d’idéologies abstraites qui, pour sauver l’humanité, ont sacrifié sans remords les hommes réels. La démesure du monde, enfin, avec une science prométhéenne qui a tenté de percer les secrets de l’univers, une technique déchaînée qui a cherché à asservir la nature et une économie mondialisée dont les échanges ont imposé le prix des choses au détriment de la dignité des hommes. Nietzsche avait clairement établi le diagnostic : « La mesure nous est étrangère, reconnaissons-le; notre démangeaison, c’est justement la démangeaison de l’infini, de l’immense. » Le sens de la démesure semble être une fatalité, aussi n’est-il pas étonnant que, déjà chez les Grecs, dans le mythe, la tragédie, la physique, l’éthique ou la politique, il se situe au coeur de la réflexion. Au travers de la tentation de la raison d’abolir toute limite, de remettre en cause la finitude humaine, la démesure témoigne du tragique de notre condition. Les Grecs, et c’est l’enseignement de ce livre, se sont attachés à la comprendre pour la convertir en cette mesure qui permet de redonner un sens à notre existence.
Biographie de l’auteur
Jean-François Mattéi, membre de l’Institut universitaire de France, est professeur émérite à l’université de Nice-Sophia Antipolis. Il a publié récemment La Barbarie intérieure (PUF, « Quadrige », 2004), De l’indignation (La Table Ronde, 2005), L’Énigme de la pensée (Ovadia, 2006) et Le Regard vide. Essai sur l’épuisement de la culture européenne (Flammarion, 2007, prix Montyon de l’Académie française).
Effectivement, Nietzsche n’admet pas les théories faisant du progrès un processus inéluctable et en analyse les causes comme étant une laïcisation du providentialisme chrétien.
Quant aux enseignement du platonisme, dit Nietzsche « je trouve qu’il s’écarte tellement de tous les instints fondamentaux des Hellènes et je le trouve si imprégné de morale, si chrétien avant la lettre(….) que j’utiliserais à l’égard de tout le phénomène Platon, plutôt que tout autre épithète, celle de « haute fumisterie » ou si l’on préfère « d’idéalisme » ».
Par contre, la philosophie Nietzschéenne, essai de donner à l’histoire européenne, décrite comme un processus de décadence dû au nihilisme judéo-chrétien, une orientation positive par l’avènement d’un type d’homme de grande intellectualité et de forte volonté capable de supporter la réalité, assez fort pour vivre dans le monde tel qu’il est sans avoir besoin d’un sens absolu.
Elle conçoit une doctrine qui remplace les valeurs d’affaiblissement, par des valeurs d’accroissement de force, substituant à la morale à rendre esclave une morale à rendre libre.
Et si l’on sort du monde des concepts pour entrer dans celui des réalités, celui de l’histoire qui a suivi la vie et la mort de Nietzsche, force est de constater – ce qui ne lui enlève d’ailleurs absolûment rien – que c’est l’inverse de ce dont il rêvait qui s’est produit …
Le type d’homme dont nous avons vu, en effet, l’avènement, n’a, à l’évidence, rien à voir avec l’archétype décrit dans le commentaire précédent.
Il est même assez probable, pour ne pas dire tout à fait évident, qu’il est plus éloigné encore du modèle Nietzschéen que ne l’étaient les hommes de son temps …
Si l’on observe un tant soit peu attentivement, le monde actuel, tel qu’il est, non tel qu’on voudrait qu’il soit, il est vrai que cela fait une drôle d’impression – impression de très grand irréalisme – de lire ce genre de mise en opposition :
« La philosophie Nietzschéenne essaie de donner à l’histoire européenne, décrite comme un processus de décadence dû au nihilisme judéo-chrétien … » (lequel a tout de même construit en 15 siècles l’une des civilisations les plus prospères, les plus florissantes et les plus entreprenantes que l’humanité ait jamais connues)
» …. une orientation positive par l’avènement d’un type d’homme de grande intellectualité et de forte volonté capable de supporter la réalité, assez fort pour vivre dans le monde tel qu’il est sans avoir besoin d’un sens absolu.
Elle conçoit une doctrine qui remplace les valeurs d’affaiblissement, par des valeurs d’accroissement de force, substituant à la morale à rendre esclave une morale à rendre libre ».
Vraiment, tout le contraire du monde tel qu’il est, tel qu’il va …
Ma chère LORI, je crains hélas que vous n’ayez raison.
Votre dernière remarque « le monde tel qu’il est et tel qu’il va.. », n’est ni plus ni moins que le résultat d’une lutte entre des systèmes de valeurs exprimant des types humains différents et des intérêts spécifiques.
Accepter « le monde tel qu’il est et tel qu’il va », sans le secours d’évasions mentales vers un au delà imaginaire, voilà le vrai sens l’enseignement des Hellènes sur la « finitude humaine », dont parle JF Mattéi dans la présentation de son livre.