Commentaire – Cet intéressant entretien – qui nous ramène une fois encore aux affaires américaines – est paru hier dans Le Figaro. On en débattra autant qu’on voudra. Nous n’avons pas à nourrir pour Donald Trump, typique d’un monde fort éloigné de ce que nous pourrions appeler au sens authentique la civilisation européenne, une considération particulière. Néanmoins la politique belliciste du clan démocrate, de même que les relents wokistes qui caractérisent l’Administration Biden et dont l’Europe et la France font d’ailleurs les frais en retour, sont à coup sûr pour nous-mêmes de redoutables dangers. De ce seul point de vue, il nous semble clair qu’une défaite de sleeping Joe aux prochaines présidentielles américaines serait, au moins pour nous, une bonne nouvelle. Dans le lourd contexte mondial actuel, ce n’est pas un enjeu de peu d’importance…
« Donald Trump inculpé pour la troisième fois. Mais ses partisans n’y accordent que peu d’importance. Ils l’aiment non pas pour ce qu’il a fait ou n’a pas fait mais parce qu’il est détesté par les mêmes personnes qui les détestent. » (Rob Dreher, Atlantico, 3 août)
Entretien par Ronan Planchon.
ENTRETIEN – Un sondage de l’institut Siena pour le New York Times donne Donald Trump en tête des primaires républicaines, loin devant son principal rival Ron DeSantis. Pour Olivier Piton, auteur de plusieurs livres sur la politique américaine, les déboires judiciaires de l’ancien président lui profitent sur le plan électoral.
Olivier Piton est avocat en droit public aux États-Unis et élu à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Il a publié plusieurs ouvrages remarqués, comme La Nouvelle Révolution américaine (Plon, 2016) et Kamala Harris. La Pionnière de l’Amérique (Plon, 2021).
LE FIGARO. – Selon un sondage du renommé institut Siena pour le New York Times, Donald Trump écraserait les primaires républicaines avec 54% d’intentions de vote. Comment expliquer cette popularité malgré les inculpations, le Capitole, etc.?
Olivier PITON. – Je l’explique non pas malgré, mais en raison des inculpations. Depuis deux ans, on a remarqué qu’à chaque fois que Trump était inculpé, voire condamné, son socle d’électeurs avait tendance à se solidifier et à augmenter en volume. Le paradoxe, lors de cette campagne à venir, c’est que plus l’ancien président est attaqué en justice, plus il creuse l’écart avec ses poursuivants. Selon les derniers sondages, il a environ entre 35 et 40 points d’avance sur Ron DeSantis.
Sur quels thèmes vont se jouer les primaires ?
En fait, il y a deux primaires: la primaire des républicains et la primaire de Donald Trump. La primaire des républicains, c’est une primaire de retour aux valeurs conservatrices traditionnelles, avec plusieurs angles d’attaque nouveaux. Le premier, c’est la lutte contre ce qu’on appelle le wokisme, la cancel culture, etc. Le gouverneur de Floride Ron DeSantis a axé sa campagne sur ces thèmes. Mike Pence, lui, tente d’incarner le retour à une droite plus traditionnelle aux États-Unis, il fait campagne sur la baisse d’impôts, la défense de la peine de mort, du port d’armes, de la lutte contre l’avortement.
Et puis, il y a la campagne de Donald Trump qui tourne autour d’un seul thème: Donald Trump. En 2016, il était extrêmement disruptif et en même temps, il rompait un certain nombre de totems politiques pour aborder des sujets, qui jusqu’à présent ne l’avaient jamais été: la place des États-Unis dans le monde, le problème de la désindustrialisation, l’Otan… Qu’on l’apprécie ou non, Trump a permis une vraie réflexion sur un certain nombre de sujets supposément consensuels aux États-Unis.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans le même cas de figure. Là, Donald Trump parle de Donald Trump. Il n’a plus aucun autre sujet de débat que lui-même. Reste à savoir jusqu’à quel point les électeurs vont le suivre dans cette espèce de mano a mano autocentré.
Bien qu’il incarne lui aussi une forme de populisme DeSantis est-il trop «lisse» pour l’électorat républicain face à Trump ?
DeSantis n’est pas lisse du tout. Il est formaté pour gagner, avec un parcours quasi-parfait: il est jeune, il a été dans l’armée, il a des diplômes, et c’est un très bon gouverneur de Floride selon les Floridiens puisqu’ils ont largement réélu l’année dernière. Normalement, il devrait remporter la primaire sans aucune difficulté. Mais le problème s’appelle Donald Trump et face à lui semble, n’importe quel candidat paraît fade, lisse, sans charisme. Donald Trump occupe l’intégralité de l’espace politique et médiatique. Et les électeurs ne cherchent pas, pour l’instant, à comparer les thèmes de campagne et les programmes, mais les personnalités.
De plus, Donald Trump surfe toujours sur le côté antisystème. Il y a chez ses électeurs une volonté de se venger d’un système qu’ils accusent d’avoir voulu voler la dernière élection présidentielle.
Derrière ce sondage, doit-on y voir une victoire du populisme première génération face à une nouvelle forme de populisme, plus structuré (ce que le politologue britannique David Goodhart a appelé un «populisme décent»), qui s’accommode davantage avec certaines logiques technocratiques et institutionnelles, incarné par DeSantis ?
Une chose est sûre, toute la droite américaine a basculé dans le populisme. Le moins populiste d’entre eux, Mike Pence est crédité de seulement 3 à 4% des intentions de vote.
Encore une fois, les électeurs se focalisent uniquement sur les ennuis judiciaires de Donald Trump. Les programmes de Trump et de DeSantis sont assez similaires, je ne crois donc pas que l’on puisse parler de populisme de première et de deuxième génération. La différence se fait sur la personnalité du candidat, sur le casting. Pour l’instant, les électeurs se positionnent uniquement pour ou contre Trump.
S’il remporte les primaires, Trump, avec ses frasques et son bilan, ne risque-t-il pas de faire fuir l’électorat modéré face au candidat démocrate, à l’inverse de DeSantis ?
Si la question est de savoir si Donald Trump peut gagner la campagne présidentielle, la réponse est oui. À moins qu’il soit en incapacité de se présenter en raison de ses ennuis judiciaires. Le principal problème des démocrates s’appelle Joe Biden, et en particulier son âge. Vous avez raison de souligner que les indécis font l’élection présidentielle, et ces gens-là n’ont pas fondamentalement envie de voter pour Donald Trump en raison de son passif juridique notamment. Mais pour autant, vont-ils se déplacer dans les urnes pour voter Joe Biden? Est-ce qu’à leurs yeux, le danger que représente Donald Trump est suffisamment fort pour contrebalancer le fait de renvoyer un octogénaire à la Maison Blanche? Ce n’est pas sûr. Cet électorat, qui est l’armée de réserve des démocrates, risque de ne pas se déplacer.
Les démocrates misent sur la détestation de Trump et la peur de le voir à nouveau au pouvoir. Le problème, c’est que le Joe Biden de 2024 ne sera pas celui de 2020. ■
J’approuve sans réserve le chapô de JSF : Trump m’inspire la plus profonde antipathie, mais sa victoire serait bénéfique pour la France (les USA cesseraient un peu de fourrer leur nez partout) et même pour les USA (pour la même raison). Par rapport à ce vieux gâteux corrompu et belliciste de Biden, y’a pas photo…