Par Régis de Castelnau dans Front Populaire.
Commentaire – Cet article a été publié le 26 août dans Front Populaire. Régis de Castelnau y établit avec talent, entre les insouciantes futilités politiciennes françaises et occidentales à prétextes soi-disant culturels et la gravité des bouleversements du monde où l’Europe joue sa survie, un saisissant contraste. Sur ces derniers – les boulersements du monde en cours – Répétons nous : Présentes et à venir, les fragilités étatsuniennes de divers ordres, jointes aux ambitions impériales hégémoniques maintenues et aux pulsions de fuite belliciste de cette (encore) hyperpuissance, devraient nous convaincre de la relativité des alliances et de leurs risques. Le souci de toute politique étrangère de la France devrait se limiter à la défense tous azimuts de ses intérêts propres. Ne pas se laisser entraîner au-delà. A fortiori dans la guerre ! « Que la France pourrait manœuvrer et grandir », fût-ce dans un monde de géants en compétition ou en conflit, c’était la toute simple politique étrangère – appelée, plus tard, « Realpolitik » – que proposait Maurras au siècle dernier dans son Kiel et Tanger. L’Action française, les patriotes, n’ont qu’à tenter – tout en l’actualisant – de s’y tenir. »*
CONTRIBUTION / ANALYSE. Dans l’indifférence occidentale quasi-générale, une conférence internationale historique a eu lieu à Johannesburg, rassemblant une quarantaine de pays. Pendant que le monde médiatico-politique est occupé à commenter et à alimenter des polémiques puériles, l’histoire s’écrit sans l’Occident, déplore l’avocat Régis de Castelnau.
« Un contexte de guerre mondiale hybride qui voit le monde échapper à l’hégémon. »
La « gauche française » qui s’autoproclame héritière des mouvements ouvriers syndicaux et sociaux qui furent puissants au XIXe et au XXe siècle continue à tomber à pieds joints dans tous les pièges et à donner le spectacle d’une totale inutilité politique, accaparée qu’elle est par des débats et des polémiques ineptes. Tout en manifestant une incapacité assez terrifiante d’appréhender le monde, qui vit un « changement que l’on n’a pas connu depuis 100 ans », selon la formule du président chinois, acteur essentiel de ce changement.
Quiconque ouvre ses fenêtres sur le monde constate que nous vivons une période historique. La globalisation, comme forme moderne de la domination occidentale, touche à sa fin. Le Titanic prend l’eau de toutes parts. Pas sûr que l’on échappe à la guerre nucléaire, mais en France, le pays où un président dépassé subit humiliation sur humiliation, on débat furieusement de deux questions essentielles. Une chanteuse, toute de notoriété inconsistante et d’arrogance tranquille, a trouvé utile de revendiquer un positionnement politique « de gauche », en disant du mal d’un vieux droitard auteur des chansons dont les gens se rappellent. Dans l’une d’entre elles, il rendait hommage à la présence dans les bals populaires de « l’ouvrier parisien, la casquette en arrière, qui tourne, tourne, tourne bien ». Il n’y a plus d’ouvrier parisien, ça n’existe plus. C’est dire s’il est vieux le droitard.
Désormais, à la place il y a des gens qui votent Hidalgo, circulent en trottinette, achètent bio, et écoutent la chanteuse que personne ne connaît. Normalement, cette histoire aurait dû nous passer au-dessus de la tête. Mais non, dans la presse, sur les réseaux, partout, une polémique géante, et avec les politiques qui s’en mêlent. Un ban pour Karl Olive, député macroniste voulant à toute force remporter la palme du plus grotesque, et poussant sa chansonnette sur Twitter.
On pouvait légitimement rester à l’écart de cette séquence dérisoire en en vaquant à d’agréables activités estivales. Jusqu’au moment où je suis tombé sur un article de Libé parlant de « polémique absurde ». Ça m’embêtait d’être du même avis que l’organe central de la gauche woke, incontestable boussole qui indique le sud. Il a donc fallu se pencher sur le problème, pour avoir l’explication. L’incendie dans l’infosphère, procédait en fait de l’affrontement rageur entre ceux qui en tiennent pour la culture populaire, capable évidemment d’être parfois ringarde, et cette petite bourgeoisie subventionnée. Celle qui a justement remplacé les ouvriers parisiens, peuplée d’artistes bidon qui portent, comme signe extérieur de richesse, leur « progressisme » et leur mépris du peuple à la boutonnière. Et cette rage, comme elle vise ses lecteurs, cela inquiète Libé de voir la « guerre culturelle s’inviter aussi chez nous ». On a les batailles d’Hernani qu’on peut, mais on va se consoler en se disant que la lutte des classes, c’est comme le diable, on la trouve aussi dans les détails.
La politique partie en congés
Et puis on se disait qu’avec les universités d’été des différentes organisations le politique allait faire son grand retour. Illusion de courte durée avec la polémique autour du chanteur de rap Médine invité par les écolos et LFI à débattre dans leurs réunions, et par les cocos à chanter à la fête de l’Huma. Médine est un rappeur « sulfureux » qui produit des textes discutables et discutés, affichant une proximité avec l’islam politique et l’antisémitisme qui parfois l’accompagne. Le piège était grand ouvert et la gauche s’y est par conséquent précipitée. L’objectif des invitations était évidemment à visée électoraliste, chacune des trois organisations concernées visant à caresser dans le sens du poil, ce qui constitue dans les banlieues un socle qui peut garantir des réélections. Mais pour la fête de l’Huma, il s’agissait bien d’inviter « l’artiste » à se produire. Pour les deux autres, inviter Médine à débattre, c’était bien séparer l’homme de l’artiste, en conviant l’acteur politique à venir donner son avis. L’antisémitisme musulman est une vraie question qu’il est particulièrement difficile de traiter sereinement, d’abord parce qu’il cohabite avec un vieux fond d’antisémitisme européen dont tout le monde craint la résurgence, et ensuite parce que le conflit israélo-palestinien s’invite facilement chez nous du fait d’une importante communauté maghrébine. Alors, il ne fallait pas trop en demander aux adversaires des partis de la NUPES pour en faire des tonnes et les enfermer dans un corner. Les explications et la défense de leurs dirigeants ont été calamiteuses. À longueur de colonnes la question posée était de savoir si un jeu de mots concernant l’essayiste Rachel Khan, qualifiée de « reskhanpé », était ou non antisémite, à l’égal de celui de Jean-Marie Le Pen en son temps, le fameux « Durafour crématoire ». Avec exégèses savantes sur l’orthographe du nom et la place du « h », Khan étant différent de Kahn. La lutte contre l’antisémitisme est un combat jamais fini, mais on voit bien que l’instrumentalisation de ce débat n’a qu’un enjeu, celui d’un combat politicien.
Alors le spectacle de Mathilde Panot arc-boutée dans le déni, refusant le débat, s’abritant derrière le mantra « ignoble complot d’extrême droite » avait quelque chose d’un peu effrayant.
Il fallait aussi écouter les contorsions de Madame Tondelier, sur France Inter qui, adoptant le ton suffisant de la maîtresse d’école, assénait en substance : « Médine il est gentil, mais un peu neuneu. Il est antisémite d’accord, mais c’est à l’insu de son plein gré. Alors nous, les Verts, on l’a invité pour lui expliquer que c’est mal. Et après grâce à nous il aura à la foi du converti à l’anti-antisémitisme. » Si Médine se rend quand même à l’invitation, cela voudra dire qu’il n’a pas beaucoup d’amour-propre.
L’histoire sans l’Occident
Et pendant ce temps, se déroule à Johannesburg un événement historique, une conférence internationale qui rassemble 40 pays importants représentant les deux tiers de la population mondiale. Les fameux BRICS, composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, ont été créés initialement comme un club. Ils se sont transformés en organisation internationale qui a décidé de prendre en charge pour sa part l’avenir du monde. Son PIB cumulé est déjà supérieur à celui de l’Occident combiné que représente le G7. Les débats portent sur plusieurs sujets dont les deux tout à fait essentiels que sont la dé-dollarisation des échanges internationaux et l’élargissement de l’organisation internationale. La presse française est quasi muette sur ce qui se passe au contraire de la presse internationale y compris anglo-saxonne. Il faut lire les interventions de notre ami Jacques Sapir qui explicite les problématiques qui donnent lieu à débat et l’expression de positions parfois contradictoires. L’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud ont des positions nuancées concernant les rapports avec l’Occident en général et les États-Unis en particulier. La Chine semble vouloir tenir les deux bouts de la chaîne, mais la Russie est clairement sur une ligne d’affrontement.
Le président Xi Jinping a fait un certain nombre de propositions et a insisté sur le fait que les BRICS devaient promouvoir un monde multipolaire réel en accueillant de nouveaux membres. L’objectif étant de jouer un rôle de plus en plus important sur la scène internationale en dépit des turbulences. Il est à noter que l’élargissement prévu à l’Arabie Saoudite et aux pays du Golfe aboutirait quasiment à incorporer l’OPEP au sein des BRICS. En attendant l’absorption probable de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS).
Vladimir Poutine n’était pas présent à Johannesburg pour cause de procédure de la CPI, ce qui ne l’a pas empêché de produire en visioconférence une intervention d’une grande fermeté. Pour lui les pays membres des BRICS doivent s’opposer à toute hégémonie et politique néocolonialiste d’un l’Occident responsable de la crise ukrainienne. Le ministre des Affaires étrangères russes Sergueï Lavrov s’est multiplié et a repris à son compte l’analyse selon laquelle : « De même qu’au siècle dernier, la défaite du fascisme en Europe par l’Armée rouge a donné un puissant élan au mouvement anticolonial dans le monde entier, de même aujourd’hui la défaite des néo-fascistes ukrainiens soutenus par l’Occident servira de facteur pour contrer le néo-colonialisme moderne. »
Vladimir Poutine a invité à poursuivre résolument le processus de dé-dollarisation du monde par l’utilisation des monnaies nationales pour les échanges et la création à terme d’une monnaie commune.
Pendant que ces événements métahistoriques se déroulent, la guerre continue sur le théâtre ukrainien, avec une contre-offensive transformée en massacre des troupes ukrainiennes, le bilan actuel difficilement contestable aboutit à des taux de perte supérieure à ceux subis par les États-Unis pendant toute la Seconde Guerre mondiale ! La plupart des observateurs anglo-saxons, sérieux, considèrent que la défaite non seulement de l’Ukraine, mais également de l’OTAN est consommée. Avec tous les risques que cela comporte d’une escalade à base de décisions irréfléchies de la part des États-Unis. Lesquels États-Unis continuent à donner le spectacle d’un empire en décomposition. Une des questions étant de savoir si l’élection présidentielle de 2024 pourra se dérouler.
Tout cela n’intéresse pas le système médiatique français soucieux de relayer un récit sans prise sur le réel, avide de polémiques débiles et de faits divers. Les partis politiques font de même, comme le démontrent les programmes des universités d’été dans lesquels l’international est réduit à la proportion congrue.
La transformation du monde se passe sous nos yeux ? L’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué un ébranlement mondial ? L’Afrique francophone nous chasse ? L’Union européenne court à l’abîme économique ? L’hégémonie américain est en voie de dislocation ? Tout ceci n’a aucune importance, ce qui compte, c’est de savoir si Médine a fait une « quenelle » ou si les paroles des « Lacs du Connemara » sont mieux que celle de « Foncer, t’aimer, woh ». ■
Source
* Lire du même auteur (dans JSF)
Iceberg droit devant pour le Titanic américain
Pourquoi s’inquiéter ? Macron nous fournit gratuitement des préservatifs !
(En attendant les comprimés d’iode)
Remarquable analyse…. hélas !
Régis de Castelnau a raison d’invoquer le fait que l’Union européenne court à l’abîme économique. En effet, le bilan de la BCE est sidérant. La monnaie de l’Europe de Bruxelles est dans les mains de criminels avec des manipulations de la comptabilité de cette institution, afin de cacher les pertes. Sur le papier l’état de la situation économique est satisfaisant, mais dans le coffre fort, il n’y a plus rien que du vide. S’il s’agissait d’une société commerciale privée, l’ensemble de la direction serait en prison, mais tel n’est pas le cas pour la caste de la mafia de l’oligarchie. Toutefois jongler avec des faux chiffres ne sera pas possible encore longtemps, la chute va finir par survenir.
Magnifique analyse qui ne fait que renforcer la tristesse que j’éprouve en regardant s’effondrer notre pauvre Pays. Les Français vont ils élire des traîtres et des incapables encore longtemps sans réfléchir, sans se poser la question, qui sont ces gens qui travaillent avec autant d’ardeur à détruire notre civilisation et l’avenir de nos enfants.
bonjour
vous avez raison
cordialement