Par Philippe Mesnard.
À Aurillac, Marina s’est promenée seins nus parce qu’elle avait chaud. Un policier municipal lui a flanqué une amende pour exhibition sexuelle.
La dame a protesté, expliquant que ses seins n’avaient rien d’offensant, pas plus en tout cas que ceux des hommes qui circulaient eux aussi torses nus. C’est un peu comme le Conseil français du culte musulman (CFCM) qui juge que l’abaya n’était pas « une tenue religieuse » mais « une forme de mode ». « Ça n’a rien à voir [avec la religion] », a-t-il expliqué, le vice-président du CFCM, Abdallah Zekri. À Aurillac, des gens ont manifesté, seins nus pour certain.e.s, pour que Marina puisse nous montrer ses appas pas appétissants, aux cris de « Libérez nos tétons de vos regards cochons » et « Aurillac topless, la police en PLS 1. » Pour bien faire comprendre leur point de vue, quelques manifestants genre Black Blocs ont brulé le drapeau français et sont entrés dans le Palais de Justice en essayant de l’incendier : leur intelligente fermeté a payé puisque le maire de la ville a promis d’annuler l’amende. On ne sait pas bien ce que les porteuses d’abaya vont faire (on les imagine mal défiler seins nus) ni quelles manifestations vont germer… À moins que personne ne condamne personne ? Prenons le pari qu’il n’y aura que très peu de verbalisations, aucune garde à vue, aucune comparution immédiate, que tout l’arsenal déployé en permanence contre les braves gens qui se contentent de vouloir défiler avec un drapeau français ne sera pas mobilisé.
Une façon républicaine de s’habiller
En revanche, à Mantes-la-Jolie, un convoi joyeux se rendant à la mairie pour un mariage a arrosé le commissariat de tirs de mortiers, par jeu, sans y voir malice, comme on se promène dépoitraillé à Aurillac en saccageant les tribunaux. Le mariage n’a pas eu lieu car, là, les policiers ont riposté avec des grenades lacrymogènes, saisi quatre véhicules et interpellé douze personnes (dont on ne nous dit pas si elles étaient du genre à faire porter l’abaya à leurs compagnes mais cela paraît probable), placées en garde à vue. Personne n’a encore condamné les policiers ni brûlé quoi que ce soit, à Mantes-la-Jolie, où les jeunes filles en abayas se désolent de ne bientôt plus pouvoir « cacher [leurs] formes », sans que cette dissimulation, bien sûr, ne dissimule quoi que ce soit d’autre, takîya qui s’en dédit. Les partis de gauche ne savent plus à quel sein se vouer, l’exhibé ou le caché, et pas un ministre n’ose se ridiculiser comme Blanquer en invoquant une « façon républicaine » de s’habiller.
Parler c’est agir
Mais alors ? Alors Gabriel Attal est un pur rhéteur macronien. Il parle puisque désormais parler c’est agir. Il parle comme parlent son maître et ses pairs, avec les mêmes tics, promettant tout en sachant que cela ne pourra être tenu, décidant tout en sachant que les décisions seront révisées, interdisant tout en sachant que les interdictions seront annulées : gageons qu’il espère bien que le Conseil d’État (qui a suspendu l’interdiction des tenues manifestant une appartenance religieuse sur les plages de Mandelieu-la-Napoule) affirmera que les abayas sont de mise. La Nupesse se délite, c’est la droite qu’il faut séduire, et le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse est de la partie, promettant après l’ineffable « choc d’attractivité » de Pap un grotesque « choc des savoirs » (« nous mettons le paquet sur les savoirs fondamentaux à tous les niveaux » : ?!) et de « faire bloc » pour la laïcité. Éric Ciotti se laissera peut-être séduire, et avec lui tous les électeurs de cette “droite de gouvernement” déshonorée.
Consensus macronien
Mais il n’est que trop évident que ce discours est en toc, comme l’énième initiative d’union nationale, consensuelle et inclusive de Macron. Il est en toc parce que ce gouvernement n’a aucune envie d’éduquer les Français : il ne veut former que des crétins consentants ; parce que ce président n’a aucune envie de servir l’intérêt national : il ne veut servir que l’Union européenne et les intérêts des financiers ; parce que ce régime ne peut pas viser le bien commun : il ne vise qu’un idéal désincarné et ne mesure son succès qu’aux traditions qu’il annihile. Le consensus macronien n’est que la haine de la France et la laïcité républicaine n’est que la haine du christianisme. La république anticléricale a combattu avec succès le seul rempart contre une immigration politique qui entend transformer la France, et les républicains préfèrent voir mourir la France plutôt qu’elle ne revienne à la foi de ses pères qui a garanti la paix, aux lois qui l’ont protégée et aux rois qui l’ont fait grandir. ■
1. Position latérale de sécurité, terme de secourisme désormais synonyme d’ennemi terrassé.
Article précédemment paru dans Politique magazine.
« Hommes petits qui criez de grands mots » chante la Royale…
Frappé au coin du «tip-top» (selon le mot suisse). Philippe Mesnard dit sur le ton idoine ce qu’il en est du désordre institutionnalisé, de cette anarchie bureaucrate, il a seulement omis de signaler l’océan de «questionnaire à réponses multiples» et autres paperasseries numéricodées que cela produit à tout bout de champ.