PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
COMMENTAIRE – Cette chronique de Mathieu Bock-Côté, la seconde depuis cette rentrée, est parue dans Le Figaro d’hier samedi, 2 septembre. Nous la préférons de beaucoup à celle publiée la semaine dernière, où, cédant aux tentations libéralo-droitières de la mouvance « conservatrice » de laquelle il participe peu ou prou, il tendait à avaliser la thèse évidemment illusoire et trompeuse d’un Nicolas Sarkozy recours pour la France en crise. C’est encore de crise, cette fois-ci constitutionnelle, qu’il parle ici. Celle mise en lumière par le Chef de l’État lui-même, sans-doute beaucoup plus préoccupé par les entraves qu’il doit endurer pour tenter de gouverner sans majorité parlementaire et par l’impossibilité qui lui est faite de se représenter en 2027, beaucoup plus préoccupé, donc, de tout cela que par l’érosion progressive, en effet « funeste » des pouvoirs de l’exécutif, le déclin du politique, la défiance populaire, et, une fois de plus, dans l’histoire de nos républiques, un nouveau et profond déséquilibre institutionnel. Paradoxe : il s’ensuit que le Pouvoir se caractérise, autant qu’il le peut par un autoritarisme grandissant frisant souvent le ridicule, et par une impuissance de plus en plus marquée. Les réformes institutionnelles successives des dernières décennies ont en effet détruit la prééminence du Pouvoir que la Ve République avait prétendu imposer. L’équilibre institutionnel est rompu, comme est rompu le lien des Français avec un Etat dont toute la politique se déploie contre son sentiment profond sur les sujets essentiels. Faut-il regretter, sous prétextee de « démocratie », le parlementarisme de jadis, le régime des partis, que fustigeait De Gaulle ? Sûrement pas ! Ils incarnent moins que personne la « souveraineté populaire ». Faut-il une énième réforme constitutionnelle ? Vastes sujets qui outrepasseraient le cadre du commentaire. Qui a dit : « Si la République était un bon régime, il n’y en aurait pas eu cinq » ? De la 1ère à la Ve, la nôtre, et c’est remarquable, continue de se chercher, sans jamais trouver son assiette. Et, au fil de cette quête improbable, la France décline inexorablement.
CHRONIQUE – En présence des dirigeants des partis, Emmanuel Macron aurait exprimé sa désapprobation envers l’interdiction de se présenter pour un troisième mandat consécutif. Pour Mathieu Bock-Côté, les réformes censées démocratiser le pouvoir contribuent à l’impuissance du politique.
Emmanuel Macron, on le sentait bien, n’aimait pas trop l’idée de ne pouvoir se présenter une troisième fois de suite à l’élection présidentielle de 2027. Il ne comprenait pas trop pourquoi il ne pourrait pas se présenter pour un nouveau mandat, et se voyait bien remporter son prochain duel avec Marine Le Pen, quitte à obtenir un résultat un peu plus serré que la dernière fois.
Ses amis plaidaient d’ailleurs publiquement pour une réforme institutionnelle faisant sauter cet obstacle et vantant les mérites d’un leader expérimenté dans un monde turbulent. Vendredi matin, il a décidé de le faire savoir par: la réforme ayant rendu une telle chose impossible est une « funeste connerie ». Le propos, rapporté par plusieurs, a valeur de déclaration publique, et on peut se demander s’il trouvera une suite politique.
Rares sont ceux qui le contrediront, et nombreux seront ceux qui voudront aller plus loin, en ajoutant au registre des funestes conneries les réformes censées démocratiser le pouvoir qui se sont accumulées depuis le début des années 2000, qu’il s’agisse du passage au quinquennat, de la fin du cumul des mandats, du renforcement de l’autorité du Conseil constitutionnel, de la multiplication des autorités «administratives» «indépendantes» et peut-être même des règles nouvelles en matière de financement des partis et des campagnes électorales.
La volonté devant l’histoire
Ces réformes étaient censées favoriser la circulation des élites, éviter une professionnalisation excessive de la classe politique et rendre la vie démocratique plus transparente. Cette dynamique fut souvent assimilée à une horizontalisation de la politique, conforme aux exigences d’une société égalitaire. Le citoyen ordinaire s’en trouverait grandi, et sa capacité de peser sur le destin de son pays, augmentée.
Il est difficile de ne pas voir là un exemple flagrant du retournement de «la démocratie contre elle-même». Ces réformes ont entraîné un transfert de pouvoir au désavantage des élus – autrement dit, au désavantage des électeurs dont ils dépendent. Ces derniers disposaient d’ailleurs du pouvoir d’en finir avec un élu accumulant les mandats, en décidant tout simplement de ne plus voter pour lui.
Il n’est pas certain, d’ailleurs, qu’on ait vraiment voulu revitaliser la souveraineté populaire à travers ces réformes: l’usage du référendum ne fut d’aucune manière étendu et le référendum d’initiative populaire ne fut quant à lui concédé qu’à travers des modalités qui le rendaient concrètement impraticable. La France a continué de se transformer en profondeur dans une direction contraire à celle souhaitée par la majorité des Français: les électeurs ne purent choisir que les gestionnaires de cette transformation.
Nous sommes ici devant un paradoxe: les réformes censées démocratiser le pouvoir contribuent à l’impuissance du politique. L’idéal «libéral» d’un remplacement de la volonté d’un homme par une règle impersonnelle permettant d’en finir avec l’arbitraire est profondément contraire à la nature du politique, qui exige justement que certains hommes engagent leur responsabilité devant l’histoire. Il entraîne une prise de pouvoir par les technocrates et les juges.
Informe, insaisissable, irréformable
L’amateurisation de la classe politique la transforme par ailleurs en classe de communicants bavards, déconnectés et même déracinés du pays, dépendant exclusivement de leur structure partisane pour se faire réélire, au bon vouloir du prince et de ceux qui le servent, et jouissant de privilèges ne s’accompagnant pas vraiment des responsabilités les justifiant. Sans surprise, le maire demeure le seul homme politique apprécié des temps présents: il dispose d’un réel pouvoir sur sa ville.
Le pouvoir est désormais informe, insaisissable, irréformable. Et c’est dans cette perspective que le référendum s’impose de plus en plus à l’esprit d’un grand nombre d’électeurs, qui témoignent par là de leur attachement à la mystique de la souveraineté populaire. Au-delà du pouvoir qu’il accorde au peuple, lorsqu’on daigne le consulter, de trancher sur une question existentielle, où le pays profond se trouve souvent à bonne distance des élites, le référendum aurait surtout la vertu, s’il était utilisé à bon escient, aujourd’hui, d’engendrer une réforme institutionnelle délivrant la démocratie française de la conception falsifiée de l’État de droit, qui l’inhibe, l’étouffe, la neutralise.
Trop souvent, devant une réforme jugée essentielle au bien commun, les apparatchiks du régime répondent qu’elle est contraire au droit, comme si ce dernier relevait d’une révélation divine. Le pouvoir des juges ne doit pas être obligatoirement considéré comme la fin de l’histoire. Le référendum peut modifier les paramètres du droit, en le fondant sur une légitimité nouvelle. Il permettrait, à terme, de redonner du pouvoir au pouvoir. Ainsi pourrait-on se délivrer des funestes conneries des deux dernières décennies. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
La République, c’est comme les tragédies : cinq actes, ça suffit… Après la Ve, pas de VIe République.
Je lis chez M.B-C : »Sans surprise, le maire demeure le seul homme politique apprécié des temps présents: il dispose d’un réel pouvoir sur sa ville. »
C’est faux dans les villes absorbées par des structures métropolitaines. La dernière élection « municipale » à Marseille, par exemple, a été caractérisée par deux tours de passe-passe.
1) La démission presque immédiate, sous un prétexte risible, de la sympathique tête de la liste choisie par les électeurs, au profit d’un « pro » de la politique socialiste caché en embuscade dans la liste présentée aux électeurs.
2) Une seconde liste mal définie, ajoutée sur les bulletins de vote, comme en catimini, sans campagne ou présentation véritable, comme dans un achat forcé, a, réunie aux listes pareillement élues dans le ressort de la métropole, porté à la tête de celle-ci le parti rejeté par le scrutin dit « municipal ».
Peu après les Marseillais ont découvert que le « maire » qu’ils n’avaient pas choisi, n’avait pas les pouvoirs qu’ils pouvaient sincèrement lui supposer. Pis que cela, les responsabilités traditionnelles étaient inextricablement diluées entre villes et métropole, privant les citoyens des diverses cités de ladite métropole de tout interlocuteur simplement identifiable, d’un vrai « maire » en termes simples. Le « qui fait quoi? » à quoi on se heurte à chaque pas est indémêlable. On a découvert, par exemple, que la circulation automobile est du ressort de la métropole mais que le stationnement est resté à la ville. On ne sait d’ailleurs pas si ce régime s’applique uniformément à tous les emplacements ! La bureaucratie en lieu et place de la démocratie municipale.
C’est sans doute vrai pour les grandes cités comme Paris, Marseille ou Lyon. Mais pour les petites et moyennes villes, il me semble voir un réel engouement pour l’élection du maire. Et pourquoi pas (si seulement on la mettait en place) pour la démocratie municipale ou communale.
Il m’apparaît que chacun des deux avis ci-dessus est vrai. Ils s’appliquent à des réalités de plus en plus différentes.
~ Voici ce faux président = macron = très inutile pour la France & grand manipulateur beaucoup des niais de Français ;
§ Message d’un: * Royaliste-Lozérien *.
Cinq républiques, cinq catastrophes, Comme daisait Pierre de Gaulle dernièrement, ils ont détruit le pays de mon grand père. Quand je regarde la piétaille qui nous gouverne, j’ai honte. De grâce, comment peut on imaginer 15 ans avec cet individu malfaisant. Ses prédécesseurs ne sont pas plus reluisants non plus. Vive le Roi.