Par Ronan Planchon.
Commentaire – Ces bonnes feuilles sont parues le 12 septembre dans Le Figaro. Elles ne relèvent pas de l’idéologie ou de l’esprit partisan mais du reportage, de l’enquête et de l’observation du réel. L’auteur du livre d’où elles sont extraites est avant tout un reporter, un journaliste intervenant dans toutes sortes de médias, écrits, parlés ou télévisuels. Et de ses « cinq années d’immersion et de reportages au cœur du malaise français » qu’il revendique il a tiré un ouvrage dont ces bonnes feuilles laissent entrevoir l’intérêt. Le tableau est sombre, inquiétant et il ne fait qu’étayer ce que l’on appelle par euphémisme calculé, le « ressenti » de la majorité des Français. D’ailleurs, disons le : il faudra bien que ça craque, tous risques affrontés, si nous voulons que la France s’en sorte, si l’on conserve l’espoir et la volonté d’une de ces renaissances dont elle a donné maints exemples dans le passé. Ce n’est jamais sans mal ni sans casse !
La place où s’arrêtent les bus, juste devant le lycée, on l’appelle le “Centre de guerre”
Des élèves du lycée Kahani
EXCLUSIF – Le Figaro publie les bonnes feuilles du livre-enquête de François-Xavier Ménage, Ça craque (Robert Laffont), fruit de cinq années d’immersion et de reportages au cœur du malaise français.
• Quand les médecins s’en vont
Houdan, une charmante ville structurée autour de quelques commerces de proximité, du calme, à 40 minutes de Paris, la formule «marché & clocher». Manque juste un système de santé.
Ici, «trois médecins ont raccroché en un an». Autour, le constat est semblable. Le bassin houdanais compte seulement 9 généralistes pour 40.000 habitants quand la moyenne est de 64 en Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’antenne locale de l’UFC-Que choisir parle d’«accès déplorable aux soins sur le territoire».
L’association de défense des consommateurs, qui – changement d’époque – surveille désormais autant la santé que les rayons des supermarchés, a même créé une carte interactive en matière de friche médicale. Houdan est en zone rouge. «Fracture sanitaire.» «Dans un rayon de 30 minutes, vous avez un accès difficile aux médecins généralistes quel que soit leur tarif.» Sur la carte, presque tout est rouge.
• Mon lycée, ce coupe-gorge
Personne, pas un professeur, pas un lycéen, n’a pensé que l’action allait résoudre quoi que ce soit. Mais afficher, c’est lutter. Alors, fin 2021, une grande banderole marron a été déployée devant l’école Gustave-Eiffel de Kahani (Mayotte). «Bienvenue au pire lycée de France!!» Deux points d’exclamation pour ponctuer la phrase.
Suit un autre jour la mobilisation de professeurs, allongés par terre. Tous portent des tee-shirts blancs tachés de faux sang. Comme dans les scènes de crime des séries américaines, on a tracé une ligne autour de leurs silhouettes avec une bombe de peinture blanche.
Entouré de bidonvilles, le lycée Kahani – plus de 2000 élèves – est devenu un tel concentré de brutalité que certains professeurs ont fait jouer leur droit de retrait. Des mois que les violences entre bandes rivales, au départ polarisées devant l’établissement, se sont invitées entre les murs.
Le 101e département de France, 77 % de taux de pauvreté, compte officiellement 300.000 individus – plutôt 400.000 en réalité. L’immigration clandestine est massive et incontrôlée. La population a été multipliée par onze en soixante ans. Aujourd’hui, la moitié des habitants de l’île a moins de 18 ans. Près de 10.000 enfants en âge d’aller à l’école y seraient déscolarisés. Des milliers de mineurs appelés «isolés» n’ont aucun parent à leurs côtés. Au lycée Kahani, une quinzaine d’agents de sécurité issus du secteur privé ont été recrutés par le rectorat et dédiés à cette école. Ils portent des tee-shirts rouges avec, écrit sur le dos, «EMS» (équipe mobile de sécurité). Des fouilles sont pratiquées le matin. Dans les sacs de certains élèves, on trouve des barres de fer, des couteaux, même une machette.
Assises sous un préau en tôle, à quelques mètres de grilles vertes surmontées de fils barbelés, quatre lycéennes acceptent, en ce mois de décembre 2021, de décrire leur quotidien. Trois portent un foulard sur la tête, la dernière arbore un chignon parfaitement ramassé. Elles ont entre 17 et 19 ans. Deux d’entre elles passent le bac dans moins de six mois. Une de leurs amies a reçu récemment un coup de couteau, en sortant de classe.
«La peur, ça commence dans le bus, le matin. On est souvent caillassés. Les chauffeurs aussi ont peur. Si, sur la route, il y a un container, ça veut dire qu’un règlement de comptes ou un racket peut se produire. Alors le bus fait demi-tour. Tant pis pour nous, si, depuis la maison, on voit le bus partir.
– Un jour, j’étais dans le bus, au départ de Combani. On a reçu tellement de cailloux, ça cognait sur toutes les vitres, la fille assise à côté de moi a été touchée à la tête. (…)
– La place où s’arrêtent les bus, juste devant le lycée, on l’appelle le “Centre de guerre”.
– Même les oiseaux ont peur de nous, ils ne viennent plus voler au-dessus de nous.»
• Des étudiants qui peinent à se loger
Elles appellent cela l’«autosuffisance». Étudiantes, Ely et Pauline vivent «sans l’aide de papa ni de maman». Pas d’association pour leur filer un coup de main, aucune distribution alimentaire. Elles ne sollicitent que leur propre volonté. Et ça passe par des petits boulots. Elles ont 19 ans, ne sont encore jamais allées en boîte de nuit. Ce ne sont pas les parents qui interdisent. «C’est le compte en banque», répondent les deux amies. Un resto? « Même pas en rêve», dit Pauline. «À la limite, ajoute Ely, pendant les vacances, on peut prendre un ou deux verres. Mais faire la fête: impensable. La priorité, c’est de remplir l’estomac.» Pour chacune, le «budget bouffe» ne dépasse jamais 70 euros par mois. «Pâtes, riz et quand on peut des condiments. Jamais de viande.» La semaine dernière, Ely a craqué. «Des bonbons, achetés au supermarché.» D’habitude, si elle a le choix, ce qui arrive rarement, Ely préfère les produits d’entretien. Plus utile.
Côté étiquettes, l’étudiante connaît toutes les marques discount, les prix, leurs variations. Elle est caissière chez Leclerc. Le samedi et le dimanche. Treize heures hebdomadaires. 539 euros de salaire à la fin du mois. (…)
Quand il a été question d’un logement, Ely a eu la «bêtise» d’approcher le parc privé. Elle a consulté en ligne les offres de location dans Paris intra muros. «780 euros le placard.» Autour de l’université, plusieurs agences immobilières affichent des biens inférieurs à 10 mètres carrés pour des tarifs démentiels. La jeune femme, longues tresses africaines teintes aux extrémités en rose fuchsia, a très vite laissé tomber. Elle a finalement décroché une place au sein d’une résidence universitaire. Mais pour cela elle a dû poser ses valises dans le département voisin, les Hauts-de-Seine. 461 euros le loyer. Ely est boursière, «échelon 1». 179 euros tous les mois.
De son côté, Pauline a «manœuvré» pour ne pas payer de loyer. Sa combine? Travailler dans un internat. Enfants, lycéens, étudiants: ça décroche déjà. Elle gère les devoirs du soir des lycéens et encadre l’heure du sommeil. En échange, le logement est «offert». Soirées monacales. «Pas grave. J’ai un endroit où dormir. Franchement, je m’en sors bien.»
• Ces centres-villes où les commerces ont déserté
Au début des années 1980, Saint-Brieuc est à la mode. Ses rues piétonnes attirent et son festival Art Rock est un modèle du genre.
Pourquoi, dès lors, cette ancienne gloire bretonne n’arrive-t-elle plus à briller? Pendant que Brest et Rennes prennent la lumière, Saint-Brieuc prend la poussière, au point que les médias, qui aiment les totems, présentent désormais la commune comme l’un des symboles nationaux de ces villes moyennes qui meurent. Un centre qui se désagrège, des commerces qui ne résistent pas. Ça commence avec les journaux locaux, Ouest-France, Le Télégramme, au détour d’un article. Un jour, un grand quotidien national s’y met. Boule de neige.
Pourtant la cité briochine n’est pas un repoussoir. Pas une solution de repli. Pas non plus un mouroir.
Dans les plaquettes éditées par les promoteurs immobiliers, on aime rappeler que Saint-Brieuc est située à 2 h 14 de Paris-Montparnasse et idéalement relié à plusieurs grandes métropoles bretonnes. Alors pourquoi les rideaux des boutiques ferment-ils? Pourquoi quasiment un tiers des commerces sont vides et cherchent un repreneur? L’hécatombe est insultante parce que progressive, générale. En 2011, 89 magasins cessent leur activité à Saint-Brieuc. En 2019, 229 boutiques jettent l’éponge. (…)
En Bretagne comme ailleurs, les centres-villes qui résistent ont des arguments touristiques et culturels. Prenez Vannes, la bourgeoise, qui fait rêver avec le golfe à côté, les petites îles qui se détachent au loin, un coup de bateau et on y est, et puis cette ambiance, le port, les maisons bien retapées, on veut tous y habiter. Saint-Brieuc n’a pas le même sex-appeal.
Dans le centre, les affiches «Locaux à louer», «Bail à céder» donnent le tournis. «Nous ne retrouverons jamais l’armature d’il y a vingt, trente ans», confesse le responsable des affaires commerciales de la mairie.
Avant, on disait, un peu comme chez le dentiste, «subir une dévitalisation commerciale». Aujourd’hui, l’Insee diagnostique carrément la «décroissance des centres-villes».
Et si on parlait plutôt de «grand remplacement des mètres carrés»? Le transfert d’activité du centre névralgique vers ses contours. Chaque année en France, 4 millions de mètres carrés de surface commerciale sortent de terre, presque tous dédiés aux centres commerciaux, de préférence collés aux grands axes routiers. Désormais, huit magasins sur dix ouvrent en dehors des centres-villes.
• La drogue gangrène les villes moyennes
«Si seulement on pouvait changer plus souvent de voiture banalisée», dit le policier comme pour s’excuser, alors que son véhicule rentre dans le quartier Monclar, en banlieue d’Avignon, là même où, quelques mois plus tôt, un jeune homme de 16 ans est mort, tué par balle, sur un rond-point servant de point de deal. La voiture des policiers de la BAC fonce pour se garer. «Arha» («attention», en arabe), crient, au loin, quelques individus. Immédiatement, deux adolescents posés sur un canapé s’engouffrent dans l’immeuble le plus proche. Depuis leur véhicule, les policiers en civil aperçoivent des ombres se faufiler dans la cage d’escalier. Les portières claquent. Ils ont beau courir vite. Trop tard.
Le jeu du chat et de la souris. Plusieurs heures. Tous les soirs de l’année. «On est six, maximum, à patrouiller la nuit.» L’hiver, certains s’assoupissent au volant, le chauffage à fond, quand les températures glissent sous zéro. L’été, les descentes sont plus tardives. Quand l’horloge indique 5 heures du matin, les équipes rentrent chez elles. Pour, enfin, dormir. À l’heure du goûter, encore groggys, les plus courageux récupèrent les enfants à l’école, avant la prochaine ronde de nuit. «En vacances, on met dix jours à trouver un nouveau rythme de sommeil.» (…)
Les guetteurs, payés entre 100 et 150 euros la journée à Avignon, sont dorénavant recrutés dans toute la France via les réseaux sociaux. «Ils prennent le train, pour une journée ou une semaine, et repartent avec de l’argent liquide. Ils ne savent même pas pour qui ils bossent.» Les plus organisés louent des chambres d’hôtel. Ils en profitent pour planquer de la drogue, quelques jours durant.
Dans le secteur d’Avignon, les guetteurs sont plutôt bien payés. C’est en partie dû à la concurrence féroce que se livrent plusieurs réseaux de trafic locaux. Ils peinent à recruter et pratiquent donc la politique du carnet de chèques. Voilà pourquoi, aux abords de la Cité des papes, se pressent autant de guetteurs.
Pour leur part, les «charbonneurs» peuvent espérer 300 à 400 euros la journée. «Allez leur demander, ensuite, de trouver un boulot chez Pôle emploi», s’exaspère un membre de la BAC, en évoquant les grilles de rémunération. Le policier se garde bien de dire que lui-même gagne moins qu’un «charbonneur».
• Les maires claquent la porte
La petite commune du Saint, presque 600 habitants, porte très mal son nom. Depuis début 2022, des élus disent subir insultes et menaces de mort. L’un, pris pour cible sur les réseaux sociaux, est surnommé «SS». De son côté, le maire affirme avoir été poursuivi sur une quarantaine de kilomètres par des opposants qui voulaient s’en prendre à sa famille. La secrétaire de mairie a déposé plainte car, dit-elle, un opposant menaçait de l’asperger avec de l’acide. Le village, situé dans la partie cornouaillaise du Morbihan, jouxte les montagnes noires et leur grès dur.
L’ambiance est devenue invivable au sein du conseil municipal, l’équipe actuelle étant entrée dans un bras de fer avec la précédente, sur fond de difficultés financières. Certains pensent arrêter là le carnage. Et démissionner.
L’Association des maires du Morbihan (AMF 56) est contrainte d’évoquer de «graves incidents». C’est vrai pour cette commune. C’est vrai ailleurs aussi.
Dans le département, deux ans et demi après les élections municipales de 2020, déjà huit maires ont démissionné. 141 adjoints ont suivi le même chemin. Sans oublier 586 conseillers municipaux qui ont décroché. Au total, cela fait 735 démissions en trente mois. À l’échelle d’un département moyennement peuplé, le bilan paraît à la fois «ahurissant» et «tristement banal» pour le président de l’AMF 56, Yves Bleunven.
«Toutes les semaines, quatre renoncements surviennent dans le département», dit-il. Trop de pression, trop de paperasse, trop de querelles, trop d’insultes. Le département en question est pourtant attrayant, et le degré de révolte des administrés, sans doute loin d’être le plus élevé du pays. «En matière de taux de démission, ça représente 15 % des élus locaux. Dans le secteur privé, normalement, on tourne un peu en dessous de 3 %. ■
Ces éléments DE BASE, Macrouille ne les comprendra jamais « conceptuellement » …
Lui, c’est plutôt la galerie des Glaces du château de Versailles avec Charles III !
ALORS pour le bien-être de la France et des Français, il est URGENT qu’il se casse LOIN DE LA FRANCE le plus vite et le plus loin possible car ce mec est toxique.
Mayotte (début de l’article) : « 77 % de taux de pauvreté, compte officiellement 300.000 individus – plutôt 400.000 en réalité. L’immigration clandestine est massive et incontrôlée. La population a été multipliée par onze en soixante ans. »
Le plus récent aveuglement politique commis par notre chère AF qui les a multipliés au fil des décennies… Le brave Pujo vivait avec un logiciel intellectuel archaïque… Et l’AF officielle continue à défendre ce choix imbécile.
Le constat du texte sur Mayotte n’étonnera personne ici. Et c’est bien normal : peut-être fallait-il s’en débarrasser, je ne sais pas, mais il était en tous cas suicidaire d’en faire un département (déjà que les départements sont en soi une idée bien pourrie, la transplanter ailleurs l’est encore davantage).